Tunisie : Kaïs Saïed croit régler le problème de l’eau en sermonnant le ministre de l’Agriculture

Si elle a plu à ceux, nombreux, qui mordent toujours à l’hameçon du populisme, la manière inélégante avec laquelle le président de la république Kaïs Saïed a carrément sermonné le ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Mahmoud Elyes Hamza, qu’il reçut hier, lundi 27 juin 2022, pour lui faire porter la responsabilité des coupures d’eau potable dont souffrent les citoyens dans certaines régions de cette très inégalitaire Tunisie…, cette manière a plutôt écœuré sinon choqué ceux qui, contrairement au locataire du palais de Carthage, connaissent bien le sujet. Et pour cause…  Vidéo.

Par Imed Bahri

Commençons d’abord par dire au président de la république qu’il n’a rien apporté de nouveau et que ses propos traduisent plutôt son ignorance de l’ampleur de la problématique de l’eau en Tunisie.

En affirmant que notre pays est riche en ressources hydrauliques, non seulement il se trompe mais il trompe aussi les citoyens, car la Tunisie appartient aux pays les plus mal lotis en cette denrée vitale et qui souffre depuis longtemps de stress hydrique.

Pire encore, par de pareilles affirmations infondées, le chef de l’Etat démobilise les citoyens, en leur faisant croire que l’eau existe à volonté dans notre pays et que les coupures sont causées par quelques responsables qui n’ont pas fait leur travail. C’est à peine s’il n’a pas inventé un nouveau complot, dont le «pauvre» ministre de l’Agriculture serait l’un des méchants instigateurs ! Le locataire du palais de Carthage va-t-il pousser la mauvaise foi jusqu’à limoger son ministre pour se défausser sur lui de toutes les carences de sa propre gouvernance ? S’il le fait, cela ne nous étonnera pas, car, dans sa manière d’être tout le temps en campagne électorale, que ne ferait-il pas pour tromper le petit peuple d’«Echaab yourid»?  

La ressource perdue dans la nature

Ce que le président de la république ignore ou feint d’ignorer, c’est que les causes des coupures d’eau, potable ou d’irrigation, sont connues de tous et depuis longtemps. Parmi ces causes, on citera l’état lamentable du réseau de distribution, vieux, défectueux et souvent en panne. Pis encore, les fuites fréquentes dans la tuyauterie nous font perdre une bonne partie de la ressource, qui va dans la nature.

Pour ne rien arranger, la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) souffrant, comme du reste toutes les entreprises publiques, de gros déficits financiers, en raison surtout du non paiement par l’Etat de ses dettes envers la société, n’a pas aujourd’hui les moyens financiers pour lancer les gros travaux exigés par la restauration de son réseau. Pourquoi le président n’intervient-il donc pas pour tenter de trouver une solution à ce problème chronique qui dépasse les prérogatives et les moyens du ministre de l’Agriculture ?

En attendant la prochaine crise

La réponse est simple, les solutions ne font pas partie des centres d’intérêt du très populiste Kaïs Saïed, qui préfère, lui, surfer sur les problèmes, en faisant miroiter aux citoyens les mirages des solutions miracles, comme, par exemple, en ordonnant à la Sonede de rétablir le raccordement à son réseau des mauvais payeurs dont les dettes accumulées grèvent justement ses finances et l’empêchent de mettre à niveau son infrastructure et de rénover ses équipements.

Ne parlons pas des barrages et des ressources hydrauliques dilapidées en raison de leur vétusté et des coûteux travaux de rénovation qui n’y ont pas été menés, faute d’argent !

Ne parlons pas non plus de l’énorme quantité d’eau pluviale qui sont déversées annuellement dans la mer, l’Etat n’étant pas en mesure de les collecter par de nouvelles infrastructures pour les redistribuer ensuite.

Tous ces problèmes sont sans cesse évoqués par les experts et les responsables gouvernementaux au cours des vingt dernières années. Des solutions ont aussi été identifiées et les études y afférentes dorment dans les tiroirs, parce que l’Etat a d’autres urgences et les hauts responsables ne se réveillent de leur torpeur bureaucratique qu’en pareille période de chaque année, lorsque les coupures d’eau deviennent trop fréquentes et que les citoyens se mettent à protester en coupant les routes.

En fait, ces chers hauts responsables ne se réveillent même pas puisqu’ils se contentent, à chaque fois, de propos soporifiques et lénifiants, comme ceux tenus hier par le président Saïed, qui visent à calmer la colère des gens et à botter en touche… en attendant la prochaine crise.    

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