Face à une lamentable classe politique tunisienne qui n’a aucune conviction sérieuse et qui a trahi ses électeurs, Abir Moussi est une femme qui détonne par son charisme et sa forte personnalité et qui a le mérite d’avoir toujours été contre tout compromis, tout «consensus» avec les obscurantistes.
Par : Rachid Barnat
Beaucoup de Tunisiens sont complètement découragés et ne croient plus en la démocratie. Les jeunes notamment, et c’est le plus grave, se détournent des élections et de la vie politique.
Est-ce étonnant ? Non, car la très grande majorité des hommes politiques ont montré leur absence totale d’idéal, de conviction; et ne fonctionnent que pour leurs petits intérêts immédiats sans jamais se soucier de l’intérêt du pays et de ce qui pourrait le sortir de la crise grave, peut être mortelle, dans laquelle il se trouve.
Face à cette lamentable classe politique
Cette désaffection est due d’abord à l’absence totale de résultats, à l’absence de toutes réformes qui auraient donné quelques satisfactions à ce pourquoi les Tunisiens se sont révoltés: moins de corruption, une justice digne de ce nom, une économie plus dynamique qui arriverait à donner du travail à toute la jeunesse et notamment la jeunesse diplômée, une meilleure répartition de la richesse et du développement avec un effort fait sur les régions longtemps abandonnées, une politique volontaire et ambitieuse sur le plan de l’éducation publique qui a été sabordée par le régime Ben Ali.
Au lieu de cela : le dinar n’a plus de valeur, comme le dit cyniquement Béji Caïd Essebsi; la vie est devenue de plus en plus difficile; la flambée des prix est alarmante; la sécurité est en berne; la justice donne d’elle une image lamentable; des jeunes diplômés qui fuient le pays en nombre.
La crise a été encore plus renforcée par l’inadmissible trahison de Béji Caïd Essebsi et de son parti Nidaa Tounes qui, après avoir juré ses grands dieux qu’il ne s’allierait jamais aux Frères musulmans; l’a, non seulement fait, mais cela était même prévu avant les élections et caché aux électeurs. Comment voulez vous croire ensuite à la démocratie et à ces partis ?
Les autres ne valent guère mieux. La gauche, toujours dans son utopie et sa phraséologie, n’a jamais voulu aider les progressistes au prétexte qu’elle voulait la «révolution ici et maintenant». Ce faisant, elle a été l’idiote utile des islamistes comme cette gauche le fait souvent, hélas, en Europe aussi, où elle fait leur lit et prépare des lendemains cruels.
Face à cette lamentable classe politique que faire? Beaucoup se sont déjà posé la question et tournent en rond entre abstention (qui favorisera incontestablement les islamistes) et voter pour ceux qui promettront de ne pas s’allier à eux; même s’ils ne sont plus crédibles.
Abir Moussi: une femme qui a toujours combattu les islamistes
Face à ces évidences, il y a une personnalité politique (certes contestée, j’y reviendrai) qui a un mérite, celui d’avoir toujours été contre tout compromis, tout «consensus» avec les obscurantistes et dont elle conteste même le visa accordé à leur parti : c’est Abir Moussi !
Cette femme détonne parmi la classe politique tunisienne qui n’a aucune conviction sérieuse car elle a toujours et fermement combattu les islamistes et leur projet de régression. Elle a toujours clairement montré qu’il n’y avait rien à attendre de ces obscurantistes et que leur projet qu’ils font avancer secrètement, par le mensonge, la corruption des «progressistes» tunisiens et l’aide de puissance étrangères, sera mortifère pour le pays.
Elle est la seule à dire clairement qu’il faut reformer cette Constitution voulue par les islamistes et qui mine le pouvoir, en rendant impossible un réel projet politique sérieux. Elle veut même interdire les partis qui instrumentalisent la religion. On ne peut plus clair que ça !
Alors oui, Abir Moussi devrait être un recours. Son charisme et sa forte personnalité sont un atout pour elle; et ce que tout le monde lui reconnaît, est qu’elle soit l’une des rares politiques sinon la seule qui n’a pas tourné sa veste.
Ces réformes institutionnelles sont impératives. En effet quand on voit partout l’absence de pouvoir, les dérives du petit personnel administratif, l’absence de tout contrôle sérieux des administrations, des écoles coraniques, des mosquées et j’en passe; il est clair qu’un pouvoir fort, est absolument indispensable car, hélas, on a constaté qu’en l’absence d’un pouvoir fort, les tunisiens abusaient de la liberté et pas dans le bon sens.
Elle pourra assumer un pouvoir fort et juste, absolument nécessaire
Il faut donc un pouvoir fort et un mécanisme d’alternance possible pour éviter une dictature qui semble assez difficile à envisager après la liberté d’expression et de manifestation que s’est donnée le peuple depuis sa révolution; et sur lesquelles, personne ne pourra revenir. Or il semble que le caractère d’Abir Moussi est tel qu’elle pourra assumer un pouvoir fort, absolument nécessaire.
Lorsqu’on avance cette hypothèse, on constate d’abord de violentes attaques sur les réseaux sociaux dont la plupart ne sont que des insultes sans aucune argumentation.
Ceux qui essayent d’argumenter, évoquent deux sortes de reproches.
Le premier, c’est qu’elle faisait partie du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) et qu’elle avait même, en qualité d’avocat, défendu ce parti lors de la demande de sa dissolution ! La belle affaire ! Ceux qui utilisent ce genre d’argument, oublient-ils le nombre considérable d’anciens RCD reconvertis en révolutionnaires et aujourd’hui en démocrates dans tous les partis dont beaucoup ont fini même par rejoindre Ennahdha ?
Et si la grave faute d’Abir Moussi est d’avoir plaidé contre la dissolution du RCD, c’est qu’elle a refusé d’hurler avec les loups et notamment avec les islamistes et les communistes. Et sauf à démontrer qu’elle aurait trempé dans des affaires véreuses et susceptibles de porter atteinte à son intégrité morale, elle n’a été que le reflet, hélas, de milliers pour ne pas dire de millions de Tunisiens opportunistes, qui ont suivi, eux aussi, Ben Ali, sans parler de la majorité silencieuse qui subissait son régime policier sans rien dire
Le deuxième, un peu plus sérieux, est son opposition aux travaux de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) et son opposition à l’égalité dans l’héritage. C’est une erreur de sa part mais qui peut n’être qu’une tactique politique pour gagner les voix des conservateurs; et Dieu sait s’il y en a en Tunisie ! Ce qu’avait fait Bourguiba en son temps, alors que nous savons qu’il visait cette égalité et aspirait même à la laïcité mais qu’il a été pris de court par la maladie, dans sa «politique des étapes» («Siasat al-marahil»).
Quoiqu’il en soit, c’est secondaire car la priorité n’est-elle pas d’éliminer du champ politique les islamistes qui conduisent ce pays à la ruine en détricotant tout ce que des Destouriens, véritables patriotes, avaient construit et pour lequel ils avaient tant sacrifié en donnant parfois leur vie ?
L’essentiel n’est-il pas d’avoir quelqu’un de ferme dans son opposition à ces obscurantistes qui sont un véritable cancer pour le pays ? A ses contradicteurs, je poserai la question : «Voyez-vous d’autres moyens de parvenir à ce résultat ?». Qui mieux qu’une femme pour tenir tête aux Frères musulmans qui exècrent les femmes ? Puisque tous les hommes qui se disent «progressistes et démocrates», se sont couchés devant Ghannouchi !
Enfin, je pense qu’elle aurait intérêt, en dehors de son opposition aux islamistes qui est essentielle, à développer, plus qu’elle ne le fait, un vrai programme de progrès économique et social. Elle se revendique de Bourguiba, il lui faut proposer au pays un contrat de progrès comme l’avait fait en son temps ce grand homme politique.
Article du même auteur dans Kapitalis :
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