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Tunisie : Kaïs Saïed doit calmer les plus enragés parmi ses partisans

On constate de plus en plus que celui qui s’oppose à Kaïs Saïed devient, au regard de certains des partisans du président de la république qui l’idolâtrent comme un Dieu, quasiment un sous-homme dépourvu de tout droit et surtout de celui de s’exprimer librement. Par voie de conséquence, il se doit de subir la diffamation et l’intimidation et de choisir entre la prison ou l’exil. C’est là le danger du système de Saïed, qui est soutenu par une quasi-milice fasciste prête à la terreur à la gloire du chef. Il y a certaines dérives qui, si elles ne sont pas prévenues à temps, peuvent mener loin, très loin…

Par Mounir Chebil *

Il est tout à fait normal que toute œuvre de création échappe à son auteur une fois exposée ou publiée pour devenir la propriété du public auquel elle est destinée. L’intérêt de cette œuvre est dans le débat qu’elle suscite. Donc, il est tout à fait logique, qu’elle soit appréciée, ou appréciée avec réserves, ou critiquée ou même massacrée. D’ailleurs, à côté des profanes ou des initiés, il y a les professionnels de la critique pour toutes les formes d’expressions littéraires ou artistiques qui rapprochent ces œuvres du public, expriment leurs critiques à leur sujet, aident à leur compréhension et participent à l’évolution et à l’enrichissement du mouvement culturel en général.

Ainsi, tout auteur se doit-il d’accepter le regard des autres sur son œuvre, que ces derniers soient initiés ou profanes, et se prêter volontairement à leur regard critique. C’est d’ailleurs par la réserve, le doute et le continuel questionnement que s’est réalisée l’évolution de l’humanité dans tous les domaines.

De la critique au dénigrement et à la menace

Étant versé dans les chroniques et notamment dans les pamphlets qui font grincer quelques dentes, il clair que je ne vais pas plaire à tous les lecteurs qui gardent un droit légitime d’exprimer leurs désapprobations, leurs critiques et leurs propres points de vues sur ce que j’écris. Autant les réactions positives me réconfortent, sans aller à l’autosatisfaction, autant les critiques me poussent à plus de rigueur et d’objectivité. Même quand certains tombent dans les insultes, le dénigrement et la diffamation, je ne m’en sens pas irrité outre mesure. J’en tire même une certaine satisfaction, et ce n’est pas par masochisme. Cela prouve que l’article les a dérangés dans leurs convictions. Leur réaction négative est pour moi une preuve de faiblesse de leur part, et un aveu de leur impuissance à réagir en usant de l’arme de l’argumentation, ô combien elle pourrait être déstabilisatrice.

Mais, quand celui auquel l’article n’a pas plu passe aux menaces parce qu’il n’est pas conforme à ses convictions où au moule dans lequel il s’est emprisonné, cela ne peut que laisser perplexe. La menace ainsi que la diffamation pure et simple, surtout quand elles sont exprimées par plus d’un, peuvent dénoter une tendance d’une partie de l’opinion à la fascisation.

Dans ce contexte, j’ai publié dans Kapitais.com,, le 20 décembre 202, un article intitulé «Le 25 juillet a sonné le glas du Conseil supérieur de la magistrature» où j’ai critiqué la campagne tendancieuse menée par le président Kaïs Saïed contre les juges et le système judiciaire tunisien.

J’ai bien précisé que s’il y avait du linge sale à ce niveau, il n’était pas opportun de l’étaler devant l’opinion nationale et internationale et les férus des scandales. Cela ne peut que nuire à l’image de la Tunisie. J’ai aussi soutenu que derrière cette campagne présidentielle, c’était l’indépendance du pouvoir judiciaire qui était visée. C’était mon avis et il est de bonne guerre que le lecteur puisse ne pas y adhérer.

L’insulte en guise de débat

Seulement, un lecteur qui se reconnaîtrait, du moins je l’espère, a émis un commentaire digne d’un islamo fasciste. Sans me connaître, il m’a accusé d’être un véreux de l’ancien système et un mercenaire à la solde de certains milieux louches. Dans tous les cas, le journal électronique Kapitalis.com ne rémunère pas les contributeurs qui alimentent sa rubrique «Tribune», et c’est à son honneur.

Ce lecteur a tenu des propos misogynes en me comparant à une femme moche, car «je suis rasé de près» (il aurait peut-être préféré que je sois un barbu) et je porte une calvitie en disant «pauvre femme portant une calvitie». Il s’est, je crois, retenu pour ne pas me traiter de pédé, l’insulte suprême dans son esprit malade. En plus, je serais de la lâcheté des femmes. J’ai même été traité par un autre, de vieux sénile à cause de mon âge avancé. Même ma myopie et mes éventuels problèmes de vue étaient une source de moquerie pour notre lecteur. No comment!

A ma connaissance, c’est l’idéologie nazie qui différencie les êtres humains selon leur apparence physique, ceux qui ont des cheveux blonds, des yeux clairs et un nez droit, la ligne svelte, sont des ariens, les autres seraient des sous-hommes.

Par expérience, j’ai connu deux catégories de personnes qui usent de propos misogynes qu’ils croient, à tort, être dégradants et avilissants envers des personnes de sexe masculin. Lors des échauffourées et des empoignades avec les Frères musulmans, ces derniers recourent souvent à de tels propos envers les militants progressistes, croyant les intimider et les humilier. Les insultes et la diffamation sont monnaie courante chez eux. Les miliciens des Ligues de défense de la révolution  ont emboité le pas aux «Khwanjia». C’est dans la logique des choses chez les Frères et consorts de croire que la pire des insultes est de traiter quelqu’un de femme, car elle est pour eux une tare en soi et source de tous les maux de la terre.

Il y avait aussi, les membres de la police politique qui employaient des vulgarités sur fond de misogynie, pour intimider et désarçonner les prévenus, avant d’entreprendre les interrogatoires.

Par ailleurs, notre cher lecteur est passé à la menace. D’après lui, je mérite de passer devant les tribunaux militaires. Pour échapper à ce sort, il me conseille de me trouver une petite île de l’océan Atlantique pour m’y cacher.

Les sans-culottes de la révolution tunisienne

Au-delà de ma personne, je constate que de plus en plus, celui qui s’oppose à Kaïs Saïed devient un sous-homme dépourvu de tout droit et surtout celui de s’exprimer librement. Par voie de conséquence, il se doit de subir la diffamation et l’intimidation et choisir entre la prison ou l’exil.

C’est là le danger du système de Kaïs Saïed, qui est soutenu par une quasi-milice fasciste prête à la terreur à la gloire du chef.

A voir l’agressivité sur les visages des partisans du président de la république qu’on invite sur les plateaux TV, et la manière arrogante avec laquelle ils s’expriment, je ne peux qu’appréhender le moment où ils deviendraient maîtres du pays.

Le vendredi 24 décembre 2021 sur Ettassia TV, Ridha Chiheb Mekki était crispé. Il avait l’habitude de parler seul. A voir son visage tendu, l’impossibilité pour lui de supporter la moindre critique à l’encontre de son idole, le dédain avec lequel il s’adressait aux invités et qui n’avait d’égal que le ton ironique du président à l’égard de l’UGTT, mes craintes de voir le fascisme s’installer devenaient de plus en plus grandes. 

Les sans-culottes de la révolution française ont dressé les guillotines. Les chemises brunes d’Hitler étaient lancées comme des hordes sauvages pour commettre toutes sortes d’abus et de crimes. Les baathistes de Saddam commettaient les exécutions sommaires des opposants communistes et autres, dans les rues et les cafés de Bagdad… Les gardiens de la révolution en Iran ont commis les tueries ainsi que les atrocités les plus inimaginables. Les Frères musulmans en Tunisie, j’ai vu leurs dirigeants à l’œuvre quand ils étaient étudiants et après 2011 quand ils nous persécutaient par leurs milices et nous menaçaient par leurs kamikazes. Ils ont fini par installer le terrorisme. Toutes mes craintes que les plus enragés parmi les partisans de Kaïs Saïed ne soient, en fait, que les frères des… Frères musulmans.

* Ancien haut cadre de la fonction publique.

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