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Le poème du dimanche : «Villes de Ma’bad» de Mohieddine Khraïef

Né en 1932 à Nefta, le poète Mohieddine Khraïef, est de formation arabe musulmane zeitounite. Classique, d’abord, elle s’ouvre peu à peu à la poésie arabe contemporaine. Sa poésie rassemble aussi bien une connaissance solide de la culture ancestrale qu’une traversée riche en références à l’actualité arabe mouvementée.

L’écriture de Mohieddine Khraief est souvent métaphorique, imprégnée de l’une et de l’autre, mêlant métrique traditionnelle et vers libre. Elle reste marquée par la palmeraie natale.

Instituteur, puis conseiller pédagogique, Mohieddine Khraïef a rejoint le ministère de la Culture où il s’est occupé de littérature populaire qu’il a réussi à diffuser à la Radio et à la Télévision nationales. Il a publié de nombreux articles et études dans ce domaine, à côté de sa création littéraire. Il décède le 18 novembre 2011 à Tunis.

Poète, dramaturge, essayiste, auteur pour enfants, il a publié de nombreux recueils, dont certains récompensés de prix littéraires. Parmi lesquels (en arabe) : Des mots pour les étrangers, 1972; Le porteur de lampes, 1973; Villes de Ma’bad, 1980 ; Ruba’iât 1997; Diwan (Œuvres complètes), Dar Bouslama, 2003.

Tahar Bekri

1

C’est un temps où se sont endormies

les villes de Ma’bad *

Le silence enveloppa leurs rues

Les moineaux les ont désertées

La nuit a couvert leurs nids

Et demain, dans le ventre du serpent

Je ne sais quand je le rencontre

J’accepte la patience mais

Je pressens entre mes côtes son appel

Le silence n’a voulu que leurrer nos demeures

Et toi tu es derrière la mer et la mer est en furie

Nous sommes ici berger qui a égaré son troupeau

Navigateur d’un vaisseau cerné par les requins

Ecoute ! Entre l’hiver et leur été

Des aires mariées aux batteuses

2

Je l’ai cherchée

Parcouru les rues questionné les fils de Madian

Sur des villes dont l’aube n’a vu

de murs de mosquées de plus éclatants

Dont les gens n’ont jamais vu

de plus belle lumière de ses arbres

Ni l’étranger n’a jamais vu comme leurs fils

de plus cléments envers l’étranger

Si tu m’y voyais tu reconnaîtrais mon lieu

Et m’aurais placé dans l’endroit fertile

Le plus éloigné des gens de toi est le plus proche ô mère

Et la distance est signe de mort

Elle dévore la vie laisse les feuilles fanées

Et aux poussières le reste

Je n’en ai qu’un désir prisonnier

Et une peine tapie dans la poitrine

3

Le trône de Balkis surplombe

Et tous sont autour de la princesse

Le temps de l’attente les tue

O Suleiman les nuits de souffrance sont longues

A Saba’ les patients sont sur le point de mourir

Si on dit d’eux qu’ils obéissent

Les rumeurs donnaient Daoud avant eux pour mort

Les souffrances des rois ne ressemblent

point à celles des autres

Ni le roi craint n’est comme l’esclave

Si tu veux être sauf

Berne-les de près et de loin

Sinon quitte-les

Même si sur le seuil tu pleures et tu implores !

«Villes de Ma’bad», éd. A. Ben Abdallah, 1980.

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

*Ma’bad Awam à Ma’rab, au Yémen, connu aussi comme le sanctuaire de Balkis, où l’on situe le Royaume de Saba’ (note du trad.)

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