Tunisie : Kais Saied et la fable complotiste des satellites brouillés

La théorie du complot universel contre la souveraineté nationale de la Tunisie fait partie de la panoplie d’instruments dangereux car inflammables qu’utilise le président Kais Saied dans sa stratégie populiste d’accaparement des pouvoirs. Mais cette fable ne trompe pas grand-monde, ni à l’intérieur ni à l’extérieur de la Tunisie. Elle prouve, plutôt, les bégaiements d’un régime débordés par ses propres mensonges et qui refuse d’assumer ses échecs.

Par Imed Bahri

En agitant sans cesse le spectre des complots et des menaces contre la Tunisie, d’autant plus inexistants qu’ils sont vagues et jamais prouvés, M. Saied cherche à justifier son maigre bilan sur tous les plans par de supposées menées hostiles et à noyer ses ambitions dictatoriales dans un océan de fumées complotistes.

C’est ainsi qu’en rencontrant, hier, vendredi 22 juillet 2022, au Palais de Carthage le ministre des Technologies de la communication Nizar Ben Néji et le PDG de l’Office national de télédiffusion Dhaker Baccouche, M. Saied a parlé de vagues «brouillages de la transmission directe par satellite des activités tenues dans le cadre de la campagne référendaire», comme indiqué dans un communiqué de la présidence de la république.

Allégations non étayées par des preuves

Le chef de l’État a cru devoir aussi condamner ces actes de sabotage, dont ni lui ni les ministres concernés n’ont apporté la moindre preuve, en menaçant de poursuites judiciaires toute personne impliquée dans lesdits brouillages de la transmission directe par satellite d’activités politiques que personne, sur terre, n’a vraiment observées.

Si ces allégations non étayées par des preuves tangibles visent à justifier le désintérêt général des Tunisiens pour le référendum du 25 juillet sur la nouvelle constitution que M. Saied propose à l’approbation des Tunisiens et dont il est seul, dans le pays, à saisir l’opportunité et à percevoir l’urgence, eh bien, c’est complètement raté. Car, les Tunisien(ne)s, sur le terrain, y compris nous autres journalistes, ont constaté et rapporté le désintérêt général pour le référendum et ce ne sont pas quelques activités timides et poussives, souvent d’ailleurs anecdotiques, organisées par les partisans de M. Saied, ici ou là, dans quelques quartiers périphériques, par une administration aux ordres, qui vont faire illusion.

En vérité, la campagne référendaire n’intéresse pas grand-monde et, à l’exception des voix de l’opposition qui se font entendre assez tapageusement, lors des manifestations publiques, peu de Tunisiens y prêtent vraiment l’attention espérée par le président de la république. De sorte qu’il n’y a vraiment pas besoin de brouillage des transmissions satellitaires pour cacher aux Tunisien(ne)s ce que peu d’entre eux ont vu réellement dans leur quotidien.

Par ailleurs, les allégations complotistes du président de la république sont devenues si nombreuses et si fréquentes, sans que la moindre preuve n’en soit apportée ou que leurs présumés auteurs ne soient poursuivis et sanctionnés, que plus personne en Tunisie n’y croient, sauf ceux qui se sont tellement engagés aux côtés du chef de l’Etat qu’ils ne peuvent plus faire marche-arrière sans en paraître ridicules.

Histoires à dormir debout

Cela dit, prenons le président de la république au mot et exigeons l’ouverture immédiate d’une enquête sur lesdits brouillages des satellites pour en identifier les instigateurs et les démasquer au regard de l’opinion nationale et internationale.

Par ailleurs, le ministre des Technologies de la communication et le PDG de l’Office national de l’audiovisuel, ne devraient-ils pas, ne fut-ce que justifier leurs salaires, organiser une conférence de presse pour donner plus de précisions sur ces supposés actes de brouillage satellitaire dont la Tunisie aurait été victime, selon les «révélations» faites par le président de la république en personne ?

Jusqu’à quand va-t-on continuer à prendre les Tunisiens pour des idiots et à leur servir des histoires à dormir debout que même des enfants auraient du mal à admettre ?

De toutes les façons, les citoyens, tout comme les observateurs, tunisiens et étrangers, verront, après-demain, lundi 25 juillet, de leurs propres yeux, le niveau de fréquentation des bureaux de vote et le taux de participation des électeurs, et ils les compareront avec ceux des précédentes consultations électorales? Et cela se passerait de tout commentaire…

Sans ironie aucune, va-t-on faire appel aux mêmes brouilleurs de transmissions satellitaires pour cacher à l’opinion publique, intérieure et extérieure, la faible participation au référendum ?

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