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Djerba: Les nécropoles puniques saccagées, pillées et profanées

Chantier-Djerba

Le site archéologique de Souk El Guebli, saccagé, défiguré et profané, n’est plus qu’une carrière de pierres. Ses pilleurs, identifiés, restent impunis.

Par Naceur Bouabid*

Les nécropoles puniques de Souk El Guebli au sud-est de l’île de Djerba renferment une douzaine de tombes les mieux conservées de toutes les autres tombes antiques dans l’île, découvertes en partie par le Français Ratel Gontrain suite aux premières fouilles effectuées depuis les années 1950, et les autres par Sami Ben Tahar, archéologue chargé de recherche auprès de l’Institut national du patrimoine (INP), grâce aux multiples fouilles entreprises par lui-même depuis 2004.

S’étendant sur une superficie de 5000 m2, ce site archéologique exceptionnel, constitué de caveaux rupestres remontant au IIIe siècle Av. J.-C., est doté d’un plan original dont les parallèles se trouvent en Orient hellénistique et apporte un témoignage spectaculaire sur l’architecture libyco-punique, fruit d’un brassage culturel édifiant entre le substrat autochtone et l’apport phénicien.

Les nombreuses fouilles effectuées sur ce site ont livré un riche mobilier funéraire constitué de poteries et d’artefacts en d’autres matériaux.

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Un site archéologique exceptionnel menacé par les pilleurs de pierres.

Atteintes à répétition au site

Un pareil site archéologique d’une telle originalité, avec toute l’histoire dont il est chargé, aurait été paré de tous les soins ailleurs que sous nos cieux, dans d’autres contrées où la préservation du patrimoine est une culture ancrée, et où l’appétit du patrimoine est indéfiniment grand; son sol aurait été alors fouillé, son périmètre enclos, ses richesses et ses trésors enfouis repérés, identifiés et valorisés.

Chez nous, malheureusement, il n’est point d’appétit pour le patrimoine, ni de souci ou d’engouement pour sa préservation. Le patrimoine, pour le commun des hommes hantés par l’obsession de l’argent et le goût du lucre, se monnaie comme tout autre produit. Pour preuve, ce précieux site plurimillénaire de Souk El Guebli est dans tous ses états, à la merci d’une bande de malfrats intervenant sauvagement et ignoramment pour extraire ses pierres et piller ses pièces archéologiques.

Des bulldozers, des camions, des tracteurs déferlent continument sur le site pour l’éventrer et le saccager, avec rage et voracité qui, à vrai dire, ont doublé d’ampleur depuis l’avènement de la révolution.

En revanche, rien n’a été fait pour mettre fin à la malveillance et pour arrêter les contrevenants agissant à visage découvert avec arrogance et effronterie.

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Un patrimoine menacé par des hommes hantés par l’obsession de l’argent et le goût du lucre.

Le 5 avril 2015, tenu en flagrant délit d’outrage au site par la police de Midoun alertée au préalable, un inculpé fut arrêté avant d’être ensuite bizarrement relâché, et une plainte fut déposée, mais demeurée à ce jour sans suite. Ce qui n’était que pour  inciter ces pillards à reprendre, en récidivistes aguerris, leur sale besogne.

Le 21 mai 2015,  les mêmes acteurs, bel et bien identifiés, leurs engins aussi, ont été repérés encore en flagrant délit sur le site par la conservatrice du patrimoine à Midoun relevant de l’INP et deux représentants de la commune de Midoun qui se sont déplacés suite à une information qui leur était parvenue. Le constat du saccage du site et du pillage de ses biens a été effectué; une plainte a été déposée contre ces ennemis de la mémoire et de la vie qui n’ont été aucunement dérangés, comme si de rien n’était, malheureusement. Bien au contraire, au lieu d’être maintenant derrière les barreaux, les contrevenants sont libres de toute poursuite pénale et daignent même proférer des menaces de représailles contre les responsables locaux de l’INP.

A quand une prise en main et des mesures d’urgence?

Le site archéologique de Souk El Guebli n’est plus aujourd’hui ce qu’il était. Ce prestigieux lieu de mémoire collective, saccagé, banalisé, défiguré et profané, n’est plus qu’une carrière de pierres, et il a toutes les chances, d’ici peu, d’être rayé de la surface de la terre, dans ce contexte d’inefficience, de laxisme et d’impunité.

Y a-t-il plus grave que de s’en prendre à ces signes visibles de notre mémoire collective, à ces repères identitaires indispensables, à ces sources de richesse esthétique et culturelle?

Jusqu’à quand encore les autorités judiciaires resteront-elles sans agir face au pillage, au vol et à la destruction de ce bien culturel, face aux atteintes à répétition aux fondements même de notre communauté?

A quand la mise en mouvement des forces de dissuasion pour prévenir ces atteintes portées au patrimoine?

A quand l’attribution de davantage de prérogatives et de pouvoir aux responsables administratifs et scientifiques locaux et régionaux à qui il revient de veiller sur notre patrimoine?

A quand une meilleure concertation entre les représentants des ministères concernés (culture, police, douanes, justice) par la lutte contre le trafic illicite des biens culturels?

A quand l’entame ou la reprise des fouilles scientifiques et la protection des sites archéologiques répertoriés ?

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Les pilleurs surpris en flagrant délit sur le site sont inexplicablement relâchés. Ils récidivent…

La priorité maintenant, diraient certains, est à la chasse aux tueurs d’hommes et à la lutte contre le  terrorisme, j’en conviens, mais s’en prendre avec une telle agressivité et insolence à des pans de notre patrimoine national n’est-il pas comparable aux actes immondes de démolition perpétrés sauvagement par ces mêmes terroristes fanatiques, à qui on a déclaré la guerre, à l’encontre des symboles phares du patrimoine de l’humanité en Irak, en Syrie  et en Afghanistan?

Les uns, en l’occurrence ces illuminés enturbannés et ces fous déchainés d’ailleurs, le font au nom d’une foi débile à laquelle eux seuls croient; les autres, à savoir les nôtres, le font au nom de l’argent, mus par leur cupidité insatiable et la tentation du gain facile.

* Président de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje).

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