Selon une enquête Gallup, pour les Tunisiens, les perspectives de l’économie de leur pays sont les pires depuis 8 ans. Plus du tiers estiment que leur niveau de vie n’a cessé d’empirer et un quart seulement font confiance au gouvernement. Les municipales du 6 mai 2018, confirmeront ces déceptions…
Par Marwan Chahla
L’équipe qui a mené ce sondage international de l’Institut Gallup (Gallup’s World Poll) rappelle qu’il convient de placer les résultats de cette enquête dans le contexte des prochaines élections municipales et locales, les premières du genre depuis le renversement, en 2011, de la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali.
En 2017, à la veille de cet important scrutin, les enquêteurs du Gallup Institute ajoutent que l’évaluation que les Tunisiens font des conditions économiques de leur pays a atteint un niveau remarquablement bas.
Logiquement donc, cette mauvaise situation économique a sérieusement entamé la confiance que l’opinion publique tunisienne éprouve envers leur gouvernement – et les responsables locaux et les dirigeants municipaux devraient, eux aussi, le 6 mai prochain, être la cible de ces reproches.
Selon cette étude de tendances Gallup, l’évaluation que les Tunisiens font de leur économie locale, en 2017, a été à son niveau le plus bas durant les huit dernières années, avec seulement 15% des citoyens tunisiens qui estiment qu’elle s’est améliorée, contre 50% qui jugent qu’elle s’est détériorée.
De toute évidence, ce constat a gravement impacté l’état d’esprit des citoyens tunisiens: une chute considérable de l’optimisme que nourrissent les Tunisiens au sujet de la situation économique à venir a accompagné cette dégradation des conditions de vie au niveau local. Ce défaitisme est quasi-général: le pessimisme économique des Tunisiens touche pratiquement toutes les classes – les niveaux de revenus élevés aussi bien que les niveaux inférieurs.
Le déclin économique se traduit dans l’évaluation du niveau de vie
L’appréciation des Tunisiens de leur niveau de vie reflète, dans une large mesure, le malaise économique grandissant qu’éprouve l’opinion publique tunisienne. Cette évaluation du niveau de vie a fluctué de 2009 à 2015, à un même moment où les soucis sécuritaires ont baissé et l’économie est devenue la préoccupation majeure des citoyens tunisiens. En effet, depuis 2015, l’évaluation des Tunisiens de leur niveau de vie est tombée de 61% au niveau le plus bas sur l’échelle des tendances de Gallup, c’est-à-dire à 47% en 2017.
Les Tunisiens sont également pessimistes quant à l’avenir de leur niveau de vie, avec un record historiquement le plus bas de 23% des citoyens tunisiens qui déclarent que ce niveau de vie est en train de s’améliorer et, dans le même temps, un autre record historiquement le plus élevé de 35% des Tunisiens qui estiment qu’en 2017 leur niveau de vie s’est sérieusement dégradé.
Absence de progrès implique baisse de confiance dans le gouvernement
D’après l’enquête Gallup, au lendemain de la fuite de Ben Ali, la Tunisie a connu une période de troubles durant laquelle la confiance des Tunisiens en leur gouvernement a chuté de 47%, en 2011, à 32%, en 2013.
Les élections législatives et présidentielle de 2014 ont porté au pouvoir le parti de Nidaa Tounes et entraîné une meilleure disposition des Tunisiens et une nette amélioration du sentiment de la population envers l’Etat, avec près de la moitié des Tunisiens (48%) déclarant, en 2015, qu’ils faisaient entièrement confiance à leur gouvernement. Certes, Nidaa Tounes a réussi à améliorer la situation sécuritaire du pays, mais il n’a pas réussi à améliorer la confiance de l’opinion envers le gouvernement. Et c’est ainsi que le mécontentement des Tunisiens s’est déplacé de la question sécuritaire, en tant que première priorité, vers les préoccupations économiques.
Alors que Nidaa Tounes a tenté d’améliorer la situation économique, en contractant de nouveaux prêts auprès du Fonds monétaire international (FMI) et en s’engageant à mettre en œuvre un plan quinquennal de développement visant à réduire le chômage, il y a eu peu d’amélioration –et la confiance des Tunisiens en leur gouvernement est tombée à 25%, en 2017.
Selon les termes du prêt accordé par le FMI, la Tunisie s’est engagée à mettre en œuvre un programme d’austérité et à augmenter les taxes. Cela a eu pour effet immédiat de déclencher un mouvement de protestations à travers le pays.
Conséquence, Nidaa Tounes paiera le prix…
Selon l’enquête Gallup, les Tunisiens avait nourri l’espoir que Nidaa Tounes allait pouvoir améliorer la situation économique du pays. Cependant, cet optimisme s’est vite éteint et la confiance dans le gouvernement a chuté. L’imposition de l’austérité et la nouvelle loi fiscale ont entraîné un changement d’attitudes chez les Tunisiens: leur mécontentement envers le gouvernement et leur insatisfaction découlant de la détérioration de l’économie se sont transformés en manifestations et troubles.
Le gouvernement tunisien, mené par la coalition Nidaa-Ennahdha, a reconnu que le développement économique du pays a pris du retard. Mais, cet aveu n’a nullement renforcé la confiance des Tunisiens en leur gouvernement.
Le Gallup’s World Poll conclut qu’il y a fort à parier que ce manque de confiance dans le gouvernement qu’éprouvent actuellement les Tunisiens se traduise, à l’occasion des élections municipales du 6 mai 2018, par l’expression d’un désaveu de Nidaa Tounes et la sanction de ses candidats, lors de ce scrutin local.
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