Oxford Business Group (OBG) a présenté son rapport 2016 relatif à la situation économique en Tunisie, au cours d’un point de presse, jeudi 21 avril. Entre ombre et lumière.
Par Wajdi Msaed
Le cabinet britannique d’intelligence économique et de conseil a brossé, dans son «Report Tunisia 2016», un tableau très positif, optimiste et présageant d’un avenir plutôt radieux pour un pays qui a, certes, réussi sa transition démocratique, mais qui souffre en réalité d’une situation socio-économique inquiétante.
Tableau rose et débat mitigé
La présentation a été faite par Karine Loehman, directeur de la région Afrique à OBG, en présence des partenaires associés à la réalisation de ce rapport, notamment la Fipa, le Cepex, la BVMT, la Conect, Tunisie Valeurs…
Evoquant le code du travail, les réformes fiscales, le nouveau code d’investissement ainsi que la situation des secteurs clés de l’économie tunisienne, Karine Loehman a mis en exergue les efforts fournis par le gouvernement, qui s’est engagé dans un processus de restructuration économique visant à garantir la bonne marche future du pays. Faisant savoir que le FMI prévoit un taux de croissance de 3% pour 2016 contre 1% réalisé en 2015, elle a salué le prêt de 2,8 milliards de dollars que cette institution a accepté d’accorder à la Tunisie.
Organisé sous le thème volontairement optimiste: «Potentiel de développement économique en Tunisie : des opportunités au-delà des objectifs», ce rendez-vous avec les médias a permis d’engager un débat sur le présent et l’avenir du pays, où les avis ont fortement divergé jusqu’à atteindre le seuil de la contradiction entre un optimisme tempéré qui essaie de voir la moitié pleine du verre et un pessimisme exacerbé qui, trop sensible aux difficultés du moment, n’en a pu voir que la moitié vide.
Un optimisme mesuré
Deux interventions ont particulièrement illustré ces deux approches aux antipodes l’une de l’autre. Il y a d’abord celle de Bilel Sahnoun, président de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT), qui a évoqué la question du financement des PMEs par le marché boursier, en précisant qu’il reste encore très limité, eu égard à sa faible participation qui ne dépasse pas 10%, contre 70% aux Etats Unis.
Se référant à la définition de la PME par l’Institut national de la statistiques (INS), basée sur un nombre d’emplois se situant entre 10 et 200, le président de la BVMT a estimé que sur les 600.000 entreprises que compte la Tunisie, il y aurait 12.000 PMEs, qui doivent constituer un cheval de bataille pour le marché financier. «Nous devons nous intéresser à ces PMEs et nous sommes en train d’élaborer un kit susceptible de faciliter leur introduction en bourse pour dynamiser davantage le marché financier», a expliqué Bilel Sahnoun.
Un pessimisme assez poussé
Fadhel Abdelkefi, DG de l’intermédiaire en bourse Tunisie Valeurs, a présenté une analyse moins optimiste.
Tout en rappelant la nécessité de «tenir un discours de vérité au peuple tunisien», afin de pouvoir procéder à des réformes rapides et efficaces, qui plus est, accompagnées de mesures d’austérité. Il a ainsi déploré le retard accusé dans la mise en œuvre de la loi relative au partenariat public-privé (PPP) et la promulgation de la nouvelle loi bancaire et du nouveau code d’investissements, qui aurait gagné à être simplifié avec un volume ne dépassant pas quelques pages, comme c’est le cas des codes de pays comparables à la Tunisie, comme le Maroc, l’Egypte ou même les pays européens de la rive nord de la Méditerranée et ceux de l’Europe de l’Est.
Le pessimisme affiché par Fadhel Abdelkefi est d’autant plus justifié que le pays a procédé à l’augmentation du budget de l’Etat de 18 à 30 milliards de dinars en 4 ans, alors que son économie est quasiment à l’arrêt et que les revenus provenant des secteurs clés sont en nette régression, tels ceux du phosphate et du tourisme.
«Une telle situation, a-t-il précisé, ne pourrait qu’aggraver les déséquilibres macroéconomiques, en augmentant le volume des dettes, dont le taux risque de passer de 60% du PIB actuellement à 80% à la fin de l’année 2016», a averti M. Abdelkefi, qui est réputé pour son franc-parler.
Une politique d’austérité s’impose
Par conséquent, le DG de Tunisie Valeurs a lâché le mot qui fâche et que les dirigeants politiques n’aiment pas prononcer : l’austérité. M. Abdelkefi estime que le gouvernement doit appliquer une politique d’austérité, surtout face à des caisses sociales qui dérapent et qui constituent désormais un fardeau pour l’économie nationale et pour le budget de l’Etat. Relever l’âge de départ à la retraite et augmenter les taux de cotisation demeurent, selon lui, les seules solutions viables à apporter pour atténuer le déficit chronique de ces caisses.
L’austérité devait s’opérer, en outre, au niveau de la restructuration des banques publiques ou leur cession au privé pour n’en garder qu’une seule, à savoir la BNA, en consolidant sa vocation agricole.
D’autres intervenants ont estimé que le pays est en retard en matière de projets d’infrastructure, en soulignant les obstacles qui freinent la bonne marche du pays, notamment le terrorisme, le marché informel, la corruption, le climat social tendu et la lourdeur administrative.
En conclusion : pour espérer s’en sortir, la Tunisie a besoin d’accélérer le processus des réformes, de lancer de grands chantiers, de simplifier les textes de loi et d’alléger les procédures administratives régissant les activités économiques.
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