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L’entreprise israélienne Archimedes et ses «clients» tunisiens

Pourquoi les comptes Facebook fake gérés par l’entreprise israélienne Archimedes, spécialisée dans les campagnes de désinformation politiques payantes et trébuchantes ont-t-ils principalement pris pour cibles, en Tunisie, Ennahdha et Youssef Chahed ? Quelques éléments de réponse…

Par Lassaad Bouazzi *

D’abord, faisons connaissance avec cette entreprise pour le moins louche et aux pratiques peu orthodoxes.

L’affaire a commencé lorsque l’entreprise Facebook a fait savoir, le 16 mai 2019, qu’elle avait supprimé 265 comptes, pages et groupes, sur Facebook et Instagram, qui faisaient partie d’un même réseau utilisé pour diffuser de fausses informations ou influer de manière malhonnête sur le débat politique, principalement en Afrique, en Asie et au Brésil. Ces comptes étaient suivis par environ 2,8 millions de personnes et ont diffusé pendant sept ans des publicités politiques pour plus de 700.000 euros.

Gestion de campagnes de masse sur les réseaux sociaux

Selon les informations publiées par le journal ‘‘Le Monde’’, cette entreprise «plutôt discrète» se présente comme «une société fournisseuse d’outils électoraux», vendant notamment une suite logicielle, Archimedes Tarva, conçue pour «la gestion de campagnes de masse sur les réseaux sociaux» ou encore les «opérations nécessitant un nombre illimité de comptes».

Ses clients sont principalement situés en Afrique sub-saharienne et en Amérique du sud.

Le président-directeur général d’Archimedes, «Elinadav Heymann, aurait longtemps travaillé dans la politique en tant que lobbyiste et consultant politique, notamment à Bruxelles, après un passage dans l’armée de l’air israélienne. Il est connu comme un défenseur zélé de la ligne israélienne conservatrice, farouchement opposée au terrorisme et au boycott des produits de l’Etat hébreu».

Pourquoi la Tunisie, pourquoi Ennahdha et pourquoi Chahed ?

Cela dit, deux questions nous concernent, nous autres Tunisiens, qui avons eu droit aux bons soins de cette société. Pourquoi les comptes fake qu’elle gérait visaient Ennahdha, qui s’était pourtant opposée farouchement à un projet de loi sur la criminalisation de la normalisation avec Israël, présenté en 2013 à l’Assemblée nationale constituante, le parti islamiste tunisien étant plutôt proche des sphères sionistes et pro-israéliennes, notamment aux Etats-Unis?

Pourquoi les comptes fake gérés par cette entreprise visaient-il aussi le chef du gouvernement Youssef Chahed qui n’est pas particulièrement hostile à Israël, qui ne gère pas directement la politique étrangère de la Tunisie et qui s’est illustré aux yeux des Israéliens en nommant un ministre de confession juive, René Trabelsi, à la tête du ministère du Tourisme etde l’Artisanat, nomination qui a été très favorablement accueillie par les médias israéliens ?

La réponse à ces deux questions est évidente : l’Etat d’Israël ne peut être derrière les campagnes orchestrées contre M. Chahed, qui cherchent à faire tomber son gouvernement et à faire baisser sa popularité, ainsi que celle d’Ennahdha.

Je ne crois pas aussi que l’affaire soit en liaison avec une éventuelle loi américaine, projetée par le président Donald Trump, qui classerait les Frères musulmans comme une organisation terroriste.

Je penche plutôt pour la seule explication plausible : ces campagnes sont payées par une partie (tunisienne ou étrangère) qui cherche à écarter l’islam politique du pouvoir en Tunisie. De toute façon, nombreux sont ceux qui cherchent à réaliser cet objectif et l’affaire a une dimension géopolitique.

Les attaques contre Youssef Chahed visent à ternir son image, à faire le vide et à préparer le terrain à un autre candidat à la prochaine présidentielle. Mais quel est ce candidat ? Il se pourrait que ce soit lui (ou ses éventuels sponsors) qui ont payé l’entreprise israélienne.

Là aussi, les «clients» éventuels se bousculent au portillon, car M. Chahed n’a pas que des amis qui lui veulent du bien, surtout en Tunisie, où il a déjà le droit aux campagnes de dénigrement systématiques orchestrées par des chaînes de télévisions privées. N’est-ce pas Nessma ? N’est-ce pas Tounesna ?

* Officier retraité de la marine nationale tunisienne.

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