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Affaire de l’école coranique de Regueb : Démocratie et criminalité institutionnalisée

Ecole coranique ou camp retranché ?/Parents d’élèves ou jihadistes daéchiens ? 

Les institutions de l’Etat démocratique ne sont pas suffisamment outillées pour délivrer la société tunisienne des tentacules de la Piovra islamiste. La preuve vient, une fois de plus, d’en être donnée à l’occasion du dernier esclandre provoqué par l’école dite coranique de Regueb, gouvernorat de Sidi Bouzid (centre-ouest de la Tunisie).

Par Jomâa Assâad *

Sous prétexte de récitation du Coran, une quarantaine de jeunes tunisiens dont l’âge varie de 8 à 18 ans étaient séquestrés dans des locaux isolés par rapport à la ville. Le nombre de leurs gardiens s’élevait à une trentaine d’hommes adultes, à une exception près : la concubine du capo de la bande, pompeusement nommé directeur de cette «institution islamo-scolaire».

L’horreur du camp d’internement

Quatre chambrées abritaient l’ensemble des résidents, des lits communs réunissaient enfants et adultes, un dispositif sanitaire et culinaire réduit à sa plus simple expression. Aucun suivi médical, aucune visite familiale, aucune liberté de mouvement pour les enfants. Corvéables à satiété, voués aux tâches agricoles, voire domestiques, tel était le quotidien des jeunes séquestrés.

La situation perdurait depuis des années sans que personne ne s’en inquiétât, jusqu’au jour où une enquête journalistique télévisuelle, diffusé par la chaîne El-Hiwâr Ettounsi, dans le cadre de l’émission ‘‘Les Quatre Vérités’’, découvrit le pot aux roses.

Les Tunisiens surpris par l’horreur du camp d’internement ont été frappés de plein fouet. Les médias, les réseaux sociaux, les discussions privées et publiques n’ont, durant ces derniers jours, pour principal objet que le déroulement dramatique de cette descente aux enfers.

La classe politique, «progressistes» compris, profitant des délices du week-end n’a pas encore pipé mot à ce sujet. Seuls les islamistes se démènent pour minimiser l’étendue réelle de la catastrophe. L’un des incriminés dans le dispositif sécuritaire d’Ennahdha, directement impliqué dans les assassinats politiques de Belaïd et de Brahmi, a jugé utile de se poser en défenseur des familles des enfants séquestrés, niant toute agression sexuelle, il aurait sommé les autorités de «rendre sans délai les jeunes à leurs familles» (sic !).

Un avocaillon dont la réputation d’être à la solde des mujahidûn islamiste (entendez : terroristes) n’est plus à faire, a même menacé des pires représailles le procureur de la république de Sidi Bouzid au cas où il se hasarderait à se déplacer vers la capitale.

Quelques parents de séquestrés, à l’allure et dégaine ostensiblement afghanes, sont allés jusqu’à excommunier magistrats, enquêteurs et acteurs de la société civile favorables à plus amples investigations s’agissant de cette ténébreuse affaire, les sommant d’y mettre fin sous peine d’encourir les pires châtiments, dont le moindre serait l’exil hors des frontières du pays.

Les pressions exercés par les «khwanjiyas»

Face à pareille situation, et au vu des pressions exercés par les «khwanjiyas» et leurs sbires, dont la fameuse Human Rights Watch, principal pilier du «Printemps arabe» et du triomphal «come back» des islamistes, faut-il le rappeler, les risques de voir le dossier de ces camps d’entraînement et d’endoctrinement de nos jeunes sur le propre sol tunisien (aux dernières nouvelles, il en existerait plusieurs autres, à Fouchan, Barrakét Essahel et Matmata notamment) sinon définitivement enterré, du moins réduit à sa plus simple expression, sous forme d’infraction administrative pour défaut d’autorisation délivré à cette institution éducative par le ministère de l’Education. Au pire des cas y adjoignerait-on quelques griefs, tels que négligences sanitaires ou carences pédagogiques.

C’est ce triste état de fait qui nous porte à croire que l’Etat démocratique n’a été conçu, ni légalement ni institutionnellement, pour faire face à pareille nébuleuse. Il ne serait jamais venu à l’esprit d’un Rousseau ni d’un Montesquieu que des parents puissent prendre le partis des tortionnaires de leur propres enfants, ni qu’un Etat puisse défendre ses propres saboteurs.

Quelle serait donc l’issue à cette impasse? À nous de l’inventer…

* Universitaire.

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