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Enquête : Perception de la justice transitionnelle par les Tunisiens en 2019

Une enquête a été menée en août 2019 par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), dans le cadre du projet La Roujou3 (ou non-retour), sur la perception de la justice transitionnelle par les Tunisiens.

Le but de cette enquête est d’avoir une connaissance précise de la réalité et des aspirations du peuple tunisien de 2011 à 2019, afin de cerner les grands axes du projet La Roujou3 du FTDES.

L’enquête a été réalisée à la fin d’août 2019 auprès des populations dans tous les gouvernorats du pays, simultanément, pour un maximum de précision.

Les questions ont été posées à plus de 1.000 échantillons de la population représentatifs de différentes tranches d’âge, niveau d’éducation, revenus individuels et genres. Elles ont porté sur 5 thèmes, à savoir les droits de l’homme, la confiance dans les institutions, la lutte contre la corruption, la justice transitionnelle et les médias.

Les droits de l’homme

Mis à part la liberté d’expression qui s’est améliorée depuis la révolution, tous les autres droits sont perçus à la baisse, en 1er lieu la situation économique, suivie des services de l’administration, puis l’équité sociale, la situation sécuritaire, les droits de l’homme en général, et en dernier lieu la justice.

La confiance dans les institutions

L’armée nationale (avec 85,3% de taux de satisfaction) est la mieux classée, suivie des magistrats (61,6%) puis des avocats (57,7%).

Ceux qui inspirent le moins confiance sont les partis politiques, les députés et les membres du gouvernement.

Parmi les secteurs nécessitant une restructuration urgente, l’emploi (49,5%), la santé (49%) et le développement régional (44,2%).

Quant à la perception des réformes déjà entamées, 48,8% des Tunisiens pensent qu’elles ont eu une faible influence sur l’amélioration de la situation générale dans le pays, alors que 13,9% pensent le contraire et trouvent qu’elles ont eu un effet positif.

La perception de la corruption

La perception est perçue en très forte augmentation depuis la révolution de 2011 : 82,9% des répondants pensent qu’elle a augmenté de 49,6% par rapport à la période d’avant 2011.

L’administration en général (60,2%) est le secteur le plus corrompu, suivi de la politique/des politiciens (45,6%), puis de la santé (35%).

La vision de l’avenir des répondants est plutôt pessimiste sur ce thème particulier de la corruption : 32,2% pensent qu’elle augmentera durant les 12 prochains mois (donc de septembre 2019 à septembre 2020), 30,1% qu’elle ne changera pas, et seulement 21,2% pensent qu’elle régressera.

La justice transitionnelle en question

Concernant le principal objet de cette enquête, les moyens les plus efficaces qui pourraient garantir que les dépassements du passé ne se répètent pas sont des lois plus sévères contre la torture et la corruption (41,7%), et une indépendance totale de la justice (30,9%).

En termes de «notoriété spontanée» de la justice transitionnelle, 64,54% des Tunisiens la connaissent de nom, 74,56% connaissent l’Instance Vérité Dignité (IVD) ne serait-ce que de nom, et 74,2% des Tunisiens connaissent de nom Sihem Bensedrine, son ex-présidente. Même si un nombre important de Tunisiens déclare connaître la justice transitionnelle, et/ou l’IVD, et/ou Mme Bensedrine, 72,9% ont une connaissance faible ou moyenne, ce qui est très limité. Pour ceux qui déclarent connaître la justice transitionnelle, les champs d’évocation en «notoriété spontanée» sont le dédommagement (57,5%), Sihem Bensedrine (52,8%), IVD (38,2%), et pardonner (31,8%).

En termes de «notoriété assistée» de cette justice, 69,5% des Tunisiens semblent avoir une perception positive et seulement 11,8% la perçoivent négativement.

A propos de la question sur l’Etat qui doit obligatoirement utiliser le rapport de l’IVD concernant l’avenir de la Justice transitionnelle, 70,1% pensent que la réconciliation nationale doit se faire à travers l’achèvement de tous les pré-requis de cette justice, plutôt que par une simple décision politique, et 38,03% disent connaitre quelqu’un qui a subi des injustices dans le passé.

Quant à l’évolution des droits de l’homme en Tunisie, la perception de l’avenir est assez pessimiste : 23,2% pensent qu’ils reculeront dans les 5 prochaines années, 32,5% qu’ils resteront inchangés et 27,5% pensent qu’il s’amélioreront.

Les élections de 2019 et les médias

L’enquête a révélé que 71% des Tunisiens enquêtés déclarent être inscrits aux élections… et 84% d’entre eux, soit 59,6% de la population globale, comptent voter.

Parmi les principaux critères recherchés par les Tunisiens chez un homme politique, l’intégrité, l’honnêteté et le respect (57,7%), la fermeté et la rigueur (32,2%) et un bon programme d’action (28,8%). Ils sont 66,5% à penser que les objectifs de la justice transitionnelle doivent apparaître dans les programmes des prochains gouvernants à la suite des élections de 2019. Quant aux principaux médias suivis pour les informations politiques et économiques, les chaînes TV tunisiennes viennent au 1er plan (70,4%), suivies des réseaux sociaux (49,2%), puis des chaînes TV étrangères (35,8%).

Notons que le projet La Roujou3 est un projet triennal, où Al Bawsala, le FTDES et Avocats Sans Frontières ( ASF) se sont associés pour contribuer à la poursuite des efforts de la justice transitionnelle en Tunisie, l’objet étant de garantir la non répétition des crimes économiques et des violations des droits humains en Tunisie.

A. M.  

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