En lice pour le Prix Comar : Naïma Amine et la douceur du temps qui passe  

Dans son second roman ‘‘Les jacarandas de La Fayette’’ (éd. Arabesques, Tunis, décembre 2023, 166 pages), Naïma Amine, de son vrai nom Amina Arfaoui, nous offre un récit d’apprentissage empreint de nostalgie.

Par Imed Bahri

Les principaux personnages du roman sont deux adolescents, Farès et Hamid, que lient, outre les liens du voisinage, une même passion pour la lecture à travers laquelle ils tentent de découvrir le monde. Et de se découvrir eux-mêmes, à travers leurs émotions, leurs désirs et leurs peurs.

L’auteure nous fait remonter la machine du temps pour nous projeter dans les années 1960 et 1970, au quartier La Fayette, au centre-ville de Tunis, où les deux garçons vivent avec leurs parents, et, c’est à travers leur vécu quotidien vie et celui de ce quartier cosmopolite, où coexistent plusieurs communautés, juifs, musulmans et chrétiens, arabes, italiens et maltais, que les deux garçons nous promènent. Leurs déambulations, leurs découvertes et leurs rencontres sont aussi les nôtres. Et l’auteure, un chouia nostalgique, de meubler son récit par les couleurs, les parfums, les saveurs, les sons, mais aussi les bruits et les fureurs d’une époque riche et passionnante que les Tunisois ont vécue au lendemain de l’indépendance de leur pays.

A travers ses deux personnages, et la multitude de gens qu’ils croisent, l’auteure donne libre cours à ses propres souvenirs, telle Camille, la juive émigrée en France, qui revient au quartier La Fayette où elle a passé une partie de son enfance et de sa jeunesse et qui ne cesse de dire «Ya hasra», expression tunisienne pour dire la nostalgie du temps passé. Mais si la mémoire embellit et sublime l’enfance et la jeunesse, la nostalgie peut aussi véhiculer une certaine souffrance et être accompagnée d’un pincement au cœur parce que «ce qui est passé l’est irrémédiablement, et simultanément que le temps passe inexorablement», écrit  Naïma Amine, comme pour faire partager le sentiment de perte souvent lié au temps qui passe. Elle ajoute, plus loin, comme pour adoucir ce sentiment de perte inexorable : «Cependant, parler de cette époque révolue fait du bien dans la mesure où la parole libère, elle permet à l’émotion cachée dans le cœur de s’extérioriser et aide de cette manière à faire le lien avec le temps présent et à l’accepter, elle aide donc à mieux vivre».

C’est ainsi que l’écriture romanesque devient, non pas un exutoire, pour libérer un trop plein d’émotions, mais une catharsis qui permet à l’auteure de se libérer de la douleur de la perte et de garder la vie passée vivante dans le souvenir des mots dits, entendus et partagés.

Amina Arfaoui a suivi des études d’Allemand en France, à La Sorbonne d’abord, puis à Paris VIII, où elle a soutenu une thèse de troisième cycle en études germaniques sur Bertolt Brecht, et a obtenu ensuite à l’Université Lumière, Lyon 2, un doctorat d’Etat ès-lettres et sciences humaines sur Goethe. Elle a enseigné la littérature allemande à la Faculté des lettres, des arts et des humanités de l’Université de la Manouba (Tunis), avant de terminer sa carrière universitaire en tant que professeur de l’enseignement supérieur. Ecrivaine, elle a publié en 2015 sous son nom de plume Naïma Amine un recueil de nouvelles intitulé La planète bleue (Tunis, Perspectives Éditions) et en 2016 un roman, Ma Jeunesse a vécu (Tunis, Script Éditions) 

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