Dans la «Pétition de solidarité avec la Tunisie citoyenne» publiée il y a deux jours et que nous reproduisons ci-dessous, les personnalités maghrébines signataires, en majorité d’Algérie et du Maroc, estiment que l’avenir de la démocratie nord-africaine se joue en Tunisie, où se tient aujourd’hui, lundi 25 juillet 2022, un référendum sur un projet de constitution qui consacre le pouvoir personnel.
La Tunisie est menacée dans son existence de nation citoyenne et souveraine. Cette menace pèse sur l’ensemble de notre région. Le 25 juillet prochain une nouvelle constitution, absolutiste dans ses objectifs et négationniste dans son essence, va être soumise à référendum. Les conditions juridiques et administratives dans lesquelles est organisée cette opération ne laissent planer aucun doute quant au résultat du vote.
Mais au-delà des considérations – importantes – du déroulement du scrutin, c’est le contenu du texte qui alarme les Tunisiens et inquiète celles et ceux qui ont suivi et apprécié le lent et méritoire parcours que ce pays a emprunté depuis son indépendance acquise en 1956.
Kaïs Saïed s’apprête à asservir la Tunisie
Nous assistons à une entreprise qui nie la nation pour en faire une province «de la oumma islamique», effaçant du même coup un patrimoine doctrinal, politique et intellectuel qui a fait de la Tunisie l’exception en terre d’islam où, malgré les abus et dérapages des pouvoirs successifs, la citoyenneté, avec tout ce que cela implique comme droits et émancipation de la femme, structure une société sinon égalitaire du moins équilibrée et apaisée.
Autre aberration constitutionnelle : Kaïs Saïed s’offre le rôle messianique d’omni-président. Le pays qui a réussi à conjurer le sort des peuples sommés par leurs officiels de choisir entre l’oligarchie militaire et la régression théocratique peut disparaître à jamais si des décisions urgentes et importantes ne sont pas prises. C’est en effet par le double péril de l’arbitraire militaro-policier et de la régression fondamentaliste que Kaïs Saïed s’apprête à asservir la Tunisie.
Aujourd’hui, les démocrates tunisiens, classe politique et société civile confondues, s’emploient à dégager une riposte commune face à la néantisation de leur patrie. Nous ne devons cependant pas laisser les Tunisiens seuls dans cette tourmente. Leur modèle a constitué et constitue toujours une source d’espoir pour les patriotes nord-africains. Compte tenu de la résonnance rencontrée dans nos contrées par le projet national tunisien, les risques de cet effondrement politique et sociétal impacteront lourdement les luttes citoyennes de notre région.
La disparition de la Tunisie sécularisée
Les activistes des droits de l’homme algériens et marocains savent ce qu’ils doivent aux pionniers tunisiens lorsqu’ils ont décidé d’assumer ce combat dans leurs pays respectifs. Les militantes de la cause féminine ont souvent été inspirées par les avancées de leurs sœurs tunisiennes quand il a fallu nourrir leur réflexion et mieux organiser leur combat.
La disparition de la Tunisie sécularisée à laquelle s’attelle Kaïs Saïed portera un coup sévère aux aspirations de l’ensemble de nos peuples.
Dans cette conjoncture particulière, notre mobilisation solidaire est à la fois un devoir de soutien mutuel et un objectif de construction collective.
Kaïs Saïed est ouvertement encouragé par les régimes despotiques dans son aventure de déconstruction de la Tunisie moderne et citoyenne voulue par ses libérateurs emmenés par Bourguiba.
Au côté de ce cartel, les partis intégristes des trois pays entretiennent des relations permanentes et denses sous l’égide de l’internationale islamiste.
En nous tenant aux côtés des Tunisiens ce 25 juillet et bien au-delà, nous témoignerons notre fidélité aux vœux des ainés qui ont porté le rêve de l’Afrique du nord démocratique avant même nos indépendances et confirmerons la légitimité du projet de justice, de liberté et de progrès auquel ont droit nos enfants.
La perspective démocratique de nos pays se joue aujourd’hui à Tunis.
Lien pour signer la pétition.
Les premiers signataires :
Meziane Abane, journaliste ; Algérie
Younes Ajarrai, chef d’entreprise ; Maroc
Ali Aït Djoudi, journaliste ; Algérie
Tewfif Allal, militant associatif de l’émigration ; Algérie
Kamel Amari, journaliste ; Algérie
Zoubida Assoul, avocate ; Algérie
Nadir Bettache, chercheur au CNRS ; Algérie
Mouloud Boumghar, Professeur et militant politique ; Algérie
Omar Bouraba, chef d’entreprise et militant politique ; Algérie
Gérard Chalaye, chercheur universitaire ; Maroc
Saïd Chekri, journaliste ; Algérie
Bachir Dehak, juriste ; Algérie
Bachir Derraïs, cinéaste ; Algérie
Mohamed Fellag, comédien ; Algérie
Nasreddine Ghozali, Professeur d’Université ; Algérie
Abderrahmane Hayane, réalisateur ; Algérie
Smaïn Idiri, cadre territorial retraité ; Algérie
Amar Ingrachen, éditeur ; Algérie
Adil Jazouli, sociologue ; Maroc
Mohamed Kacimi, écrivain ; Algérie
Mohamed Khandriche, militant associatif ; Algérie
Abdellatif Laabi, écrivain ; Maroc
Ali Lmrabet, journaliste ; Maroc
Mustapha Mangouchi, réalisateur ; Algérie
Latifa Madani, journaliste ; Algérie
Rachid Malaoui, syndicaliste président du SNAPAP ; Algérie
Slim Othmani, entrepreneur maghrébin engagé, Algérie
Karim Ouachek, militant pour la démocratie ; Algérie
Idir Ounnoughene, militant des droits humains ; Algérie
Tahar Rahmani, Ex conseiller municipal de Marseille, Algérie
Saïd Sadi, médecin psychiatre, auteur ; Algérie
Boualem Sansal, écrivain, Algérie
Rabah Sebaa, sociologue et écrivain ; Algérie
Kenza Sefrioui, éditrice ; Maroc
Mohamed Sifaoui, journaliste écrivain ; Algérie
Sanae Souitat, cadre supérieure ; Maroc
Keltoum Staali, écrivaine ; Algérie
Hocine Tanjaoui, écrivain ; Algérie
Ali Zatout, ingénieur auto-entrepreneur; Algérie.
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