Le 1er long métrage de Sonia Chamkhi relance le débat sur des sujets lourds comme le viol, la pédophilie, le fanatisme, le rejet familial et surtout l’homophobie.
Par Fawz Ben Ali
Le premier long-métrage fiction de Sonia Chamkhi ‘‘Aziz rouhou’’ ou ‘‘Narcisse’’ est sorti le 14 février 2016 dans les salles du grand Tunis, de Bizerte, Nabeul, Sousse, Monastir et Djerba. Projeté pour la première fois à Tunis dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2015), il a également été sélectionné dans de prestigieux festivals internationaux en France, en Belgique, en Egypte et au Maroc.
Docteur en esthétiques du cinéma, Sonia Chamkhi est une artiste polyvalente, écrivaine, scénariste, réalisatrice, mais également enseignante à l’Institut supérieur des beaux arts de Tunis et à l’Ecole des arts et du cinéma.
Des réalités qui dérangent
Après avoir contribué à l’adaptation de plusieurs films tunisiens, elle sort son premier long-métrage de fiction, avec un florilège de jeunes acteurs très prometteurs comme Aïcha Ben Ahmed et Ghanem Zreli, mais aussi deux grandes figures du cinéma tunisien: Fatma Ben Saïdane et Jamel Madani.
Perfectionniste comme elle est, Sonia a consacré dix semaines de répétitions avec les comédiens avant d’attaquer le tournage, qui a duré 5 autres semaines.
La particularité de ‘‘Narcisse’’ réside dans les deux modes qu’il emploie, le mode filmique et le mode théâtral, où on filme l’art dans l’art, et ce travers l’histoire de Taoufik, incarné par Jamel Madani, un homme de théâtre, qui, à la fin de sa carrière, décide de mettre en scène le passé terrible de sa femme Hind, jouée par Aïcha Ben Ahmed, qui se trouve également héroïne de la pièce.
Hind est fortement attachée à son frère cadet Mehdi, chanteur homosexuel, déchiré entre une histoire d’amour clandestine avec un autre homme, et son engagement envers sa fiancée, ainsi que la pression de sa sœur qui souhaite le voir marié.
L’histoire parait simple mais elle est chargée de relations très complexes entre des personnages au passé pesant.
La trame du film est en effet construite sur plusieurs drames, à travers lesquels la réalisatrice nous invite à relancer le débat sur des sujets lourds comme le viol, la pédophilie, le fanatisme, le rejet familial et surtout l’homophobie, qui est mise en exergue dans le film.
Toujours dans la subtilité, Sonia Chamkhi nous met face à des réalités qui dérangent, mais nous propose en même temps une échappatoire pour dépasser la violence, l’amertume et les frustrations intimes.
Le réalisme poétique
Les personnages de ‘‘Narcisse’’ ont des vies peu enviables, certains sont rejetés par la société, d’autres par leurs familles, mais ils luttent pour être libres et vivre en paix. Ils ont finalement trouvé refuge dans l’art et la création. Et c’est d’ailleurs ici un bel hommage que la réalisatrice rend au théâtre, à la musique et à la danse à travers le cinéma, car ‘‘Narcisse’’ est un film de joie et de malheur qui émeut, qui dérange, mais qui chante et danse beaucoup sur les rythmes d’une musique populaire enivrante.
Ce film, qui se situe dans l’espace temporel de l’après révolution, se veut d’actualité, avec un réalisme poétique et des images ontologiques, notamment à travers une scène très marquante où on s’attarde, dans un quartier populaire, devant une inscription murale «Qui a tué Chokri?», un clin d’œil de la part de la cinéaste à la mémoire du martyr Chokri Belaïd.
‘‘Narcisse’’ est actuellement projeté dans les salles suivantes: Le Colisée, Le Palace Tunis, Le Parnasse, ABC, Le Rio, Ciné Jamil, Cinévog, Alhambra, L’Agora, Le Palace Sousse, Centre culturel de Monastir, Centre culturel Neapolis de Nabeul.
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