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Le silence des Tunisiens face à la grande révolte populaire en Algérie

La Tunisie a failli réussir et échapper aux implacables alternatives de l’islamisme politique, de la dictature militaire ou de l’immobilisme islamo-laïque, nonobstant la politique mortifère des compromis avec l’islam politique. Aujourd’hui l’espoir nous vient plutôt d’Algérie…

Par Lotfi Maherzi *

Alors que de véritables marée humaines envahissent les rues des grandes villes algériennes, pour exiger le départ d’un système politique usé et rétrograde et que des opinions publiques partout dans le monde se solidarisent avec cette grande mobilisation pacifique, les Tunisiens et particulièrement les partis politiques et les élites intellectuelles : journalistes, artistes, universitaires, maires citoyens, médecins, leaders politiques et représentants de la société civile, bref des gens qui pensent, restent aux abonnés absents, silencieux et indifférents.

Une leçon exemplaire de non-violence

Autant je comprends que les autorités tunisiennes s’abstiennent de faire le moindre commentaire, autant je ne saisis pas le manque de compassion et de soutien à un peuple en colère qui a su pourtant être présent pour sauver plusieurs saisons touristiques tunisiennes.

Pas un mot ou un commentaire de partage ou de solidarité avec ces Algériens qui donnent au monde entier une leçon exemplaire de non-violence et de sang froid. Un silence pesant, pénible qui cède la place à la sympathie de journalistes et intellectuels occidentaux alors que l’histoire des mouvements de contestation tunisiens devrait solliciter les intellectuels tunisiens comme jamais.

Et lorsque quelques égarés parlent sur les réseaux sociaux, leurs voix se perd dans le chauvinisme étroit, l’égoïsme, la suspicion et la crainte, qui semblent d’ailleurs envahir aujourd’hui la société tunisienne.

Je lis ici et là des commentaires dictés par la méfiance de voir l’Algérie plonger dans l’inconnu ou le chaos, qui auraient pour conséquence la déstabilisation de la Tunisie. Dès lors, rien à redire sur le système en place sous prétexte qu’il assure la stabilité politique régionale.

D’autres donneurs de leçons minimisent la grande révolte populaire assimilée à un complot voir à une manipulation guidée par un ennemi extérieur. D’autres encore voient dans cette grande mobilisation l’arrivée probable d’islamistes qui viendraient infiltrer la Tunisie alors qu’ils oublient que l’islam politique est au cœur de la gouvernance tunisienne.

Et si l’espoir nous venait aujourd’hui de l’Algérie ?

Finalement, ces penseurs qui voient le train passé et qui, fort heureusement, ne représentent pas la totalité des intellectuels et universitaires tunisiens, oublient que l’Algérie a inauguré dans la douleur son «printemps arabe» en 1988 et a payé dans sa chair sa révolte (200.000 morts). Qu’ils sachent que la grande révolution populaire pacifique qui se poursuit depuis plus d’un mois achève le travail démocratique et apportera la preuve que le Maghreb peut échapper aux implacables alternatives de l’islamisme politique, de la dictature militaire ou de l’immobilisme islamo-laïque.

La Tunisie a failli réussir et échapper à ces scénarios nonobstant la politique mortifère du «tawafeq» (consensus), des trahisons et autres compromis avec l’islam politique. Aujourd’hui l’espoir nous vient plutôt d’Algérie et fera certainement tâche d’huile dans toute la région arabe.

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