‘‘Un œil indiscret’’ : thriller érotique brésilien américanisé   

‘‘Un œil indiscret’’ est une minisérie brésilienne de dix épisodes qui, selon les médias, serait en train de cartonner sur Netflix. Erotisme brésilien à la manière américaine, avec des personnages de rêve, ressemblant à des mannequins et vivant dans l’opulence.  

Par Mohamed Sadok Lejri *

L’intrigue tourne autour de Miranda, une jeune femme qui mène une vie monotone et ennuyeuse dans son appartement, mais qui est très douée dans le piratage informatique. Elle passe le clair de son temps à espionner sa voisine d’en face, Cléo, une prostituée de luxe, en observant en catimini ses ébats sexuels, jusqu’au jour où elle se retrouve embarquée dans une machination diabolique.

C’est une série qui réussit à tenir le public en haleine, mais dont le scénario est invraisemblable. En effet, les liens familiaux entre les personnages sont entremêlés de façon bizarre, il y a trop de coïncidences et les engrenages semblent être sans fin. Qui plus est, le montage et le traitement des événements sont calqués sur le système narratif des thrillers américains, l’ensemble de la série est régi par des codes visuels, gestuels et sonores très américains.

Spectacle et divertissement

D’ailleurs, la bande-son d’‘‘Un œil indiscret’’ est digne d’un téléfilm de M6. Les bonnes chansons brésiliennes déclamées en portugais ne figurent presque pas sur la bande sonore de cette minisérie. Tout ceci nous donne une désagréable impression de déjà-vu. L’essentiel est de surprendre le public et de lui en mettre plein la vue. A ce niveau-là, cette fiction tient ses promesses car, pour ce qui est du spectacle et du divertissement, on en a pour son argent.

En fait, cette série est un mélange de fictions américaines et de telenovas brésiliennes signées TV Globo.

Les personnages qui sont censés être des «gens normaux» ressemblent à des mannequins. Ils vivent dans l’opulence et ont des corps de rêve. Ils sont obnubilés par leurs problèmes personnels et leurs déboires sentimentaux; on ne les voit jamais travailler alors qu’ils mènent un train de vie fastueux et ont des corps d’athlètes qui passent huit heures par jour à la salle de sport (corps écorchés, tablettes de chocolat, etc.).

Mais le plus impressionnant dans ‘‘Un œil indiscret’’, c’est l’imaginaire érotique façonné de bout en bout par les films érotiques américains, tels que ‘‘Silver’’, ‘‘L’Orchidée sauvage’’, ‘‘Feu de glace’’, ‘‘Cinquante nuances de Grey’’, ‘‘365 Dni’’ (un navet polonais encore plus américain que les films américains)… Bref, des films torrides américains qui s’inscrivent dans la lignée de ‘‘Neuf semaines et demie’’, le petit chef-d’œuvre d’Adrian Lyne qui marque un tournant dans le cinéma érotique et qui est un peu à l’origine de ce genre.

En effet, ‘‘Neuf semaines et demie’’, ce film qui date de 1986, avait déjà balisé la voie aux films sensuels qui lui succéderont. Néanmoins, il reste inégalable car tout y est dans ce film : le voyeurisme, la fascination des femmes pour le mâle riche et dominateur, les fantasmes et les jeux érotiques qui s’accompagnent parfois de légères humiliations et d’une soumission desquelles la femme tire un certain plaisir, le striptease, l’utilisation des glaçons pour jouer sur les différences de température, l’étalage de miel sur les différentes parties du corps de sa partenaire pour intensifier les plaisirs sensoriels, notamment le plaisir gustatif…

A quand un film érotique arabe ?

Malgré tous les griefs que nous avons formulés, ‘‘Un œil indiscret’’ se laisse regarder, même si en matière de «brasilianité», on reste sur sa faim, tellement cette série est américanisée. En plus, et c’est toute la force de cette série, elle a le mérite de provoquer quelques érections et de faire durcir les tétons; les scènes de baise sont bien faites.

En revanche, une question lancinante m’a hanté tout au long du visionnage de cette minisérie : toutes les civilisations de ce monde, même les plus conservatrices comme celles du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine, produisent leurs films et séries érotiques, sauf nous les dits «Ôrbanes» (Arabes)… A quand nos fictions érotiques ? Bien entendu, c’est une interrogation rhétorique.

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