Dans cet article d’humeur, l’auteure affirme que «la déprogrammation de la Tunisie crée un précédent» dans le domaine du tourisme.
Par Lucy Huxley*
Peu après l’abominable tuerie du 26 juin 2015, en Tunisie, j’ai contacté un des directeurs de Tui (voyagiste allemand, Ndlr) qui était sur place à Sousse, le jour de l’attentat, pour tenter de régler les problèmes qui s’en sont suivis et assurer le rapatriement de toute urgence des milliers de clients du tour-operator allemand.
Bien évidemment, cet ami m’a confié qu’il a vécu la semaine la plus atroce de sa vie. Mais il m’a également avoué qu’il a connu le moment le plus déchirant de sa vie, lorsqu’une Tunisienne, qui tenait un salon de coiffure dans un des hôtels de la ville de Sousse, s’est présentée à lui pour le supplier de retenir les touristes et leur demander de poursuivre leur séjour.
Il venait, alors, de réaliser – chose qui n’avait peut-être jamais effleuré son esprit – que l’existence de cette dame et celle de toute sa famille étaient, d’un seul coup, sérieusement menacées.
Malheureusement, là, il ne s’agit pas que d’un seul cas ou de 2… Il y en a d’autres. Il y en a tout plein. On nous dit que 400.000 ou peut-être un demi million de Tunisiens gagnent leur vie grâce au tourisme.
Ces femmes et ces hommes tunisiens font tout pour servir au mieux le touriste britannique et étranger. Cela, nous le savions. Mais, le jour de l’attentat, ils ont montré une autre grande qualité: leur bravoure, leur héroïsme, en tentant de s’offrir en boucliers humains pour sauver la vie de leurs clients étrangers.
Et voilà que notre ministre des Affaires étrangères, Philip Hammond, balaie tout cela d’un revers de main et ordonne à tous les ressortissants britanniques de mettre un terme à leurs vacances en Tunisie et de rentrer au pays.
Je conçois aisément que la sécurité des ressortissants britanniques soit la priorité des responsables du Foreign Office.
Selon cette logique, bien évidemment, la précaution de Whitehall et son conseil de prudence sont compréhensibles, mais lorsque cela devient alerte au niveau le plus élevé et avertissement pressant et sévère, là, je ne comprends plus rien. Les agences de voyages et les tour-operators, non plus, n’ont rien compris et ils ont décidé de rapatrier leurs clients… de se retirer de la Tunisie et de la déprogrammer pour un bon bout de temps.
Là, également, l’on comprend la déception et peut-être la colère du gouvernement tunisien de se sentir ainsi abandonné, à la première ou deuxième épreuve sérieuse.
La décision de gouvernement de David Cameron pourrait empêcher que d’autres vies britanniques ne soient perdues cet été en Tunisie. Mais, cette décision, sauverait-elle les vies britanniques dans d’autres pays à travers le monde, là où le goût touristique du citoyen britannique l’emportera? Pas si sûr!
Evoquant cette question avec Andy Cooper, un ancien patron de la Fédération des tour-operators, il a été catégorique et on ne peut plus clair: «Le travail d’un voyagiste consiste à encourager les gens à voyager… Une vie vécue dans la peur ne mérite pas d’être vécue.»
* Journaliste de voyages britannique contributrice à l’hebdomadaire ‘‘Travel Weekly’’.
** Le titre est de la rédaction.
Texte traduit de l’anglais par Marwan Chahla
Source: ‘‘Travel Weekly’’.
Donnez votre avis