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La banque islamique au service de l’islamisme radical

Yassine-Essid

Selon Yassine Essid, la finance islamique cache une volonté pernicieuse, à caractère wahhabosalafiste, d’asseoir une politique d’islamisation des sociétés.

Par Abdejjabbar Bsaies*

L’ouvrage, écrit dans une langue claire, émaillée de culture profonde, est à l’évidence d’actualité. Car au moment même où il est publié une partie du monde est menacée soit par la violence djihadiste armée, soit par des tentatives inavouées d’une islamisation mondialisée.

Conformer la modernité aux préceptes de l’islam

A cette fin, responsables et idéologues salafistes avaient pensé à escient qu’en un premier temps la mise sur pied d’un système financier conforme aux préceptes islamiques serait un jalon supplémentaire dans l’expansion politico-économique et sociale de l’islam indissociable d’une islamisation des mœurs et de lutte contre la laïcité déjà bien engagée.

C’est ainsi que furent lancées les établissements bancaires qualifiés d’islamiques. Une astucieuse entourloupette pour exalter les pieux benêts à la recherche d’une alternative aux banques conventionnelles qui offrent des services en pratiquant un taux d’intérêt que l’islam dénonce et condamne fortement.

Mais l’ouvrage va au-delà et l’auteur de préciser que l’instauration d’un réseau de banques islamiques s’inscrit dans un projet plus large et plus ancien qui remonte en réalité aux enseignements du très influent théologien fondamentaliste pakistanais Sayyid Abul Ala Mawdudi.

Le modèle préconisé par fondateur du parti Jamaat-e-Islami se veut distinct et du capitalisme et du socialisme et fondé sur des bases religieuses inspirées par le retour à l’époque du prophète des quatre califes dits «éclairés».

Afin de mieux saisir la nature du ribâ, il faut remonter le temps. Aussi, l’auteur se penche-t-il longuement sur les origines du crédit et des nombreuses interdictions dont il fut l’objet, partant du code de Hammourabi jusqu’à la condamnation du péché d’usure par le jugement de l’Eglise catholique.

Dans la péninsule Arabique d’avant la révélation, dont l’économie était principalement à vocation commerciale, la prêt à intérêt était une pratique admise bien que donnant lieu parfois à des abus qui concouraient à la dislocation du lien social et de la solidarité communautaire. D’où l’hostilité à caractère dissuasif exprimée dans le message divin interprétée par la suite comme étant l’interdiction pure et simple du prêt à intérêt sous toute ses formes.

La banque islamique à la conquête du monde

C’est alors au système de finance islamique, conçue à la fin du XIXe siècle par les réformistes musulmans, qui cherchaient à conformer la modernité aux préceptes de l’islam, de prendre le relais par l’institutionnalisation d’établissements de crédit bancaire déclarés cette fois licites car conforme aux préceptes de l’islam. Parées de ce label, la banque islamique va amorcer sa conquête du monde.

Au total, l’ouvrage, à force d’arguments historiques et de faits raisonnés, a su informer tout en mettant en garde le lecteur contre une volonté pernicieuse, à caractère wahhabosalafistes, d’instiller une pratique financière comme dogme religieux et comme méthode politique d’islamisation des sociétés.

La finance dite islamique ne serait finalement que l’appendice final, la pointe d’un édifice destiné avant tout à accompagner l’œuvre réussie d’islamisation entamée dans bien d’autres domaines aussi bien en Occident que dans les pays musulmans de tradition moderniste et laïque.

* Economiste, professeur émérite.

**  »La face cachée de l’islamisation. La banque islamique », essai de Yassine Essid, préface de Youssef Seddik, éditions de l’Aube, Paris, février 2016.

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