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Economie : Béji Caïd Essebsi et l’expertise des figures de l’ancien régime

Pour s’informer sur les moyens de relancer l’économie tunisienne en crise, le président de la République, Béji Caïd Essebsi (BCE) à des figures de l’ancien régime qui préconisent des solutions éculées et dangereusement anachroniques.

Par Khémaies Krimi

Dans l’interview qu’il a accordée, dans la soirée du lundi 24 septembre 2018, à la chaîne privée El Hiwar Ettounsi, BCE a été interpellé très peu sur la grave crise économique qui sévit dans le pays et sur les moyens d’en sortir. Il s’est contenté de révéler qu’il a reçu, au palais de Carthage, plusieurs représentants de think-tanks qui lui ont présenté des notes sur les pistes de redressement de l’économie nationale suggérant des issues pour sortir de la récession. Il a même nommé ces groupes d’experts. Il s’agit du Centre d’analyses économiques (CAE) que préside Afif Chelbi, ancien ministre de l’Industrie, sous le régime de Ben Ali, et du Centre international Hédi Nouira de prospectives et d’études sur le développement que préside Taoufik Baccar, ancien gouverneur de la Banque centrale sous le même Ben Ali, et d’un électron libre, un ancien thuriféraire du régime Ben Ali, l’ancien banquier et expert financier Ezzeddine Saidane, directeur du cabinet Directway Consulting.

À Kapitalis, nous avons parlé de manière exhaustive de ces feuilles de route et critiqué, objectivement, leur contenu.
Dans leur ensemble, ces notes, élaborées par des figures de l’ancien régime, des monétaristes (Centre Nouira) et des experts de l’économie réelle (CAE), pâtissent de l’absence d’une vision claire. Pis, elles sont nostalgiques du passé. Elles suggèrent des recettes expérimentées au temps de Ben Ali et qui ont été catastrophiques pour l’économie du pays, s’agissant, particulièrement, de la privatisation des entreprises publiques et de la ré-institution automatique des avantages fiscaux et financiers dont bénéficiaient les lobbys industriels non-résidents et leurs sous-traitants.

Des propositions pour effacer les erreurs du passé

À titre indicatif, le programme de redressement économique du Centre international Hédi Nouira propose, au rayon des banques la réunion des banques et établissements financiers publics dans deux holdings. Le premier regrouperait la STB, la BNA et la «bad bank», la Banque franco tunisienne (BFT) tandis que le second réunirait la BFPME (Banque de financement des petites et moyennes entreprises), la Banque tunisienne de solidarité (BTS), la Sotugar (Société tunisienne de garantie) et le Foprodi (Fonds e promotion et de décentralisation industrielle). Quant à la Banque de l’habitat (BH), le Centre Hedi Nouira, dont la plupart des membres ont participé aux anciennes privatisations non étudiées de banques publiques et à la fusion aux conséquences catastrophique entre la STB, la BNDT et la BDET, recommandent tout bonnement sa privatisation.

Le non-dit ici, c’est que c’est au temps où l’équipe du Centre Hédi Nouira était au pouvoir que la scandaleuse affaire de la BFT a été marginalisée et reportée sine die, un retard qui va coûter, aujourd’hui, au contribuable quelque 2 milliards de dinars selon les premières estimations. C’est du temps de cette équipe, également, que les réformes monétaires déterminantes ont été reportées (monnaie cryptée, digitalisation, ciblage de l’inflation, flexibilité de change, formation des ressources humaines…).

Tout indique que les monétaristes du Centre international Hédi Nouira n’ont pas compris que les temps ont changé et que tout retour en arrière est presque impossible.

Acharnement à ré-instituer la l’onéreuse loi 72

Pour sa part, le CAE, sous prétexte que le pays risque de connaître un déclin industriel, voire une désindustrialisation dont les symptômes seraient la disparition depuis 2011 de centaines d’entreprises dans l’économie réelle voire le secteur productif (industries manufacturières et non manufacturières…), pourtant un phénomène naturel en période de transition, recommande une cinquantaine de propositions pour une relance économique articulée autour de deux axes : croissance et emploi/inclusion sociale et régionale.

Point d’orgue de ces propositions, un appel pressant pour la révision de la loi sur l’investissement adoptée en 2016 auquel le CAE reproche d’avoir institué la neutralité des incitations fiscales. Le CAE plaide en conséquence pour la ré-institution des exonérations en faveur de l’industrie off shore et de la réhabilitation de loi 72.

Le CAE semble ignorer ici les révélations d’une note d’analyse publiée en 2016 par l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) sous le titre : «La loi 72 : une perte colossale en devises». D’après ces révélations, la Tunisie a perdu en cumulé, sur la période 2006-2016, 43 milliards de dinars en équivalent de devises du fait du régime d’exception octroyé aux entreprises non résidentes». En dépit de ce coût faramineux, le CAE cherche à le réinstaurer. Sans commentaire.

Le PAS ne sert que les intérêts des bailleurs de fonds

Quant à Ezzeddine Saidane, pour sortir du pays de la crise, il a toujours plaidé pour un nouveau plan d’ajustement structurel du type que le pays avait adopté en 1986-87.

Réagissant indirectement, à cette proposition, Habib Touhami, ancien ministre et économiste «considère que les réformes qui sont urgentes pour l’avenir de la Tunisie ne devraient plus être des plans d’ajustements structurels (PAS), lesquels ne se soucient que des intérêts des bailleurs de fonds mais de véritables réformes structurelles et structurantes qui valorisent la production nationale et l’intégration des activités économiques du pays». La réponse est claire.

Pour revenir à BCE, qui donnait l’impression d’être satisfait de ces recommandations, nous pensons simplement qu’il a été mal conseillé sur toutes les questions évoquées ci-dessus.

En perte de vitesse, BCE, a prouvé, encore une fois et de manière éloquente, que même en matière économique, il ne se comporte pas comme un chef d’Etat, mais comme le chef d’un clan, celui des makhzeniens (rentiers dépendants du pouvoir central), qui étaient choyés par Bourguiba et Ben Ali. Quelle perte de temps ! C’est vraiment dommage.

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