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Ahmed, le tueur de Marseille : Un parcours rythmé d’échecs

 

Ahmed Hannachi, auteur de l’attaque de Marseille, le 1er octobre 2017, a quitté la Tunisie à l’âge de 17 ans. De déboires en déboires, sa vie se résume en un mot : échec.

Par Yüsra Nemlaghi

Née il y a 32 ans dans une famille moyenne, à Zarzouna, gouvernorat de Bizerte, Ahmed Hannachi a fui la précarité, une mère effacée et un père violent, en se rendant illégalement en Europe à l’âge de 17 ans.

Après un cours séjour en France, il est parti en Italie et s’est installé à Aprilia. C’est là qu’il a rencontré R., une Italienne, de 10 ans son aînée, avec laquelle il s’est marié, en 2008. Ce qui lui a permis d’obtenir une carte de séjour valable jusqu’à janvier 2017.

Alcool, drogue et mal-vie 

Ahmed commence par faire des petits boulots, notamment comme ouvrier agricole, mais se sentant exploité et mal payé, il décide de quitter ce travail pour se lancer dans le trafic de drogue, avant d’en devenir consommateur puis accro. Il est arrêté un an après son arrivée en Italie pour trafic de drogue et tentative de vol dans un bar. Condamné à un an de prison ferme, il purge sa peine et, à sa libération, vit de petits boulots, mais cela ne dure pas : il retombe dans la consommation et le trafic de drogue.

A l’époque, il habitait avec ses beaux-parents et son épouse mais leurs relations se sont déjà dégradées.

En 2014, une épisode douloureux est venue assombrir la vie du Tunisien : R. demande le divorce et s’installe à Zarzouna, avec M. C., ami d’enfance et voisin de quartier d’Ahmed. Ce dernier reçoit un choc. Il raconte aux jeunes de la ville qu’il allait sortir avec la sœur de M. C. pour se venger. Il est encouragé par son frère, Anis, un islamiste radical… mais il ne joint pas l’acte à la parole.

Ses frères Anis et Anouar, déjà liés aux réseaux terroristes, profitent de sa fragilité psychique pour tenter de l’endoctriner, mais Ahmed reste insensible aux sirènes du jihad. Au désespoir de ses frères, il s’enfonce plutôt dans l’alcool et la cocaïne, avant de quitter à nouveau la Tunisie pour rejoindre Chalon-sur-Saône, dans le Midi de la France, où il se fera arrêter pour port d’arme avant d’être remis en liberté.

Pendant 3 ans, Ahmed Hannachi fera des allers-retours entre Zarzouna, en Tunisie, Aprilia, en Italie, et Lyon, Marseille et Toulon, en France. Ses frères tentent de le rapprocher de la religion, lui expliquant que sa vie est perdue et qu’il fallait qu’il pense à se racheter pour «satisfaire Dieu et mériter le paradis», mais leurs échanges aboutissent souvent à des disputes.

Entre-temps, Anis part combattre en Syrie, et Anouar crée une cellule terroriste à Bizerte… mais Ahmed est resté imperméable à leur influence. Sa vie, au cours des deux dernières années, est restée un mystère pour les enquêteurs aussi bien en France qu’en Tunisie et en Italie. Etait-il resté en contact avec ses frères ? A-t-il été embrigadé par d’autres éléments radicaux en France ou en Italie ?

De la drogue au jihad: une mystérieuse transformation

On retrouvera la trace de celui qui est devenu un vagabond sans papier (sa carte de séjour ayant expiré en janvier 2017), deux jours avant l’attentat de Marseille, lorsqu’il a été arrêté à Lyon pour vol. La police aurait due l’expulser mais le centre pour réfugié affichant complet, elle s’est résignée à le libérer. Une décision qu’elle regrettera longtemps, puisque, le 1er octobre 2017, il tue 2 cousines près de la gare de Marseille avant de se faire abattre par un militaire.

Cette attaque a été revendiquée par l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech), revendication qualifiée d’opportuniste par beaucoup d’experts, mais les autorités françaises n’écartent pas la piste terroriste, qui reste très plausible, d’autant que des témoins du double-meurtre ont assuré avoir entendu le tueur crier «Allahou akbar» au moment d’égorger sa première victime.

R., l’épouse, qui vit toujours en concubinage à Zarzouna avec M. C., a été entendue, la semaine dernière, par la police tunisienne puis convoquée par la police italienne, le 11 octobre courant. La dame, en procédure de divorce, a assuré, lors de ses 2 interrogatoires, qu’Ahmed n’a jamais accepté l’idée de jihad et reprochait même à ses frères de s’en être mêlés. Elle précise, cependant, ne plus être en contact avec Ahmed depuis fin 2015.

Cinq Tunisiens lié à Ahmed Hannachi ont été arrêtés à Marseille et à Lyon. L’enquête a révélé qu’ils l’aidaient à subvenir à ses besoins, durant les 4 derniers mois, mais ils ont été relâchés car ils n’avaient pas connaissance du projet terroriste de leur compatriote.

En Tunisie, le cadet des Hannachi, Moez, et leur sœur Emna, ont aussi été arrêtés puis relâchés, malgré leur proximité avec l’islam radical. Quant à Anis et Anouar, ils ont été arrêtés en Italie et en Suisse et devront être expulsés dans les prochains jours en Tunisie.

  • Le parcours d’Ahmed a été retracé grâce aux témoignages de ses voisins en Tunisie et aux informations recueillies auprès d’enquêteurs tunisiens, ainsi qu’à des articles dans des médias italiens.

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