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La Tunisie entre le marteau du FMI et l’enclume de l’UGTT

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Le temps est venu pour que le gouvernement tunisien réponde aux revendications du soulèvement qui a balayé la dictature, en 2011. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Entretien conduit par Jihen Laghmari et Tamim Elyan *

Chômage, salaires et disparités sociales et régionales ont été les facteurs principaux qui ont mis le feu aux poudres et déclenché la ‘‘Révolution du jasmin’’. Et, six ans plus tard, la grogne sociale est toujours là: depuis janvier 2011, la succession de six ou sept gouvernements se sont essentiellement attachés à réussir et à consolider la transition démocratique du pays. Certes, ces efforts ont été récompensés par la tenue d’élections irréprochables, l’adoption d’une nouvelle constitution et le transfert du pouvoir des islamistes aux partis laïcs. Cependant, l’économie n’a plus crû, suite notamment aux attentats terroristes, qui ont frappé durement l’industrie du tourisme, et aux grèves à répétition qui ont paralysé l’activité des mines de phosphate et la production énergétique.

L’économie pour servir la démocratie

Désormais, «la Tunisie est prête à entamer la nouvelle étape», a déclaré le Premier ministre Youssef Chahed, dans un entretien accordé au site ‘‘Bloomberg.com’’, le jour de l’ouverture de la Conférence sur l’investissement où des pays du Golfe et d’Europe ont accouru pour promettre à la Tunisie des milliards de dollars en aides, prêts et investissements.

«A présent, il est grand temps que l’on passe aux dossiers économiques et sociaux, que l’on réponde aux revendications de la révolution tunisienne et que l’on donne de l’appui au processus démocratique», a expliqué le chef du gouvernement tunisien, qui admet que la tâche ne sera pas facile. «Nous allons devoir mettre en œuvre des réformes en matière de budget, dans le secteur bancaire, la fiscalité et bien d’autres domaines», a-t-il reconnu. Et d’ajouter: «Nous avons déjà entamé des réformes et elles sont coûteuses, mais, dans le même, il est de notre devoir de créer de la richesse et de générer de la croissance inclusive.»

Le gouvernement tunisien a organisé cette Conférence de Tunis afin de mobiliser les ressources nécessaires au financement d’un large éventail de projets – extension du réseau routier et des installations aéroportuaires, et la construction de nouvelles usines de traitement d’eau, pour une valeur totale de 17,7 milliards d’euros – outre le soutien financier de gouvernements bailleurs et d’institutions internationales.

Les pays arabes du Golfe, la France et les institutions mondiales ont répondu à l’appel de la Tunisie par des promesses de plusieurs milliards de dollars sous formes d’aides et d’investissements.

Les enjeux sont de taille, car l’effondrement de l’Etat créerait de graves difficultés non pas seulement pour les 11 millions d’habitants de la Tunisie. Dans le cas de cette dégradation adviendrait, les Tunisiens grossiraient en grand nombre les flux de migrants nord-africains fuyant la pauvreté et cherchant à rejoindre clandestinement les côtes européennes.

Et le désespoir profond des Tunisiens pourrait aussi être un terrain fertile pour l’extrémisme islamiste.

Les autorités tunisiennes ont adopté un plan quinquennal de développement (2016-2020) qui s’articule autour du renforcement de l’investissement du secteur privé, la création de 400.000 emplois et l’application d’un certain nombre de réformes structurelles.

Mêmes difficultés et mêmes résistances entêtées

Le gouvernement Chahed se trouve confronté aux mêmes obstacles que ses prédécesseurs, notamment une résistance forte des organisations syndicales et l’instabilité politique. Depuis sa nomination en août dernier, ces difficultés ont vite fait de surgir. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la plus importante centrale syndicale, lauréate avec trois autres organisations de la société civile du prix Nobel de la paix pour ses services rendus à la cause de la transition démocratique en Tunisie, a lancé un appel à la grève générale le 8 décembre, si le gouvernement Chahed décide de reporter les majorations salariales accordées par son prédécesseur.

«Nous avons beaucoup trop investi dans l’établissement de la démocratie, et cela a coûté très cher pour l’économie», estime l’économiste Moez Joudi, expliquant que «la classe politique s’est excessivement focalisée sur ses règlements de comptes politiques et a ignoré les dossiers économiques.»

Par conséquent, le gouvernement se trouve aujourd’hui dans une situation qui est loin d’être enviable, selon Joudi: «entre le marteau et l’enclume. Entre le FMI, d’une part, qui est de plus en plus strict et qui dit clairement à la Tunisie qu’il n’est plus disposé à donner son argent pour que celui-ci soit dépensé sur des articles qui aggravent encore plus les problèmes du pays, et, les syndicats, d’autre part.»

Le gouvernement envisage de s’attaquer sérieusement à la corruption et à l’évasion fiscale de façon à pouvoir générer de la croissance économique et à porter celle-ci du niveau actuel de 1,5% à un taux de 5%, selon Youssef Chahed. Clairement, pour le premier ministre, la solution passe également par la meilleure rationalisation de la gestion des sociétés nationales et par la lutte contre le marché parallèle.

Mouayed Makhlouf, directeur pour la région Mena de l’International Finance Corporation, indique que le créancier a investi 300 millions de dollars en Tunisie et qu’il pourra injecter un montant égal, si les réformes favorisant la croissance du secteur privé se poursuivent…

La Tunisie a déjà obtenu un prêt du Fonds monétaire international (FMI) d’une valeur de 2,88 milliards de dollars et exprimé que la Conférence sur l’investissement «la replacera de nouveau sur la carte internationale de l’investissement», a déclaré Youssef Chahed. Le gouvernement souhaite obtenir, l’an prochain, environ 6 milliards de dinars tunisiens (soit 2,6 milliards de dollars) en prêts étrangers, afin de combler son déficit de financement.

Entre-temps, les Tunisiens souhaitent obtenir ce qu’ils n’ont jamais cessé de revendiquer depuis 6 ans. «Il y a de la tension dans la rue», avertit Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT, qui a appelé à la grève le 8 décembre. «Le feu brûle sous la cendre. Il n’y a pas de compromis possible», menace le dirigeant syndicaliste.

Article traduit de l’anglais par Marwan Chahla

*Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

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