Suite à une série d’allégations lugubres dans les médias attaquant le milliardaire Patokh Chodiev, le Parlement belge a lancé une enquête de 16 mois dans le but de découvrir si l’homme d’affaires faisait partie d’un stratagème visant à influencer les législateurs. La commission d’enquête parlementaire a entendu 177 témoins et en est venue à une conclusion renversante : les allégations étaient fausses.
Par Meriem Majdoub
L’enquête belge résulte de l’adoption en 2011 de la loi sur la transaction pénale élargie pour la criminalité financière. Un des premiers dossiers à profiter de la nouvelle réglementation impliquait Patokh Chodiev, un Kazakh fortuné ayant obtenu la nationalité belge pendant les années 90.
Selon les médias, Chodiev et le gouvernement français auraient cherché à influencer les politiciens belges pour assurer l’adoption de la loi sur la transaction pénale. L’affaire est maintenant connue sous le nom de «Kazakhgate» en Belgique.
Le parlement belge diligente une enquête
Fin 2016, une commission de 15 parlementaires a commencé sa longue enquête. Le rapport expose ses motivations : «Compte tenu de la rapidité avec laquelle cette loi a été votée et de la façon dont elle a été adoptée par les assemblées législatives, les auteurs se demandent, eu égard également à certaines informations publiées dans la presse, s’il y a eu une immixtion de l’étranger dans ce processus. Ils se posent également des questions quant aux premières applications de la loi et quant à la façon dont MM. Patokh Chodiev et Alijan Ibragimov ont obtenu la nationalité belge.»
L’enquête sur la façon dont Chodiev et Ibragimov ont obtenu la nationalité belge a découvert une comédie d’erreurs commises par les bureaucrates belges. Des dossiers relatifs aux demandes de nationalité ont été transmis tardivement et contenaient des «informations parfois erronées, incomplètes ou contradictoires», selon le rapport des parlementaires. «L’organisation de certains organismes ne semblait pas optimale», a conclu la commission.
Les médias belges ont aussi fait savoir que la Sûreté d’État avait des doutes par rapport aux demandes de nationalité belge de Chodiev et Ibragimov à cause de certaines informations les liant à la mafia russe. Cependant, la commission d’enquête parlementaire a trouvé que la Sûreté d’État a informé qu’elle n’avait «Rien à signaler» dans le cadre de la demande de naturalisation. La commission a conclu que la procédure a été suivie correctement et a rejeté toute suggestion que Chodiev et Ibragimov soient déchus de la nationalité belge.
Dans son rapport, la commission a écrit : «Dans le cadre de la demande de naturalisation de M. Patokh Chodiev, approuvée par la Chambre des représentants le 18 juin 1997… le service des Naturalisations et la commission des Naturalisations de la Chambre des représentants ont suivi correctement la procédure.»
L’enquête sur l’adoption en 2011 de la loi sur la transaction pénale élargie a trouvé que des propositions d’élargissement du régime de l’extinction de l’action publique moyennant le paiement d’une somme d’argent avaient été en discussion pendant des années.
Les médias ont suggéré que, puisque Chodiev et ses partenaires étaient le premier cas d’application de la transaction pénale élargie, ils auraient pu influencer le processus de son adoption – potentiellement à l’aide de fonctionnaires français.
Cependant, la commission a trouvé que le premier promoteur de la loi sur la transaction pénale élargie était en fait le secteur diamantaire d’Anvers, et l’équipe juridique de Chodiev ne connaissait même pas l’existence de cette nouvelle loi jusqu’à quelques mois après son adoption.
Patrick de Wolf, procureur général de la cour d’appel de Bruxelles, a déclaré devant la commission que la loi sur la transaction pénale élargie «n’a aucunement été modifiée en vue du règlement des dossiers à charge de M. Patokh Chodiev et consorts.»
Chodiev n’a pas influence le processus législatif
La commission a également constaté que l’équipe juridique de Chodiev n’avait pas «influencé le processus législatif», bien qu’un des avocats, Armand De Decker, ait été condamné pour avoir omis de déclarer un conflit d’intérêts.
Malgré la couverture médiatique sensationnaliste du Kazakhgate en Belgique, l’enquête de 16 mois menée par des parlementaires a conclu que Patokh Chodiev et ses partenaires avaient obtenu la citoyenneté correctement, n’avaient nullement influencé le processus d’adoption de la loi sur la transaction pénale élargie et avaient correctement conclu un accord avec les procureurs.
Une porte-parole du parquet de Bruxelles a déclaré au Financial Times : «Aucun jugement n’a été rendu dans le cadre des poursuites contre MM. Mashkevich, Ibragimov ou Chodiev. Ils sont donc présumés innocents.»
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