Ennahdha exige que Qalb Tounes fasse passe partie du prochain gouvernement pour le soutenir. Mais le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, ne pourrait-il pas tout simplement se passer des deux partis ? La réponse est non, et la question ne se pose donc pas. Explications…
Présente à la matinale de Shems FM, ce jeudi 6 février 2020, la membre de l’équipe d’Elyes Fakhfakh pour la formation du prochain gouvernement, Lobna Jribi, est revenue sur l’évolution des concertations officielles ainsi que sur les dernières déclarations de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha.
Pour rappel, ce dernier avait menacé, hier, lors d’une intervention médiatique, de ne pas soutenir le gouvernement Fakhfakh si ce dernier ne révisait pas la démarche sélective qu’il a adoptée pour le former, notamment en écartant Qalb Tounes.
Mme Jribi a assuré, lors de son intervention, que l’option d’intégrer Qalb Tounes aux concertations officielles autour de la constitution du gouvernement, tel que revendiqué par le mouvement islamiste, n’est pas envisageable par Elyes Fakhfakh.
Pas plus que celle d’écarter Ennahdha et de former, ainsi, un gouvernement sans les deux premières forces parlementaires. Cela serait en effet, logiquement, quasi-impossible…
Il est vrai que mathématiquement, il est possible, même dans ce cas, pour Fakhfakh d’obtenir la confiance du Parlement, puisqu’Ennahdha, avec ses 54 sièges et Qalb Tounes, qui en compte 38, n’atteignent pas ensemble les 50% du nombre total des sièges (217) et ne peuvent donc pas, à eux deux, faire chuter un gouvernement.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les deux partis ont, au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), deux blocs parlementaires qui leur servent de «pare-chocs»…
Le premier est celui de la Réforme nationale, dont l’opportunisme des membres les pousserait probablement à soutenir le parti de Nabil Karoui comme ils l’ont toujours fait jusque-là, notamment lors du vote pour la présidence et les deux vice-présidences du Parlement lorsqu’ils s’étaient alliés à Qalb Tounes et Ennahdha, ou encore lors du vote de confiance pour le gouvernement Jemli, en annonçant leur décision «à la toute dernière minute», comme s’ils attendaient la fin des négociations entreprises par Karoui afin de s’accorder à sa position.
Le deuxième «pare-choc» est évidemment la coalition Al Karama, dont la fidélité à son «frère musulman», Ennahdha, n’est plus à prouver. Si Ennahdha ne fait pas partie du prochain gouvernement, il ne faudra surtout pas compter sur Al Karama pour se ranger du côté adverse.
Par conséquent, gouverner sans Qalb Tounes et Ennahdha à la fois n’est pas possible, dans la pratique, puisqu’il suffirait que l’un de leurs deux «partenaires» ne vote pas la confiance au gouvernement Jemli pour que ce dernier tombe.
Mme Jribi estime, par ailleurs, que l’escalade d’Ennahdha dans les négociations est compréhensible dans ce genre de situations, mais que cela ne pourra pas altérer les valeurs sur lesquelles s’est basé Fakhfakh pour fixer sa démarche et dont le respect primera, assure-t-elle, sur l’objectif d’obtenir les 109 voix parlementaires nécessaires pour accéder au pouvoir.
Faut-il en déduire que M. Fakhfakh, homme de principes et de convictions s’il en est, préfère voir son gouvernement tomber que sacrifier aux petits marchandages avec tel ou tel parti, aux dépens de ces principes et de ces convictions ? On peut sérieusement le penser… Et ce seront ceux qui feront tomber le gouvernement en cours de constitution qui en assumeront la responsabilité aux yeux de l’opinion publique et de leurs propres électeurs. Car le pays ne supporte plus de nouveaux retards dans la mise en place d’un nouveau gouvernement, alors que ses affaites sont presque à l’arrêt depuis plusieurs mois.
C. B. Y.
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