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En Tunisie, les terroristes sont aussi sur les routes

En Tunisie, un pays de 11 millions d’habitants pour un parc automobile comptant un peu plus de 2 millions de véhicules, on dénombre 4 morts en moyenne sur les routes chaque jour. C’est pire que des attentas terroristes.

Par Tarak Arfaoui *

Le terrorisme jusque la méconnu en Tunisie, exceptionnel et anecdotique, est un fléau qui s’est bel et bien installé dans notre vie quotidienne à tel point qu’il s’est banalisé, perçu désormais comme une simple fatalité par une grande frange de la population.

Le terrorisme armé n’est en fait qu’une forme extrême et violente du terrorisme en général qui ne devrait pas occulter ses autres formes plus meurtrières et dont la perception dans l’opinion publique passe pour un simple fait divers.

Je veux parler ici et je pèse bien mes mots du terrorisme ayant cours sur nos routes du fait du comportement de nos chers concitoyens que je qualifie de véritable drame national.
1500 morts sur les routes en 2017

S’il n’y a pas vraiment de chiffres officiels des victimes du terrorisme armé en Tunisie depuis 2011, estimés à environ quelques centaines de personnes, les chiffres des morts sur les routes nationales sont bien répertoriés par des organes officiels et sont bel et bien effrayants.

Les routes tunisiennes sont parmi les plus meurtrières du monde et selon l’Observatoire national de la sécurité routière (ONSR), les accidents de la route ont fait en Tunisie, rien que durant les six premiers mois de 2018, 620 tués et 4640 blessés, des chiffres qui se passent de tout commentaire!

Selon l’Association tunisienne de la prévention routière (ATPR), 1500 morts ont été répertoriés sur nos routes en 2017 et les dégâts estimés à 800 millions de dinars tunisiens (MDT).

Ces chiffres dépassent largement ceux des victimes du terrorisme armé (environ trois fois plus de morts) et ne semblent pas déranger outre mesure le ministre de l’Intérieur. Cet état de fait est bien sûr du à l’incivisme légendaire du Tunisien sur les routes qui fait fi de toutes les règles de conduite mais aussi du à l’extrême négligence des agents de la circulation dont la présence dans les carrefours et sur les routes est certes préventive et dissuasive mais malheureusement accompagnée d’une nonchalance et d’une léthargie dans l’application de la loi tout à fait inacceptables.

Les kamikazes roulants font la loi

Sur la route ou en ville, les kamikazes roulants font la loi. Un étranger ne pourra pas prendre le volant d’une voiture à Tunis car il constatera très vite qu’il va s’embourber dans une jungle ou l’incivisme et la gabegie sont la seule règle de conduite.

Les exemples de l’incivisme routier abondent et le plus caricatural est celui des taxis collectifs qui circulent a Tunis et qui sont un véritable danger public. Des voitures sur-bondées, épaves roulantes circulant le soir sans feux, zigzaguant au gré de l’humeur du «conducteur» qui est souvent accroché à son téléphone conduisant d’une seule main, roulant à tombeau ouvert, expert en tête-à-queue, s’arrêtant où il veut, ne respectant ni priorité ni feu rouge ni sens unique, ces taxis sont un véritable danger pour ses occupants et pour les circulants. Sachant qu’ils passent des dizaines de fois au nez et à la barbe des mêmes agents de la circulation postés aux carrefours qui ne les contrôlent jamais, il est alors permis de penser qu’il y a connivence. Avec l’inflation, les «Khammous» et «Achour» (pièces de 5 et 10 dinars tunisiens) n’ont plus cours, remplacés par le rutilant «Kheiredine» (20 dinars).

Ces taxis sont de véritables terroristes de la route, des assassins comme le montre les derniers accidents sur la route express de la Marsa.

Sur les grandes routes, les voitures de louage sont à la même enseigne que les taxis et malgré les efforts de l’Etat, l’infrastructure reste par endroits insuffisante, les routes mal balisées, la majorité des radars de contrôle sont postés pour la forme et il est exceptionnel qu’ils soient fonctionnels.

Le ministère de l’Intérieur doit se ressaisir

La vétusté du parc roulant n’est plus en cause car complètement renouvelé ces dernières années et l’alcool au volant, un fléau en Europe, est vraiment un phénomène mineur en Tunisie.

Pour remédier à ces graves problèmes, l’éducation civique à l’école est fondamentale mais insuffisante, les examens du permis de conduire doivent être plus sérieux et sélectifs, des campagnes médiatiques de sensibilisation sont urgentes et des campagnes sécuritaires récurrentes absolument nécessaires pour faire reculer ce fléau avec application stricte et sans complaisance de la loi par les agents de l’ordre.

Il est grand temps que le ministère de l’Intérieur se ressaisisse, et il en a les moyens, pour mettre fin à ce laisser-aller sur la route dont les citoyens payent le prix fort.

Quatre mort en moyenne sur les routes tunisiennes tous les jours, c’est pire que des attentas terroristes sporadiques.

* Médecin de libre pratique.

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