Chahed a rendu hommage aux deux souverains Hassen II et Mohammed V.
La dernière visite Youssef Chahed au Maroc est un échec au niveau protocolaire. Y aura-t-il donc un fusible à faire sauter? Ce serait une grave erreur! Explications…
Par Farhat Othman *
Rappelons que le chef du gouvernement est l’une des trois têtes de la présidence démocratique en Tunisie, et il détient l’essentiel du pouvoir à l’intérieur du pays dans le cadre du caractère bicéphale de l’exécutif. À ce titre déjà, il a droit à un traitement de chef d’État lors de ses visites à l’étranger.
Un couac comme une machination
C’est ce qui n’a pas été respecté au Maroc où le monarque reçoit tout chef d’État en visite au pays. Le protocole a été sans conteste chahuté à la dernière minute au prétexte irréaliste d’une indisposition du roi Mohammed VI.
On nous dit que cela est venu d’une manière imparable, ayant été improvisé à la dernière minute par le protocole du palais royal. C’est ce qui ôte assurément la moindre responsabilité de la partie tunisienne et des diplomates ayant préparé et accompagné le chef du gouvernement.
Il n’empêche que le coup a été manifestement trop bien soigné pour être innocent. Aussi, fatalement, en logique politique classique, cela impose qu’un responsable soit trouvé. C’est la règle du fusible sur laquelle tablent les auteurs de ce qui semble n’être qu’une honteuse machination.
Toutefois, ce serait bien injuste de la part de M. Chahed — surtout qu’il fait de l’éthique son cheval de bataille — de se laisser ainsi aller à une telle pratique à l’antique de la politique, même s’il a raison d’être en colère pour sa dignité étatique bafouée. C’est bien de celle de la Tunisie qu’il s’agit, en effet.
Aussi, trouver un responsable coûte que coûte au ministère des Affaires étrangères, c’est aller dans le sens des visées de ceux qui ont été à l’origine du couac qui ne sont pas Marocains. En effet, la cause première de ce malheureux incident de protocole, pour ne pas dire diplomatique, est nationale; elle se trouve du côté des ennemis acharnés des compétences patriotiques encore dans le pays.
Le Sahara, un faux prétexte
Rappelons la cause de l’incident pour mieux cerner les données du problème dont il ne faut pas sous-estimer la gravité sur le cours actuel si sensible au pays. Les Marocains auraient souhaité évoquer la question, hautement stratégique pour eux, du Sahara, estimant une prise de position tunisienne indispensable. Ils la jugeraient, effectivement, en termes de spoliation, et ce non seulement de leur territoire, au service de leurs propres intérêts, mais également de tout le Maghreb. Aussi, ne pas prendre position sur cette question encouragerait, demain, que tout le Maghreb, y compris l’Algérie, soit impunément spolié d’une partie de son territoire dans le cadre d’un plan de partition impérialiste : le sud pour la Tunisie, la Kabylie pour l’Algérie et tout le pays — ce qui est déjà le cas — pour ce qui concerne la Libye. Or, les événements du Rif rendent aujourd’hui le Maroc encore plus sensible sur cette question.
Youssef Chahed reçu par son homologue marocain Saâdeddine El Othmani.
On voit donc à quel point le stratagème machiavélique monté de la part de qui l’a peaufiné du côté tunisien était soigné, voulu comme une arme devant servir à une massive destruction de la politique salutaire actuellement en cours dans le pays.
Rappelons, à ce propos, la constante tunisienne dans l’affaire du Sahara. La Tunisie, qui plus est dans le cadre d’une visite de travail comme celle de M. Chahed, et selon la tradition diplomatique, n’a pas à évoquer une telle question délicate qui bénéficie d’un traitement particulier à part à la hauteur de son importance, et ce dans l’intérêt commun du Maghreb. Le communiqué de presse, d’ailleurs, n’en a point traité ni en projet ni au final.
De plus, cette question ne pouvait être traitée par la délégation, eu égard à sa qualité, quand bien même elle était de haut niveau et présidée par l’une des deux têtes de l’exécutif national, mais par le président de la république en tant qu’artisan de la diplomatie tunisienne ou, par délégation, par son ministre des Affaires étrangères.
L’absence de la moindre négligence de la part de la diplomatie tunisienne lors de la visite de M. Chahed au Maroc est donc bien avérée, que ce soit au niveau du département ou de l’ambassade à Rabat qui est, au demeurant, dirigée par des compétences de haut niveau issues de la vieille école diplomatique autour d’un ambassadeur qui, s’il n’est pas de carrière, est un ancien ministre dont la valeur était connue et reconnue.
Un coup bas à l’éthique et à la patrie
Si le couac n’est pas attribuable à notre diplomatie, particulièrement professionnelle depuis peu, vigilante et proactive, qui en serait responsable en dehors des Marocains qui n’ont fait qu’en profiter? La réponse réside dans la question classique : à qui profite le crime?
L’origine tunisienne du couac se situe ai niveau de ces forces occultes et corruptrices auquel M. Chahed a osé s’attaquer. De fait, personne ne l’ignore, il est des malades dans le pays, jusques et y compris dans les administrations, dont particulièrement celles des Affaires étrangères (où l’on fait tout pour se débarrasser des diplomates compétents et intègres parmi les anciens), desservant les intérêts de la patrie, s’activant sans relâche à porter atteinte à l’efficacité de ceux qui y sont en train inlassablement de sortir le pays de la nuit horrible où il végète.
C’est vers de telles officines que Youssef Chahed doit se retourner et sévir tout en appuyant l’effort en cours tendant à revitaliser la diplomatie tunisienne. Comme piste à remonter, rappelons ici les liens particuliers existant entre le roi du Maroc et certaines figures politiciennes tunisiennes outre le succès de la visite du ministre Khemaies Jhinaoui en Turquie ayant eu lieu quasiment concomitamment. De quoi susciter les pires animosités au point de vouloir faire d’une pierre deux coups : enrayer la marche sur les corrupteurs de M. Chahed en créant des tensions entre lui et le seul véritable chef de la diplomatie tunisienne, le président de la république.
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