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Colibe, à quand le réveil des hommes politiques ?

L’offensive des vieux turbans, voire les menaces de mort qui ont visé les membres de la Commission des libertés individuelles et d’égalité (Colibe) laisse, manifestement, de marbre les dirigeants de nos partis politiques et l’ensemble de la société civile que nous avons vus, dans d’autres circonstances, plus réactifs.

Par Mohamed Ridha Bouguerra *

Il est vrai qu’en ce moment, pourtant fort critique pour l’avenir de notre pays, les politiciens et responsables des instances partisanes sont occupés par leurs querelles de boutiquiers avec le regard fixé sur l’horizon de 2019 ! Alors, il faut ratisser large et, surtout, ne fâcher personne !

Mais comme la nature a horreur du vide, les salafistes et autres prêcheurs en eau trouble s’enhardissent et occupent chaque jour un peu plus le haut du pavé. Un prêche par-ci, une conférence par-là, sans compter les campagnes de signatures pour dénoncer le rapport de la Colibe. Le tout en salissant les membres de la commission et en répandant force mensonges et contre-vérités du genre, le rapport en question préconise l’interdiction de la circoncision ou encourage l’adultère !

Un sourd qui ne veut pas entendre

Un pas de plus vient, cependant, d’être franchi ce vendredi 3 août 2018 — la date, à n’en pas douter, n’a pas été choisie au hasard — avec la prière sur l’esplanade de l’avenue Habib Bourguiba. Comme si c’était là l’endroit le mieux indiqué pour s’adresser au Très-Haut ! Comme si on manquait d’espaces consacrés aux activités strictement religieuses ! Au même moment, une manifestation dirigée par un imam controversé sillonnait les artères de Sfax.

Les membres de la Colibe ont beau dire et répéter en vain que, finalement, ils n’ont cherché qu’harmoniser notre arsenal juridique afin de le rendre conforme aux dispositions de la constitution du 27 janvier 2014 et à l’ensemble des accords internationaux et autres conventions déjà signés par la Tunisie… Il est vrai, cependant, qu’il n’est pire sourd qu’un sourd qui ne veut pas entendre !

Alors qui a peur de l’égalité dans l’héritage ? Qui cherche à punir— pour quelque chose dont il n’est pas responsable et dont il est la première victime — l’enfant adultérin ou né en dehors du mariage ? Qui refuse de reconnaître à celui-ci des droits légitimes comme porter le nom de son géniteur et en hériter à l’égal de ses demi-frères ? Est-ce là contrevenir à l’esprit d’équité et de justice qui anime toutes les religions divines y compris l’islam ?

Arrêtons la main assassine avant qu’un malheur n’arrive

Alors que la peine de mort a été abolie dans la plupart des pays démocratiques, qui a peur de son abolition chez nous et cela uniquement dans les cas de crimes qui n’ont pas entraîné mort d’homme ? Pour les vrais croyants, dieu n’est-il pas reconnu comme étant le seul dispensateur de la vie et le seul apte à la retirer si bon lui semble ?

Mais les salafistes attachés à leurs dogmes, à leurs yeux, immuables, sont, en réalité, imperméables au discours rationaliste. C’est aux dirigeants politiques et à ceux des partis prétendument libéraux et de gauche que nous devons nous adresser afin de les tirer de leur dangereuse léthargie pour qu’ils expriment haut et fort leur soutien aux membres de la commission Colibe menacés de mort par des fanatiques dont il faut arrêter la main assassine avant qu’un malheur n’arrive! Si nos hommes politiques font le gros dos et attendent patiemment le lendemain des élections pour qu’ils se prononcent sur la Colibe, ça sera, sans aucun doute, trop tard et les avancées que préconise le rapport seront, hélas, perdues pour toujours ! Qu’à dieu ne plaise !

* Professeur de l’Université de Carthage, Docteur Honoris Causa de l’Université Blaise Pascal de Clermond-Ferrand.

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