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Le poème du dimanche: ‘‘Ce qui fut sans lumière…’’ d’Yves Bonnefoy

Yves Bonnefoy, né à Tours le 24 juin 1923 et mort à Paris le 1ᵉʳ juillet 2016, est un poète, critique d’art et traducteur français. Il est considéré comme un poète majeur de la seconde moitié du XXᵉ et du début du XXIᵉ siècle.

Il débute son parcours poétique en se liant avec les surréalistes. Son premier recueil de poèmes ‘‘Du mouvement et de l’immobilité de Douve’’ publié en 1953 fait de lui une force majeure. Ses poèmes cherchent à dépasser le statut d’objet linguistique, d’utopie et de l’imaginaire, au profit d’un engagement sincère pour atteindre une communication continue dans un monde imparfait. Bonnefoy reçoit le prix Montaigne en 1978, le prix Goncourt en 1987 et le Grand Prix National de Poésie en 1993.

Nous regardions nos arbres, c’était du haut
De la terrasse qui nous fut chère, le soleil
Se tenant près de nous cette fois encore
Mais en retrait, hôte silencieux
Au seuil de la maison en ruines, que nous laissions
À son pouvoir, immense, illuminée.

Vois, te disais-je, il fait glisser contre la pierre
Inégale, incompréhensible, de notre appui
L’ombre de nos épaules confondues,
Celle des amandiers qui sont près de nous
Et celle même du haut des murs qui se mêle aux autres,
Trouée, barque brûlée, proue qui dérive,
Comme un surcroît de rêve ou de fumée.

Mais ces chênes là-bas sont immobiles,
Même leur ombre ne bouge pas, dans la lumière,
Ce sont les rives du temps qui coule ici où nous sommes,
Et leur sol est inabordable, tant est rapide
le courant de l’espoir gros de la mort.

Nous regardâmes les arbres toute une heure.

Le soleil attendait, parmi les pierres,
Puis il eut compassion, il étendit
Vers eux, en contrebas dans le ravin
Nos ombres qui parurent les atteindre
Comme, avançant le bras, on peut toucher
Parfois, dans la distance entre deux êtres,
Un instant du rêve de l’autre, qui va sans fin.

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