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Le poème du dimanche: ‘‘Hymne à la nuit’’ de Robert de Montesquiou

Portrait de Robert de Montesquiou par le peintre Giovanni Boldini exposé au musée d’Orsay, à Paris.

Le comte Robert de Montesquiou-Fézensac, plus communément appelé Robert de Montesquiou, est un homme de lettres et un dandy né à Paris le 7 mars 1855 et décédé à Menton (Alpes-Maritimes) le 11 décembre 1921. Un personnage de Proust… mais pas seulement.

La fascination exercée par son personnage sur ses contemporains en a fait le modèle de nombreux héros de romans: des Esseintes dans ‘‘À Rebours’’ (1884) de Huysmans, le comte de Muzaret dans ‘‘Monsieur de Phocas’’ (1901) de Jean Lorrain et, surtout, le baron de Charlus dans ‘‘À la recherche du temps perdu’’ de son grand ami Marcel Proust.

C’est Montesquiou qui introduisit Proust dans la haute société parisienne ce qui lui permit de l’observer de près et fut une matière très riche de son œuvre qui reste une mine d’information sur cette époque.

Poète, homme de lettres, critique d’art et critique littéraire, figure incontournable du Tout-Paris, Montesquiou a également posé pour quelques grands peintres, dont Whistler et Giovanni Boldoni, sans parler des plus célèbres photographes de l’époque, comme Nadar. Et ses manières n’ont cessé d’inspirer les caricaturistes de l’époque.

«Si de la vingtaine de recueils de poèmes et de la quinzaine de volumes d’essais, il n’y en a guère qui soit disponible dans une réédition récente, ce n’est pas le cas de ses trois volumes de mémoires, ‘‘Les Pas effacés’’ (…). C’est une des chroniques scandaleuses les plus amusantes de cette société décadente qui continuait à danser, fût-ce sur une poudrière», écrira de lui la ‘‘Revue des Deux Mondes’’ en 2018.

Le mystère des nuits exalte les cœurs chastes!
Ils y sentent s’ouvrir comme un embrassement
Qui, dans l’éternité de ses caresses vastes,
Comble tous les désirs, dompte chaque tourment.

Le parfum de la nuit enivre le cœur tendre!
La fleur qu’on ne voit pas a des baumes plus forts…
Tout sens est confondu : l’odorat croit entendre!
Aux inutiles yeux tous les contours sont morts.

L’opacité des nuits attire le cœur morne!
Il y sent l’appeler l’affinité du deuil;
Et le regard se roule aux épaisseurs sans borne
Des ombres, mieux qu’aux cieux où toujours veille un œil!

Le silence des nuits panse l’âme blessée!
Des philtres sont penchés des calices émus;
Et vers les abandons de l’amour délaissé
D’invisibles baisers lentement se sont mus.

Pleurez dans ce repli de la nuit invitante,
Vous que la pudeur fière a voués au cil sec,
Vous que nul bras ami ne soutient et ne tente
Pour l’aveu des secrets… – pleurez ! pleurez avec

Avec l’étoile d’or que sa douceur argente,
Mais qui veut bien, là-bas, laisser ce coin obscur,
Afin que l’œil tari d’y sangloter s’enchante
Dans un pan du manteau qui le cache à l’azur!

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