Feue Najoua Slama et Abed Fahed.
‘‘Le pardon’’, premier long-métrage fiction de la regrettée cinéaste Najoua Slama est sorti dans les salles tunisiennes, le mercredi 19 décembre 2018, faisant écho à son combat contre la maladie.
Par Fawz Ben Ali
Le film avait été présenté en avant-première dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2018) lors d’une séance spéciale pour rendre hommage à sa réalisatrice, décédée en février 2018 à l’âge de 60 ans après un long combat contre la maladie.
À l’occasion de la sortie du film en salles, l’équipe était présente à la Cinémathèque tunisienne dans une projection destinée aux journalistes.
Continuer malgré tout
Najoua Slama avait entamé ce projet en 2012 et a failli y renoncer au moment où elle avait appris qu’elle était atteinte du cancer, mais la cinéaste a fait preuve de courage pour mener ce rêve à bout, poursuivant le tournage du mieux qu’elle pouvait alors qu’elle était au stade final de la maladie. «Elle avait cette incroyable volonté de continuer; on oubliait même par moment qu’elle était malade», a souligné son époux Ridha Slama, également producteur du film. Malheureusement, Najoua Slama est décédée avant d’achever le montage et de voir son premier long-métrage sur les grand écrans.
«J’ai choisi ce titre pour le film, car ‘‘Pardon’’ était le dernier mot prononcé par Najoua avant de nous quitter», a fait savoir son époux, qui a souligné la ressemblance entre le combat de son épouse et celui de ses deux personnages principaux.
En effet, ‘‘Le pardon’’ réunit le grand acteur syrien Abed Fahed (qui apparaît pour la première fois dans le cinéma tunisien), Mohamed Ali Ben Jemaa, Sawsen Maalej, Mariem Ben Hassine, Riadh Hamdi… Il raconte l’histoire de Fawzi (joué par Mohamed Ali Ben Jemaa), un juge corrompu, qui se retrouve face à l’une des victimes de ses précédents procès, un archéologue nommé Mostari (joué par Abed Fahd) qui vient de sortir de prison après y avoir passé 10 ans injustement.
Gros plans sur le personnage de Fawzi, il vient d’apprendre qu’il n’a pas le cancer des poumons comme on le lui avait diagnostiqué auparavant suite à une erreur de dossier médical échangé avec un autre patient, et il s’agit de Mostari, celui qu’il avait envoyé en prison.
Dans l’attente silencieuse de la mort
Commence alors une longue et pénible remise en question pour ce juge entraîné dans de grandes affaires de corruption par sa femme et son beau-frère. Le film qui est construit sur une sorte de parallélisme dramatique, affronte ces deux destins croisés de juge coupable et d’accusé innocent réunis dans une cause commune.
«La maladie est une composante essentielle de la matière dramatique, c’est son moteur d’action», écrivait Najoua Slama dans sa note d’intention, c’est d’ailleurs face à leur diagnostique, l’un positif et l’autre négatif, que chacun des deux personnages principaux se révèle. Alors que le juge culpabilise et décide de corriger ses fautes du passé et surtout demander pardon auprès de Mostari, ce dernier affronte avec sérénité les derniers jours qu’il lui reste à vivre; une mention spéciale ici pour Abed Fahed qui crève l’écran de justesse et d’émotion communicative dans le rôle d’un personnage taciturne et désinvolte mais qui détient une énorme force expressive. D’ailleurs, il s’agit d’un film où on parle très peu et où il ne se passe pas grand-chose du côté des événements.
L’équipe technique du film présente à la projection d’hommage.
Najoua Slama a plutôt misé sur des temps de silence, sur la musique (une bande-originale signé Riadh Fehri) et sur l’esthétique des images où règne une ambiance pesante dans l’attente silencieuse de la mort, certainement imprégnée de l’état d’esprit de la cinéaste à ce moment-là.
«Je vais essayer de réaliser ce film qui laissera une trace de moi», tel avait dit la cinéaste regrettée, un message mis en exergue à la fin du film.
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