Tunisie : Pourquoi je bouderai le référendum du 25-Juillet

L’histoire et les prochaines générations jugeront sévèrement tous ceux qui par commission ou omission ont hypothéqué la croissance, la stabilité et la souveraineté de la Tunisie et n’ont offert aux jeunes générations que la triste perspective du sous-emploi précaire, du chômage ou de l’exil.

Par Elyes Kasri *

Réflexion faite et sans préjugés ni parti-pris, je ne participerai pas au référendum du 25 juillet 2022. N’ayant voté ni pour Kaïs Saïed ni pour Nabil Karoui en 2019 et ayant espéré un sursaut national le 25 juillet 2021 afin de remettre le processus démocratique sur les rails et procéder à une relance réelle de l’économie nationale avec un projet d’avenir fondé sur un dialogue ouvert, participatif et inclusif sur les véritables enjeux et options disponibles, je n’ai malheureusement vu et entendu que des pratiques et des propos manquant de perspicacité et de réalisme socio-économiques et diplomatiques.

La personnalisation du pouvoir

Les non-dits de la nouvelle constitution soumise au référendum du 25 juillet courant, de même que la personnalité atypique du président Kaïs Saïed avec une conception particulière du dialogue et une vision encore entourée de mystère de l’avenir de la Tunisie, ne me donnent pas suffisamment de gages pour participer à un référendum dont les résultats pourraient être instrumentalisés avec autant de libéralisme et d’opacité que la consultation électronique qui était censée l’avoir préparé.

La tendance à la personnalisation du pouvoir depuis le 25 juillet 2021, les circonstances de la rédaction de la nouvelle constitution et le projet sous-jacent pour l’avenir du pays, ne me paraissent pas préparer une véritable sortie de crise pour la Tunisie.

L’absence d’un consensus suffisamment large et durable rendra encore plus mouvementée et risquée la période des réformes et des sacrifices à venir qui auraient dû être engagés depuis le début de ce siècle et dont le report accentuera la peine et le fardeau pour presque tous les segments de la population et surtout pour les jeunes auxquels nous allons léguer un pays au bord de la faillite et une société en lambeaux avec pour unique dénominateur commun le refus si ce n’est la haine de l’autre.

Sous-emploi précaire, chômage ou et exil

L’histoire et les prochaines générations jugeront sévèrement tous ceux qui par commission ou omission ont hypothéqué la croissance, la stabilité et la souveraineté du pays et n’ont offert aux jeunes générations que la triste perspective du sous-emploi précaire, du chômage ou de l’exil.

A ceux qui seraient tentés de voir dans ma position une quelconque nostalgie de la démocratie tronquée et de la classe politique folklorique d’avant le 25 juillet 2021, je répondrais que la sortie de crise de la Tunisie et la relance de son économie nécessitent de la part de l’Etat d’être le premier à consentir des sacrifices et à veiller scrupuleusement à la répartition équitable du fardeau de la relance dans le cadre d’une vision d’avenir consensuelle et inclusive car il s’agit de l’avenir de tout un pays dans un monde en pleine effervescence et non pas celui d’un groupe social ou de quelques idéologues en quête d’expérimentation.

* Ancien ambassadeur.

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