Sarah Toumi a sans doute beaucoup à apprendre aux sit-inneurs d’El-Kamour.
Entre Sarah Toumi, qui fait reculer le désert en plantant des acacias, et les sit-inneurs d’El-Kamour, la Tunisie présente ses deux visages, qu’elle devrait essayer de réconcilier.
Par Salah El-Gharbi
Dimanche dernier 28 mai 2017, dans la matinée, LCI, sur une chaîne française d’information, Sarah Toumi, une jeune Franco-Tunisienne de 28 ans, était invitée pour parler de son incroyable aventure dans le sud tunisien, commencée, il y a quatre ans, au service de la lutte contre la désertification.
Le visage illuminé par un joli sourire timide, la jeune entrepreneure raconte sa petite histoire avec la terre natale de son père et comment, un jour, elle eut l’idée de faire quelque chose pour les femmes de Hencha, au sud de Sfax, où, enfant, elle avait l’habitude de passer ses vacances d’été.
La guerre de Sarah Toumi contre le désert
Le parcours de cette jeune femme est impressionnant. Destinée à devenir enseignante de lettres françaises, Sarah Toumi choisit de mener la lutte contre la désertification, grâce à une campagne d’implantation d’acacias, tout en refleurissant les terres arides de ces contrées frappées de désolation.
Ainsi, grâce à «Acacias for all», une organisation à but non lucratif, qu’elle a créée à Hencha, elle va remporter le Prix de l’Innovation sociale en 2016, retient l’attention de la revue américaine ‘‘Forbes’’ et se trouve lauréate des Rolex Awards, ce qui lui permet d’être depuis constamment sollicitée par les différents médias …
Sarah Toumi fait fleurir le désert.
Le même jour, dans la soirée, sur Al Arabia, chaîne d’information pro-saoudienne, entre deux reportages, l’un consacré à la crise sécuritaire en Libye et l’autre aux frappes meurtrières en Syrie, on était témoins du spectacle désolant, désormais familier, de jeunes gens de chez nous, en sit-in à El-Kamour, à Medenine, en plein désert, les yeux exorbités, le ton menaçant, et qui reproduisaient des slogans réchauffés, rappelant leur détermination à poursuivre la lutte jusqu’à ce qu’ils obtiennent satisfaction, en l’occurrence, «1500 emplois dans les sociétés pétrolières et 2000 dans les sociétés de l’environnement».
Un contraste pathétique
Ce jour-là, le contraste entre les deux tableaux, celui de la jeune femme de Hencha et celui des jeunes hommes d’El-Kamour est plus que saisissant. En effet, deux mondes séparent Sarah Toumi, la jeune combattante, portée par son rêve, n’ayant d’autre objectif que de voir son projet prospérer et s’étendre ainsi, pour gagner toute l’Afrique du Nord, de ces visages sur lesquels sont imprimés la détresse et le défaitisme, visages d’une jeunesse n’ayant pour arme que l’intimidation, le chantage et la menace.
Ainsi, d’un côté, une jeune femme volontaire, qui quitte une vie confortable pour aller défier la nature, créer des emplois pour les femmes démunies de Bir Salah et redonner de l’espoir à une région sinistrée.
De l’autre, à quelques centaines de kilomètres au sud de Hencha, des centaines de jeunes gens ne revendiquent qu’un seul droit, celui d’avoir des «emplois fictifs», et n’ont d’autre ambition que de se la couler douce, avec une petite planque qui leur permettrait de s’adonner, éventuellement, à des activités annexes : la contrebande, par exemple, prospère dans cette région frontalière avec la Libye.
En coupant les routes et en paralysant les usines, on ne créera pas des emplois, on les détruira.
Le désir d’entreprendre
Ce tableau pathétique de tous ces jeunes abattus et désespérés, témoigne aussi bien de l’échec de l’école tunisienne que celui d’une certaine culture sociale qui est loin de favoriser chez le Tunisien l’esprit d’entreprendre, le réduisant, ainsi, à l’attentisme et à la dépendance.
Leurrée par des politiciens irresponsables qui aiment la représenter comme victime d’un supposé système injuste, la jeunesse tunisienne patauge et se laisse tenter par les solutions de facilité dans un monde qui bouge.
L’aventure édifiante de Sarah Toumi, qui épate tant les médias étrangers, doit servir d’exemple pour ces jeunes en leur montrant qu’il y a d’autres chemins pour se réaliser que celui de s’immoler, de se faire exploser ou de faire du chantage afin d’obtenir de faux emplois.
Elle doit aussi faire réfléchir nos gouvernants sur la nécessité de revoir leurs discours lénifiants et stériles à l’égard de la jeunesse et de redéfinir les méthodes éducatives, trop figées, qui ne favorisent ni le désir d’entreprendre et de créer, ni la volonté d’agir individuellement.
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