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Tunisie : Kaïs Saïed, la fleur au fusil

Kaïs Saïed a transformé ses vœux aux Tunisiens à l’occasion de l’Aïd Al-Fitr, hier soir, dimanche 1er mai 2022, en une énième déclaration de guerre à ceux qui cherchent à saboter les institutions de l’État, à exacerber les tensions et à empoisonner le climat général du pays. S’il voulait plomber une atmosphère déjà plombée par la crise, le président de la république ne serait pas comporté autrement.

Par Imed Bahri

Le président, qui semble se tromper sur la nature de sa mission, continue de diviser les Tunisiens, comme s’ils n’étaient pas déjà suffisamment remontés les uns contre les autres, en tenant un discours dont le ton belliqueux à l’encontre de tous ses opposants. Ces derniers, qu’il qualifie de «forces réfractaires», provoquent des crises, alimentent des tensions et cherchent a dresser des Etats étrangers contre leur pays, dit-il, ajoutant que la Tunisie est actuellement engagée dans «une guerre d’usure contre ces forces» et qu’elle «gagnera cette guerre».

Crise ? Quelle crise ? Il n’y a pas de crise !

Ces forces recourent aux «fausses statistiques» fournies par des «pseudo-experts», a ajouté M. Saïed, comme si les statistiques sur l’état calamiteux des finances publiques, fournies par les sources officielles, notamment le ministère des Finances et l’Institut national de la statistique, ne sont pas suffisamment catastrophiques pour que l’on ait besoin de «pseudo experts» pour nous en inventer d’autres.

A croire M. Saïed, la Tunisie se porte comme un charme (il n’y a ni inflation galopante, ni hausse vertigineuse des prix, ni retard dans le paiement des salaires dans le secteur public…) et la crise dont tout le monde parle, y compris les membres du gouvernement, est inventée de toutes pièces par les opposants au locataire du palais de Carthage pour le seul but d’attaquer son projet politique.

«Ces forces réfractaires seront définitivement exclues du prochain dialogue national», a assuré M. Saïed, droit dans ses bottes, en réitérant sa position selon laquelle «il n’y a plus de place pour la réconciliation, la négociation et la reconnaissance» avec «ceux qui ont ruiné le pays», dans une limpide allusion aux dirigeants du mouvement Ennahdha et leurs alliés rassemblés au sein d’un Front de salut national créé récemment par Ahmed Nejib Chebbi.

«Ces partis doivent comprendre qu’ils font partie d’une époque révolue et qu’il est inconcevable de revenir en arrière», a martelé M. Saïed, dénonçant ceux qui se disent «fervents défenseurs de la démocratie alors qu’ils en sont en réalité ses ennemis jurés».

Une constitution et une loi électorale sur mesure

Ces déclarations, qui sont en réalité des redites, viennent confirmer la volonté de Kaïs Saïed, à l’approche des législatives anticipées fixées par lui au 17 décembre prochain, de verrouiller le champ politique devant certains partis politiques qu’il désigne clairement, même s’il ne les nomme pas, dont les deux formations que tous les sondages d’opinions mettent en tête des gagnants des législatives si celles-ci devaient avoir lieu aujourd’hui, à savoir le Parti destourien libre (PDL) et Ennahdha.

Comment va-t-il s’employer pour empêcher ses principaux adversaires politiques de concourir aux prochaines élections ? Va-t-il «se faire tailler» une constitution et une loi électorale sur mesure, comme le faisait Zine El Abidine Ben Ali pour barrer la route devant ses opposants ? Tout porte à le croire, et les postures guerrières qu’affectionne Kaïs Saïed, comme celle qu’il a affiché hier soir, ne sont pas rassurantes à cet égard.

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