Tunisie : l’impossible retour au pouvoir d’Ennahdha

Ennahdha, qui a gouverné depuis 2011 sans interruption, au sein de coalitions qu’il a toujours dominées, cherche aujourd’hui à faire oublier sa responsabilité dans la crise socio-économique actuelle en Tunisie et le pourrissement de la situation générale dans le pays, et les reproches qu’il ne cesse de faire au pouvoir actuel sont exactement ceux-là même qui lui étaient faits avant son éjection du pouvoir le 25 juillet 2021. Le caméléon islamiste n’a pas fini de changer de déguisement.

Par Imed Bahri

Dans un communiqué publié dans la soirée du vendredi 6 mai 2022, le mouvement Ennahdha a réaffirmé son rejet de l’approche du dialogue national que propose le président de la république Kaïs Saïed, la qualifiant de «trompeuse, sélective et exclusive».

Le mouvement islamiste tunisien, écarté du pouvoir par les mesures d’exception annoncées par le président Saïed, le 25 juillet dernier, le soir même des manifestations populaires ayant pris pour cible ses locaux, prévient que le dialogue annoncé «va approfondir la crise politique» dans un contexte économique et financier «proche de l’effondrement» et de tensions sociales «croissantes et dangereuses».

Des opposants en trompe l’œil

Ennahdha met en garde, par ailleurs, contre «le projet de démantèlement des institutions de l’Etat, pour ouvrir la voie à une approche de démocratie ascendante», selon le communiqué publié au lendemain de la réunion de son bureau exécutif, faisant ainsi allusion au projet de «binaa qaidi» ou démocratie participative préconisé par le chef de l’Etat.

Ennahdha met également en garde contre «le danger de compromettre la souveraineté nationale et les intérêts stratégiques du pays» et de «s’écarter des traditions et des politiques claires de la Tunisie dans ses relations internationales».

Le parti islamiste reproche également au président Kaïs Saïed «l’échec du gouvernement à élaborer un plan de réformes structurelles» et le considère comme «en perte de légitimité», évoquant une «incapacité à apporter les garanties nécessaires au succès des négociations avec le social». partenaires et le Fonds monétaire international.

Bref, Ennahdha, qui a gouverné depuis 2011 sans interruption, au sein de coalitions qu’il a toujours dominées, cherche aujourd’hui à faire oublier sa responsabilité dans la crise socio-économique actuelle en Tunisie et le pourrissement de la situation générale dans le pays, et les reproches qu’il fait au pouvoir actuel sont exactement ceux-là même qui lui étaient faits avant son éjection du pouvoir le 25 juillet dernier.

L’hostilité des Tunisiens à Ennahdha et à ses dirigeants, notamment son président Rached Ghannouchi, l’un des hommes politiques les plus détestés dans le pays, selon tous les sondages d’opinions, atteint aujourd’hui des sommets jamais atteints.

Le caméléon islamiste cherche un nouveau déguisement

Aussi la perspective d’un hypothétique retour aux affaires de ceux qui sont accusés par les Tunisiens d’avoir infiltré l’Etat, détruit les institutions républicaines et causé la descente en enfer de l’économie est-elle complètement irréelle et impensable, même si Ennahdha cherche à se fondre dans un fantomatique Front de salut national récemment créé par leur marionnette du moment, Ahmed Nejib Chebbi, président de la commission politique du parti Al-Amal, un has been, assoiffé de pouvoir.

Frustré d’avoir raté tous les précédents rendez-vous électoraux (au premier tour de la présidentielle de 2014, il avait remporté un bien maigre 1,04%), cet ancien opposant à Bourguiba et Ben Ali croit pouvoir arriver au palais de Carthage grâce au soutien des islamistes. Il feint d’oublier que ces derniers sont aujourd’hui complètement décrédibilisés et marginalisé et qu’une bonne partie de leurs électeurs voire de leurs militants sont en train de lorgner Kaïs Saïed, un président conservateur dont les idées croisent en plusieurs points ceux de l’islam politique. Et, en tout cas, beaucoup plus populaire que tous les dirigeants islamistes actuels réunis.

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