C’est dans l’urgence, après avoir essuyé au moins trois refus, et dans un souci de parcimonie, que la Fédération tunisienne de football (FTF) s’est rabattue sur Mondher Kebaier (49 ans), qui ne pouvait refuser sa promotion au poste de sélectionneur de l’équipe de Tunisie.
Par Hassen Mzoughi
La chance de devenir, pour la première fois de sa carrière professionnelle, patron de l’équipe de Tunisie, objet de convoitises de la plupart des parties opérant de près ou de loin dans le football tunisien, Mondher Kebaier l’a saisie, sans poser la moindre condition.
C’est une désignation surprise car ce technicien n’était même pas sur la liste des candidats, tous Tunisiens, dont notamment Nabil Maaloul et Radhi Jaidi.
L’ex-directeur technique de l’Etoile sportive du Sahel (ESS) et de l’Espérance sportive de Tunis (EST) n’a pas fait le choix réfléchi : ne pouvant refuser une telle promotion, il n’a même pas demandé à choisir ses collaborateurs. Il a abandonné cette «prérogative» qui lui revenait de droit au bureau fédéral, qui a donc désigné Adel Sellimi premier assistant et Adel Zouita entraîneur des gardiens, écartant par la même occasion, Maher Kanzari et Hamdi Kasraoui, après leurs déboires lors de la dernière CAN en Egypte, aux côté de l’ex-entraîneur français Alain Giresse. En plus de la nomination de 2 nouveaux préparateurs physiques.
Une première «concession» qui ne sera pas la dernière. Trop «cool», Giresse est lui aussi passé par là et il en a subi les contrecoups, en acceptant par exemple, la veille de la CAN, l’arrivée à ses côtés de deux techniciens qui ne devraient pas faire partie de son staff, Farid Ben Belgacem et Anis Bousaidi, provoquant des frictions qui ont gâté l’atmosphère avant même de partir en Egypte. Sans oublier la liste des sélectionnés pour la CAN comprenant des joueurs en méforme ou blessés. Ses «faiblesses» face aux événements tout aussi bien son approche technique approximative resteront les marques de son passage, synonyme d’un fiasco, n’en déplaise à ceux qui fantasment sur la demi-finale de la CAN, par chauvinisme stupide. D’ailleurs son limogeage était bien la seule bonne solution que pouvait prendre la FTF pour réparer son mauvais choix de départ.
Il lui sera difficile de bouger le système
Kebaier découvrira rapidement qu’il lui sera difficile de bouger un système opaque sur lequel il n’aura aucune prise et dont lui échappera une bonne frange du secteur technique, y compris la présence de joueurs «intouchables», à commencer par les binationaux !
S’il s’est montré gourmand en acceptant le poste dont il a sans doute rêvé, a-t-il au moins pesé le risque de se trouver confronté un jour ou un autre à un président de la FTF, Wadii Al-Jari, pas du tout disposé à céder la moindre parcelle de sa chasse gardée que l’on appelle pompeusement équipe de Tunisie?
Faouzi Benzarti, le prédécesseur de Giresse, a tenté de briser le système. Il n’a pas fait long feu, lui le technicien au long court.
Kebaier n’aura donc pas les coudées franches et il le sait; les multiples interférences ne s’arrêteront pas après son arrivée sur le banc de l’équipe de Tunisie. En acceptant d’être le choix d’un homme, il se met en situation précaire, car sa nomination s’apparente, tout compte fait, à une faveur, au lieu d’être une responsabilisation pour une mission passionnante et délicate que celle du sélectionneur.
La désignation de Kebaier ne s’inscrit pas dans un programme. Elle est finalement dans le prolongement du système, celui qui fait la part belle à la mainmise de quelques fédéraux sur toutes les affaires, y compris le département technique, dont la gestion cristallise à elle seule la confusion des rôles. Un système qui n’épargne pas le football en général, avec un calendrier sans queue ni tête et un traitement de type deux poids deux mesures de certains acteurs du championnat, déjà très peu pourvoyeur de la sélection.
Dans ce système, la décision verticale, individuelle et donc précipitée, reste le «principe», en l’absence d’un travail en projection, d’un plan d’action concerté.
Une preuve parmi d’autres : en bâclant le dossier Giresse, qu’il fallait d’ailleurs liquider dès la fin de la CAN, pour avoir l’indispensable marge de manœuvre, la FTF s’est retrouvée dans l’impasse. Sans anticiper les événements, sans se préparer à une éventuelle séparation avec Giresse, tout à fait prévisible car envisagée, rappelons-le, depuis le milieu de la CAN, la FTF s’était compliqué la tâche, en optant pour des candidats qui avaient bien des raisons valables pour décliner la proposition d’une instance qui tient à gérer l’équipe de Tunisie comme un domaine privé.
Embauché dans la précipitation !
Le fait que les candidats pressentis aient opposé une fin de non-recevoir à la FTF devait tout de même interpeller Kebaier, d’autant que c’est un nouveau challenge, pour lui très différent de son passé en clubs !
Le système est tellement pipé que les sélectionneurs sont nommés (ou évincés) au gré des circonstances, dans la précipitation. Le cas justement de Kebaïer, embauché quand la FTF s’était trouvée bloquée après avoir épuisé les alternatives. Elle a nommé ce technicien tunisien, pour couper avec l’expérience ratée avec un entraîneur étranger, et qui s’apparente à son propre échec. Le choix d’un autre technicien étranger, pour remplacer Giresse, coûtera encore trop cher, sans la garantie d’un résultat brillant. Or, la FTF est allée cette fois à l’autre extrême en faisant appel, non sans considération de parcimonie budgétaire, après la saignée de Maaloul et Giresse, à un technicien qui a longtemps exercé en clubs, sans expérience du haut niveau international !
Propulsé au poste de premier entraîneur de Tunisie, Kebaïer n’a jamais été convoqué ni entraîné en sélection A. Joueur modeste au sein de son club, le Club athlétique bizertin (CAB), où il n’a gagné aucun titre, il entame en 1998, à seulement 28 ans, une carrière d’entraîneur en division 2 (Association sportive de Djerba, Espoir de Djerba, puis l’AS Kasserine en 2005). Avant d’exercer dans plusieurs clubs de Ligue 1 pendant les 8 dernières années. Son seul titre en tant qu’entraîneur reste la Coupe de Tunisie avec le CAB en 2013. Outre un rapide passage en sélection olympique, cet ex-entraîneur de l’ESS (un titre de champion et une Coupe de Tunisie perdus en 2011) et de l’EST (petit passage pas réussi du tout), affiche une remarquable longévité comme directeur technique des jeunes, notamment à l’EST.
Ces références justifient-elles le choix de la FTF, malgré les connaissances notamment en planification et en suivi du technicien. On serait curieux d’en savoir un peu plus aujourd’hui, jeudi 29 août 2019, lors de la présentation du nouveau staff de la sélection.
Changement d’entraîneur et après !
Changement d’entraîneur en moyenne une fois par an mais le problème n’est pas tant dans le choix des hommes que dans la définition d’une politique de promotion du football en amont et en aval. Les demi-mesures et les calculs d’apothicaire ne permettent jamais d’avancer.
Il est temps d’estimer les moyens nécessaires et la façon de les mobiliser, bref, de construire un véritable projet sur la base d’un programme à moyen et long termes de revalorisation de notre football, à l’élaboration duquel devraient participer les techniciens et les anciens internationaux qui ont des idées, des initiatives réalistes, au sein d’une structure technique élargie.
Mais tant que l’approximatif régnera sur le foot tunisien, le problème restera entier, avec les mêmes résultats ! Tout le système tunisien est rongé par la précarité et l’improvisation qui détruisent bien des générations. La continuité et la patience, vertus des grandes nations du foot, sont loin de guider la FTF !
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