La saison touristique en Tunisie sera-t-elle sauvée par les clients locaux? Les professionnels l’espèrent bien, en annonçant des réductions substantielles.
Par Anouar Hnaïne
Encore une réunion? Est-on tenté de remarquer, pour quelles finalités? Selma Elloumi Rekik, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, ne s’offre pas de répit, elle continue sa marche sans regarder derrière, plutôt un marathon qui la conduit à réunir les professionnels du tourisme toutes catégories. Il faut dire que l’attentat du Bardo, le 18 mars, qui a coûté la vie à 21 touristes, et celui de Sousse, le 26 juin, avec un bilan plus lourd (38 morts), ayant ciblé des lieux touristiques, sont écrasants de conséquences, mais la ministre apparemment optimiste essaie de soigner ses foulées pour concrétiser ses modestes objectifs. Son but est de recoller les pots cassés de la saison qui s’annonce calamiteuse. Son credo : il n’est pas question de traverser une saison blanche.
Moez Boudali annonce «des prix équivalents à ceux des To étrangers».
Temps de vache maigre
Mercredi 15 juillet, elle invite les acteurs du secteur responsable du tourisme local: un sujet délicat qui devrait provoquer des vagues de critiques et qui croyons-nous va chauffer le débat de l’été dans l’opinion publique.
Constats: le marché intérieur ne s’est pas développé, parce qu’il n’est pas structuré et ne bénéficie pas de canaux de commercialisation spécifiques.
Le sujet est délicat, disions-nous, le couple hôteliers-client local vit depuis des décennies un ménage contre-nature : le Tunisien est frustré par l’ostracisme et critique souvent à raison le mauvais accueil; l’hôtelier, de son côté, argue le fait que le Tunisien ne réserve pas à temps et ne s’adapte pas aux règles de l’hôtel. On a même entendu récemment (RTCI) un hôtelier déplorer «le mauvais comportement du tunisien… et la litanie qui suit». Pourtant ces mêmes hôteliers, par temps de vache maigre, déploient tous les efforts pour attirer le client: ils ne ratent aucune occasion pour se lamenter, expliquer et avancer les arguments. L’arrogance de quelques hôteliers se trouve malmenée.
Mercredi, des responsables des mutuelles et d’amicales ont planché sur le sujet avec plus ou moins d’amabilité et de condescendance. Pas de remous, mais des doléances interminables : bon accueil, transport convenable, réduction sur les transports aériens intérieurs, circuits moins chers…
Ce à quoi les voyagistes présents ont répondu par un seul mot d’ordre : «Adressez-vous aux agences de voyage assez tôt et négociez, vous allez être agréablement surpris de notre bonne volonté».
De son côté, Moez Boudali, vice-président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), vieux routier, connu pour son franc parler a abondé dans ce sens en caressant le sujet dans le sens du poil : «Chaque hôtelier reconnaît que le Tunisien est dépensier en période de vacances mais il faut aussi mettre le doigt sur l’abcès, il y a des clients aux comportements inacceptables…» Et comme pour confirmer la bonne volonté de ses pairs: «Non seulement la FTH consent une baisse de 30% aux Tunisiens, mais pour faire arrêter net toute surenchère, nous pratiquerons un prix TO». La messe est dite.
Selma Rekik Elloumi joue la réconciliation. Et après?
Le couple réconcilié?
Dans cette âpre négociation, l’administration joue la réconciliation du couple hôteliers-clients locaux, la ministre rassure par l’évocation des chiffres. Elle souligne «l’importance du tourisme intérieur dans le renforcement de la rentabilité du secteur et sa contribution à la dynamisation de l’activité économique.»
«Dans les unités touristiques, le nombre des Tunisiens a augmenté, ces dernières années, atteignant 2 millions de personnes en 2014 contre 1,36 million en 2009 (+46%). Le marché intérieur occupe la 2e place au niveau des nuitées touristiques en 2014 (4,3 millions) après le marché allemand», précise-t-elle.
Cette rencontre, la première du genre, appelée à se reproduire, va-t-elle avoir des conséquences sur le comportement des employés des hôtels et sur celui des clients, et atténuer les critiques des uns aux autres?
A la fin de la saison et de l’arrière-saison, on tirera les leçons.
Donnez votre avis