Présidentielles tunisiennes : fritures sur la ligne

Les prochaines présidentielles en Tunisie ne semblent pas susciter, en tout cas pour le moment, un grand engouement, sinon parmi le grand public, du moins au sein de la classe politique qui continue de dénoncer les difficultés empêchant tel candidat ou telle candidate à aller au bout de leurs intentions.

Imed Bahri

Onze candidats à la candidature à la présidentielle tunisienne* ont demandé aux institutions sécuritaires et militaires de veiller à ce que les résultats des urnes ne soient pas manipulés lors des élections présidentielles prévues le 6 octobre prochain.

Dans une déclaration commune, publiée mercredi 31 juillet, alors que le délai pour la présentation des dossiers de candidatures avait démarré deux jours plus tôt, ces candidats ont dénoncé ce qu’ils ont qualifié de harcèlement arbitraire et d’intimidation sécuritaire exercés contre de nombreux militants impliqués dans les campagnes de collecte des parrainages populaires, soulignant que certains de ces militants ont été arrêtés et leurs maisons fouillées.

Les candidats ont accusé le ministre de l’Intérieur et le secrétaire d’État à la Sécurité d’avoir enfreint à l’obligation de neutralité de l’Etat, et ont exigé qu’ils libèrent les détenus et restituent les listes de parrainages qui leur auraient été confisquées. Ils ont également tenu la Commission électorale pour responsable de la complication des procédures et des conditions électorales, en violation des textes applicables et de la loi électorale, selon leurs termes.

Les candidats ont, par ailleurs, appelé les médias tunisiens à jouer leur rôle d’information sur les programmes électoraux et d’analyse de leurs contenus et à organiser les débats entre les candidats dans un climat d’objectivité, d’équité et d’égalité des chances, exhortant les médias d’État à s’ouvrir et à offrir un climat de liberté, d’indépendance et d’équité entre les candidats.

Le Tribunal administratif, ont-ils ajouté, doit «jouer son rôle historique face à l’absence délibérée de la Cour constitutionnelle, afin d’éviter toute interprétation unilatérale de la Loi fondamentale et des lois en vigueur de manière à se conformer aux souhaits de certains d’exclure les candidats les plus sérieux au profit d’un candidat précis.»

On peut comprendre les récriminations de ces candidats à la candidature face aux difficultés qu’ils ont rencontrés pour constituer leur dossier de candidature, mais on ne pense pas que le rôle de l’armée soit de veiller à la neutralité d’un scrutin quel qu’il soit. Aussi se trompent-ils énormément en voulant impliquer l’armée dans une opération politique, dont le déroulement est habituellement contrôlé par les organisations de la société civile, en plus bien sûr de la commission électorale, même si celle-ci ne semble pas inspirer confiance aux dits candidats, étant donné que tous ses membres ont été désignés par le président sortant, qui est candidat à sa propre succession.

Depuis le 29 juillet dernier, date de démarrage du dépôt des candidatures, seuls quatre candidats (Fathi Krimi, le 29 juillet, Leila Hammami, le 31 juillet, Yosri Slimane le 2 août, et Abir Moussi, le 3 août), ont pu présenter leurs dossiers de candidature, directement ou par des représentants légaux comme dans le cas de Moussi, en prison, et ce sur plus d’une centaine de candidats potentiels ayant retiré les formulaires officiels de collecte des parrainages auprès de la commission électorale (voir la liste complète sur le site de l’Isie), et rien ne permet de penser que ces dossiers sont complets et/ou recevables, alors que la date limite fixée pour la présentation des candidatures est fixée au mardi 6 août à 18 heures.

On peut espérer voir quelques candidats sérieux s’annoncer au cours des deux prochains jours, dont Kaïs Saïed lui-même, qui ne l’a pas encore fait, mais on peut d’ores et déjà constater que ces présidentielles ne semblent pas susciter, en tout cas pour le moment, un grand engouement, sinon parmi le grand public, du moins au sein de la classe politique qui continue de dénoncer les difficultés empêchant tel candidat ou telle candidate à aller au bout de leurs intentions.

Espérons que les choses évolueront dans la bonne direction au cours des prochains jours… Car le succès d’un scrutin tient beaucoup de sa bonne tenue générale, du début jusqu’à la fin.

* Les candidats en question sont Safi Saïd, Dhaker Lahidheb, Abdellatif Mekki, Imed Daimi, Ghazi Chaouachi, Kamel Akrout, Lotfi Mraïhi, Mourad Messaoudi, Nizar Chaâri et Neji Jalloul. Deux de ces candidats sont en prison (Ghazi Chaouachi et Lotfi Mraïhi) et d’autres sont poursuivis en justice.

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