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Bloc notes : Qu’ouvrent enfin, en cette fin de ramadan, cafés et restaurants!

Si l’on veut respecter et l’État de droit et la juste conception de l’islam qui n’est que droits et libertés, on doit encourager l’ouverture des cafés et restaurants en cette fin du ramadan pour honorer véritablement le mois du jeûne.

Par Farhat Othman *

Il ne suffit pas de parler, il faut concrétiser les intentions par des actes, y compris des plus éminemment symboliques. Ce sera le cas avec le courage d’oser appeler à l’ouverture des cafés et des restaurants en plein jour en cette dernière semaine du mois du jeûne. Il n’est pas d’autre acte majeur pour le chef du gouvernement de confirmer ses dernières directives appelant au respect par les forces de l’ordre des non-jeûneurs. C’est d’autant plus impératif que, ce faisant, il ne se positionnera pas contre l’islam, mais bien en agissant en son nom, selon une saine compréhension de ses préceptes, l’islam étant la foi des droits et des libertés du croyant, garantissant à la fois le jeûne public et le non-jeûne également en public pour qui le souhaite.

En effet, la foi en islam est libre, l’adhésion aux préceptes religieux n’y obéissant qu’à la conviction, jamais à la force et l’oppression. C’est cela l’islam authentique que ne connaissant plus certains de nos intégristes qui puisent moins dans le Coran leur dogmatisme que dans la tradition judéo-chrétienne infiltrée en notre religion, les fameuses israilyet. Or, libérer ramadan du bigotisme des tartufes, c’est encourager la liberté du commerce qui est garantie aussi et protégée par notre foi humaniste, si respectueuse de la différence. C’est surtout agir pour la Démocratie islamique dont parle le chef du parti Ennahdha sans lui donner de contenu concret. Imaginons donc le beau spectacle que donnerait l’avenue Bourguiba avec ses cafés ouverts de jour et pleins de qui ne jeûne pas parmi les musulmans et les non musulmans ! Quelle plus belle image d’une Tunisie nouvelle, réconciliée avec ses traditions de tolérance et d’ouverture, enfin respectueuse de la différence ?

C’est ainsi servir la patrie, aujourd’hui, que d’oser enfin la liberté au nom de la foi et du droit. D’autant mieux que cette fin du mois voit se multiplier les initiatives diverses au nom de l’islam alors qu’elles ne relèvent que de traditions étrangères à l’islam, comme cette circoncision qui n’est religieuse qu’en tant que prescription hébraïque. Il est temps d’aider à sortir l’islam de la confusion terrible qu’il vit, ayant donné Daech. Osons les libertés !

Assez de parlote, des actes enfin !

Au lendemain de la destitution de son ministre de l’Intérieur, qui n’a pas hésité à justifier la persécution des non-jeûneurs en public par une saugrenue conception de la démocratie, on prête au chef du gouvernement l’intention d’agir en sens tout à fait opposé, donnant déjà des directives aux services sécuritaires de s’abstenir à l’avenir de tels agissements contraires à la Constitution du pays. C’est de bonne guerre et enfin salutaire pour l’État de droit qu’on veut ériger en Tunisie.

Toutefois, pour que cela ne relève pas de l’esbroufe politicienne, le chef du gouvernement devrait confirmer de telles intentions salutaires pour le respect du vrai esprit de la démocratie dans le pays par l’abrogation pure et simple des actes normatifs qui ont justifié et continuent à justifier les exactions policières. Or, il ne s’agit que de textes administratifs subalternes, dont d’ailleurs certains sont maintenus en dehors de toute illégalité, et donc un arrêté ministériel, ou même une simple circulaire, suffisent à les jeter définitivement à la poubelle des monstruosités et des horreurs sociales. Au lieu de parler, Monsieur Chahed devrait agir; et c’est de son ressort !

Bien mieux, pour être crédible, il doit prouver son intention louable tout de suite en saisissant cette fin de ramadan pour transformer totalement la conception du mois du jeûne dans le pays, en faisant un mois de libertés pour tous dans le respect de tous. Qu’il appelle donc à ce que les principales avenues de nos villes affichent le beau visage de la Tunisie réconciliée avec elle-même et avec sa foi véritable !

C’est ainsi qu’il concrétisera les nouvelles libertés défendues, non seulement en laissant toute latitude aux cafés et restaurants d’ouvrir en pleine journée pour ces derniers jours du mois saint, mais en les y appelant; ainsi ces jours-ci seraient historiques ! Que les commerces tolérés, ouvrant déjà en catimini, soient appelés à le faire publiquement et en toute quiétude, enlevant tout ce qui leur servait à dissimuler leur activité. Une liberté, cela s’affiche !

Bien mieux ! Les militants pour les valeurs doivent de se saisir d’une telle ouverture pour s’y engouffrer en multipliant les manifestations pour les droits, les libertés et le vivre-ensemble démocratique. Cependant, ils le feraient bien plus efficacement en agissant au nom d’un humanisme intégral sans nul relent d’islamophobie sous des allures de laïcité versant dans le laïcisme. Ils ont donc intérêt à afficher bien haut l’intention patriotique de faire des derniers jours du ramadan de cette année un modèle du genre à suivre pour les mois saints futurs : un ramadan de piété réelle, respectueuse de la lettre et de l’esprit de la religion du pays où être pieux, c’est d’abord respecter son prochain, surtout le différent, dans sa liberté et ses moeurs, l’islam étant altruisme.

L’islam encourage la liberté, y compris de ne pas jeûner

C’est un non-sens de prétendre que l’islam est contre le non-jeûne en public; c’est même le jeûne public qu’il déconseille, car jeûner est un acte dédié à Dieu et qui ne suppose aucune ostentation. De plus, comme c’est une épreuve, consistant à résister à la tentation de boire et de manger, quel intérêt de jeûner quand tout le monde le fait ou simule de le faire ?

Au vrai, les religieux qui agissent pour imposer le jeûne violent leur foi et devraient être sanctionnés pour violation des préceptes de l’islam, foi de tolérance et du respect d’autrui, tout autant que pour perturbation de l’ordre public. Il est temps qu’on apprenne le vivre-ensemble qui nécessite la différence et qu’on cesse de faire du ramadan un mois honteux pour l’islam, synonyme d’intolérance et de religion attardée, ayant peur de la moindre liberté de ses fidèles.

Rendre hommage à l’islam en cette dernière semaine de son mois saint, c’est saluer son esprit humaniste et libertaire autorisant toutes les libertés : qu’on mange donc et qu’on boive, si telle est l’envie de certains; et que cela soit même de l’alcool que n’a jamais interdit le vrai islam tant qu’il ne verse pas dans l’ivresse ! C’est ainsi qu’on rendra ses lettres de noblesse à une religion que ses adeptes intégristes caricaturent, s’évertuant à en faire une foi moyenâgeuse, à l’exemple de ce qu’étaient les deux autres religions monothéistes avant de s’engager à les réformer.

Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que nos plus excessifs des intégristes soient soutenus par certains pays d’Occident réveillés à leurs démons religieux; c’est que maintenir l’islam dans son arriération actuelle par ses propres adeptes relève d’une sorte de nouvelle croisade. Aussi, nos fuquahas fondamentalistes ne sont-ils que des rabbins et des moines à l’ancienne, servant moins l’islam tel qu’il a été révélé, soit une foi se voulant révolutionnaire, que ce qu’elle est devenue : simple copie de la tradition judéo-chrétienne de laquelle ne relèvent même plus chrétiens et juifs après la rénovation de leur croyance, à part des minorités extrémistes dont nos jurisconsultes sont les émules.

Redonner à l’islam son humanisme

Les autorités ne devraient pas laisser passer cette occasion en or pour témoigner de leur sérieux en matière de droits et de libertés. Ils doivent oser faire enfin du ramadan le mois idéal non pas du mensonge et de l’hypocrisie, mais de la foi honnête dans une religion des droits et des libertés. On ne doit plus confondre l’islam véritable, qui est humaniste et tolérant, avec ce qui en a été fait. Faut-il rappeler que la jurisprudence à laquelle nous persistons à vouloir nous attacher est la même qui justifie les crimes de Daech? Aussi, il nous faut impérativement savoir si l’on veut ériger un État de droit sur cette terre, respectueux du vrai islam humaniste, ou un État clone de Daech.

Les militants doivent aussi cesser de faire leur salafisme profane en tombant dans le jeu des salafistes religieux, servant leur stratégie intégriste sans le savoir, en se faisant islamophobes, au service des ennemis de l’islam. Dans l’immédiat, ils doivent multiplier les actions durant ces derniers jours de ramadan pour les droits et les libertés, dont ceux surtout de boire et de manger, mais aussi de s’aimer en toute liberté. Et tout cela, non pas juste au nom de principes laïcistes et constitutionnels, mais aussi de l’islam au respect duquel renvoie, au demeurant la Constitution.

Ces militants encourageront donc l’action du chef du gouvernement si elle est sincère; sinon ils l’y forceront; car il n’est pas d’autre alternative pour la Tunisie que d’assumer son islam sui generis, cette foi de toutes les libertés. Qu’ils le fassent sans plus tarder en abandonnant leur laïcisme stérile, osant aussi appeler à un retour à l’esprit de l’islam, respectueux interdisant moins le non-jeûne en public que l’ostentation dans le jeûne, donc le jeûne public ! Qu’ils réalisent et défendent l’idée que la liberté de la conscience et de la croyance sont toutes deux garanties et défendues, non seulement par la Constitution, mais aussi par la religion du pays. C’est cela militer utile en étant enraciné dans les traditions du pays, organique comme dirait Gramsci !

Une telle lucidité dans l’action organique, tenant compte qui plus est des exigences constitutionnelles renvoyant au respect des valeurs de l’islam, est d’autant plus utile aujourd’hui, à la veille de la publication du rapport de la Commission Belhaj Hmida des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) qui devrait être rendu public le 12 juin. Or, ce rapport semble trop tenir compte de la carte islamiste imposée au pays par ceux qui veillent sur sa transition démocratique, risquant de n’être pas aussi révolutionnaire que souhaité. Au vrai, il ne comprendrait pour l’essentiel que des arguments divers, juridiques, religieux, socio-économiques, oubliant l’essentiel : l’aspect psychologique, l’inconscient collectif et l’imaginaire populaire qui sont libertaires. Ce qui laisse à croire qu’il se veut en introduction à un débat plutôt qu’un pas décisif vers l’instauration des droits et libertés devenus impératifs.

Or, il est bien temps de comprendre que la Tunisie attend moins cet état des lieux auquel se réduit manifestement le rapport de la Colibe dans son souci à trouver dans l’arsenal juridique l’assise des droits et libertés, inversant la logique. Car ce sont ces derniers qui doivent amener les lois à édicter, non le contraire. On craint donc que ce rapport ne se révèle bien timoré sur les sujets sensibles, ne proposant rien de sérieux, renvoyant les décisions à une inutile consultation. Pourtant, on ne consulte pas en matière de droits et de libertés, on agit par la force de la loi; surtout que ce n’est pas que la loi civile qui y pousse, mais aussi la loi religieuse.

C’est ainsi et ainsi seulement qu’on édifiera enfin la démocratie islamique que nos islamistes évoquent à tort et à travers pour tromper leurs soutiens d’Occident. Il n’empêche qu’une Démocratie islamique est bien possible en Tunisie, et c’est aujourd’hui qu’elle se vit moyennant des actes tels ceux évoqués, les droits et libertés dont je parle ici et ailleurs. C’est ainsi que l’on démontrera aussi la viabilité de l’islam politique en Tunisie. C’est en quelque sorte la concrétisation de cette démocratie islamique dont je ferai le discours de la méthode au prochain bloc-notes.

* Ancien diplomate, écrivain. 

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