Faire s’écrouler la bâtisse politique sur ses adversaires, quitte à y périr en premier, semble être la stratégie de Moncef Marzouki.
Par Farhat Othman*
C’est ce que trahit sa dernière sortie médiatique qui a tout du terrorisme, celle d’un kamikaze politique de nos jours ou du héros biblique Samson.
En tenant le discours qu’il a tenu récemment à la chaîne Al-Jazeera sur le dossier particulièrement sensible de l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis, le 14 septembre 2012, l’ancien président par intérim a pratiqué le jeu bien connu consistant à prêcher le faux pour avoir le vrai.
Il est fort probable que ce qu’il a cherché n’était que de forcer à faire la lumière sur cette affaire en vue de régler certains de ses comptes avec ses anciens alliés stratégiques islamistes.
On sait qu’il leur voue une haine tenace ne leur pardonnant pas de l’avoir lâché après l’avoir amené à se vendre pour eux corps et âme. Or, ne se vend que celui qui n’a nulle éthique. Ce qui est impardonnable aujourd’hui.
Marzouki cherche à faire endosser l’attaque de l’ambassade américaine à Ennahdha.
Haro sur les islamistes
Ceux qui le connaissent disent bien de Marzouki qu’il est rancunier. Outre une morale élastique asservie à sa vorace envie du pouvoir, il est intégriste à sa manière, dogmatique jusqu’au terrorisme mental, au sens où seul compte son point de vue asservi à une finalité pour laquelle la fin doit justifier les moyens.
Aujourd’hui, la fin est de prendre sa revanche sur les islamistes toujours au pouvoir qu’il leur reproche de l’en avoir éjecté alors qu’il pensait y rester à demeure en s’étant attaché à lui ce qu’il qualifiait d’allié stratégique, ce parti Ennahdha auquel il a vendu même son âme de supposée militance humaniste.
C’est que les responsabilités dans l’affaire de l’attaque de l’ambassade des États-Unis, et d’autres événements du gouvernement de la «troïka», coalition conduite par le parti islamiste, mais aussi depuis la révolution, ne peuvent ni ne doivent pas ne pas faire l’objet de tous les éclaircissements nécessaires, jusqu’à la sanction qui s’impose en cas de manquement aux devoirs, sans parler de la trahison de l’intérêt supérieur de la patrie.
Marzouki, sauf à être fou, ce qu’il n’est pas malgré ses excentricités, sait pertinemment qu’il a moins à perdre dans cette affaire que ses nouveaux rivaux islamistes. S’agissant de l’attaque de l’ambassade, ce sont eux qui étaient aux premières loges et qui n’ont pas réussi à empêcher le cortège des fous d’Allah de progresser de Tunis vers l’ambassade.
On peut dire tout ce qu’on veut, mais on ne peut pas nier que la voie vers l’ambassade était totalement ouverte avec une quasi-évaporation bien étonnante des forces de l’ordre.
Certes, on peut être lent à réagir, ce qui n’est pas déjà dans la tradition répressive du régime; que dire d’une aussi terrible lenteur équivalente aux longs kilomètres entre le centre de Tunis et les Berges du Lac?
Marzouki (ici avec Ali Larayedh) veut enfoncer ses anciens bienfaiteurs et alliés islamistes.
Le ratio avantages/inconvénients
Marzouki assure aujourd’hui assumer totalement les responsabilités morales, historiques et juridiques de ses propos qui comporteront encore de quoi irriter, assure-t-il péremptoirement. Sans conteste, il entend rappeler les connivences ayant existé entre le pouvoir islamiste et les terroristes et son double jeu, insistant pour l’extrapoler à la situation présente, soutenant même pas à demi-mot que cela continue de plus belle comme avant.
Il n’oublie probablement pas qu’il faisait aussi partie de la coalition au pouvoir, ayant versé sans conteste dans une telle complicité avec le terrorisme, mental pour le moins. Cela il n’en a cure cependant, faisant jouer la fameuse règle du ratio avantages/inconvénients.
À raison, il sait que les islamistes ont bien plus à perdre que lui et il ne lésine donc pas sur toutes les prises de risques afin de les enfoncer encore plus. Comme de passer pour être le meilleur allié des Américains dans l’affaire de l’ambassade, allant jusqu’à souhaiter la bienvenue aux Marines.
Ce risque calculé lui permettrait d’acculer ses adversaires à l’exagération; et on en a vu, comme cette affirmation assez farfelue somme toute de dire que la Tunisie n’excluait pas, pour défendre sa souveraineté, d’abattre l’avion transportant les marines.
En cela, Marzouki a bien marqué deux points : démontrer une surprenante américanophile et pointer du doigt un patriotisme de façade, étant irréaliste. Pour cela, il a raison d’évoquer la sagesse populaire dans son dernier billet de blog sur sa page Facebook.
On pourrait penser ce qu’on voudra de cette sortie médiatique de Moncef Marzouki, on ne saura en dire n’avoir pas été mûrement réfléchie et bien machiavéliquement. Outre de faire le buzz, grassement payé et lui permettre d’occuper le devant de la scène, lui qui souffre particulièrement de ne plus être en haut de l’affiche, cela ne peut avoir, au pis, que des suites judiciaires qui seraient bien plus préjudiciables à ses ennemis qu’à lui-même.
Or, Marzouki est désormais réduit à pratiquer la stratégie du premier terroriste de l’histoire, le héros juif de la Bible qu’est Samson. Si je dois disparaître de la scène politique, croit-on l’entendre affirmer, je ne serai ni le seul ni surtout le premier. Or, ses ennemis tiennent encore à leur sécurité pour courir le risque de poursuites judiciaires qui seraient comme un boomerang.
Voilà une illustration bien croustillante du niveau d’opéra bouffe du politique atteint en Tunisie. Vivement une politique éthique, la poléthique ! Où sont donc les patriotes les vrais pour aider à nettoyer nos écuries d’Augias?
* Ancien diplomate.
Donnez votre avis