Dans son roman ‘‘Adieu maman ! Redites-moi la vie’’, Tahar Ben Meftah déploie les couleurs contrastées d’une vie dans laquelle nous pouvons nous reconnaître même si nous n’avons pas connu les épreuves de l’exil.
Par Mohamed Chérif Ferjani *
Tahar Ben Meftah, professeur certifié de français et chargé de cours en langue et littérature arabe aux universités de Lyon, docteur de l’Université Lumière-Lyon2 – en langue, littérature et civilisation françaises (1989) et en langue, littérature et civilisation arabes (2010), vient de publier aux éditions Nirvana, à Tunis, un roman qui doit beaucoup à sa vie à Lyon depuis 1976.
Farouk, un Tunisien parti en France après avoir décroché son bac, contre toute attente, pour y faire des études de droit, rencontre Sonia, une Polonaise, elle aussi exilée à la recherche d’une vie plus libre que celle que pouvait lui offrir son pays. Ils partagent un amour qui leur donne deux enfants; la vie rêvée pour deux exilés qui se sont arrachés à leur terre natale pour réaliser leurs espoirs ! Hélas ! Le sort en décide autrement !
L’issue fatale d’une impossible rencontre
L’amertume née de l’échec au concours d’accès à la profession d’avocat pèse sur la vie de la petite famille. Sonia décide de partir dans l’espoir de retrouvailles plus heureuses; Farouk en est meurtri. Quand elle revient chercher ses affaires, Farouk ne supporte pas la perspective de se retrouver seul, sans son amour et ses enfants. Il opte pour un choix tragique.
D’aucuns auraient trouvé là l’issue fatale de l’impossible rencontre entre deux univers : le Nord et le Sud, l’Occident et l’Orient; une illustration de l’impossible entente entre les cultures et les civilisations dont les prophéties de malheurs annoncent le clash inévitable.
Tahar Ben Meftah préfère inscrire ce drame dans le tragique de la condition humaine. Il en fait un roman qu’il veut comme une «chronique d’une génération qui a tenté de traverser la vie sur le fil du rasoir, entre deux histoires, deux lieux et deux injonctions impossibles à concilier : une immense envie d’aimer la vie jusqu’à l’outrance et une impossible libération d’une Histoire marquée au fer rouge.»
Des destins liés aux migrations contemporaines
La quête du sens d’un drame nous conduit des fins fonds de la Tunisie numide dans laquelle Farouk cherche ses racines, et des confins de la Pologne natale de Sonia, aux rives du Rhône et à la capitale des Gaules où se rencontrent et finissent les principaux personnages de la tragédie, en passant par les méandres de deux trajectoires de vie qui témoignent des destins liés aux migrations contemporaines.
L’intervention d’autres personnages – la maman de Farouk dont le rôle est fondamental dans la vie de son fils, l’entourage deson enfance et de sa jeunesse en Tunisie, ses amis à Lyon, les voisins dans l’immeuble de la banlieue lyonnaise, etc. – donnent au roman de Tahar Ben Meftah les couleurs contrastées d’une vie dans laquelle nous pouvons nous reconnaître même si nous n’avons pas connu les épreuves de l’exil. Je préfère ne pas en dire plus pour vous laisser découvrir un roman très agréable à lire et très bien écrit.
‘‘Adieu maman ! Redites-moi la vie’’, roman de Tahar Ben Meftah, éditions Nirvana, Tunis, 2020.
* Professeur honoraire de l’Université Lyon2, président du Haut conseil scientifique de Timbuktu Institute, African Center for Peace Studies.
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