Avis de tempête : l’ouragan Trump souffle sur Kiev et un homme risque d’être emporté par cet ouragan qui emporte tout sur son chemin, il s’appelle Volodymyr Zelensky et n’est autre que le président ukrainien. Celui qui était jusqu’à il y a quelques mois la coqueluche de l’Occident est devenu plus fragile que jamais avec un Donald Trump qui ne cache plus son aversion pour lui. Il l’accuse d’avoir saigné à blanc les États-Unis pour financer «sa» guerre contre la Russie – l’Occident, Etats-Unis compris, n’y était bien sûr pour rien ! –, feignant d’oublier que la guerre en Ukraine a permis au complexe militaro-industriel américain de tourner à plein régime. (Photo : Entretien entre Zelensky et Trump en marge de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le 25 septembre 2019 à New York).
Imed Bahri
Donald Trump Junior avait ironiquement écrit sur les réseaux sociaux au lendemain de la victoire de son père à l’intention de Zelensky: «Tu vas perdre ton argent de poche». Aujourd’hui, les Américains et les Russes négocient l’avenir de l’Ukraine sans que le pays concerné n’ait de voix au chapitre et M. Trump semble prendre fait et cause pour Moscou, il faut dire que son tropisme russe ne date pas d’hier et que les Russes l’ont sauvé de la faillite dans les années 1990, comme l’a expliqué dans les détails le journaliste Régis Genté qui a enquêté sur les liens très étroits entre Trump et la Russie dans son livre ‘‘Notre homme à Washington’’.
L’équipe du président américain veut changer le régime à Kiev ou du moins se débarrasser du président ukrainien qualifié, mercredi 19 février 2025, de «dictateur», estime le magazine britannique The Economist.
L’Ukraine subit l’impensable depuis trois années: une guerre aérienne et terrestre, un assaut sur la capitale, une guerre d’usure sanglante, des missiles, des drones et des bombes planantes et des exécutions sommaires. Cependant, un nouveau front s’est ouvert, de manière inattendue, du côté de l’Occident, c’est le rapprochement audacieux de Trump avec la Russie qui a surpris le président ukrainien qui a commencé à montrer sa colère, écrit le journal.
Le président ukrainien n’a pas caché son désarroi des pourparlers qui se tiennent cette semaine à Ryad entre les États-Unis et la Russie. «Nous n’avons pas été invités et cela a été une surprise pour nous, et je pense pour beaucoup de gens aussi», a-t-il déclaré. Trump a réagi à sa manière le qualifiant de dictateur.
«Nous nous y attendions», dit un proche de Zelensky
The Economist estime que la décision de Trump d’engager un dialogue avec Poutine et sa volonté de réhabiliter le Kremlin ont choqué la classe politique de Kiev mais n’ont pas constitué pour autant une surprise. «Nous étions de mauvaise humeur le jour où nous avons appris la nouvelle mais nous nous y attendions», a déclaré un éminent parlementaire du parti de Zelensky.
Ce n’était un secret pour personne que les représentants ukrainiens trouvaient les portes fermées à Washington: «Nous avons compris le niveau atteint par la vision russe en Amérique».
Un député de l’opposition décrit un sentiment de pessimisme au Parlement alors que les députés se préparent à la possibilité d’être contraints d’accepter un accord de cessez-le-feu humiliant. Même si l’Ukraine sort de la guerre, le pays devra encore lutter pour sa survie. Les citoyens, les hommes politiques et les soldats sont épuisés, des centaines de milliers de personnes ont été tuées ou blessées et des millions de personnes ont fui. Près d’un tiers des 4,3 millions d’Ukrainiens qui ont fui vers l’Europe ont moins de 18 ans. Beaucoup d’entre eux ne reviendront jamais.
Une pax americana qui détruit
Un accord qui n’assurerait pas une sécurité à long terme pousserait davantage de parents à envoyer leurs enfants à l’étranger ce qui aggraverait le problème démographique déjà préoccupant de l’Ukraine.
«La paix est nécessaire, nous avons besoin de la paix sauf que la question n’est pas d’avoir une paix qui nous détruirait en même temps», affirme un haut responsable ukrainien.
Les familles avec des enfants adolescents sont confrontées à des choix particulièrement difficiles: les envoyer en Europe lorsque la loi le permet ou les garder et tout risquer.
Les Ukrainiens craignent le pire scénario. L’ancien soldat Serhiy Vasilyuk est confronté à ce dilemme. Au début, lui et sa femme ont accepté de laisser partir leur fils de 17 ans, Andrey mais ce dernier a insisté sur le fait que son avenir n’était nulle part ailleurs et qu’il rejoindrait l’armée dès que possible. La mère est toujours fermement opposée à ce que son fils reste et le père regarde la situation avec les yeux ouverts et dit: «S’il n’y avait pas d’enfants comme lui, il n’y aurait plus personne». Malgré tout le bruit et l’agitation provoqués par le président américain, rien ne ressemble à un accord. C’est plutôt une capitulation humiliante qui semble se dessiner.
Certains membres de l’élite ukrainienne craignent que le langage utilisé par l’équipe Trump ne soit un piège russe qui consiste à appeler à un cessez-le-feu sans garanties de sécurité et organiser des élections immédiates qui briseraient l’unité ukrainienne.
Un ancien diplomate a déclaré: «Trump semble vouloir se débarrasser de Zelensky qu’il n’a jamais aimé et qu’il considère comme difficile. Il ne s’agit pas d’élections, il s’agit de se débarrasser de Zelensky».
Cependant, la rapidité avec laquelle Trump agit ne devrait pas conduire à une paix rapide, tout comme elle pourrait conduire à une offre inacceptable faite à l’Ukraine. Il appartient alors à Zelensky de prolonger le processus, de combler le fossé et de négocier.
Contrairement à Trump, le président ukrainien n’a pas révélé ses lignes rouges, même s’il a déclaré la semaine dernière qu’être prêt à s’asseoir avec un «tueur» (en référence à Poutine) était en soi une concession. Toutefois, Zelensky a déjà indiqué qu’il n’accepterait pas de cessez-le-feu sans garanties de sécurité et qu’il ne soutiendrait aucun accord conclu dans son dos.
Un haut responsable ukrainien estime qu’il est peu probable que l’Ukraine accepte formellement de renoncer à des territoires perdus dans le cadre d’un accord même s’il reconnaît que l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan est une possibilité lointaine.
Dans ce contexte européen, le responsable ukrainien admet que le minimum que l’Ukraine peut accepter est la poursuite des relations avec les armées occidentales, l’absence de désarmement pratique, la poursuite du flux d’armes et d’argent et la présence d’une force étrangère de maintien de la paix. La taille de cette force n’est pas aussi importante que sa présence. «Une fois qu’elle sera là, nous pensons qu’il lui sera difficile de se retirer», indique le même haut responsable ukrainien.
The Economist affirme que l’Ukraine, en théorie, peut continuer à se battre au mépris de Trump et de son accord mais qu’en pratique, sa situation va se détériorer avec le temps.
La guerre fut brutale des deux côtés, mais elle fut encore plus brutale pour les Ukrainiens qui étaient moins nombreux et plus pauvres. L’armée ukrainienne a démontré ses prouesses et ses compétences au niveau des unités mais a mis en évidence des problèmes au niveau opérationnel, le plus important étant le manque de planification opérationnelle.
Scénario cauchemardesque pour l’Ukraine
En même temps, Trump dispose de nombreux atouts qu’il pourrait utiliser pour imposer une solution. Il réduira ou arrêtera probablement l’aide militaire. Il pourrait lever unilatéralement les sanctions contre la Russie. D’autres soutiens vitaux tels que le ciblage en temps réel et le système Starlink (fournisseur d’accès à Internet par satellite de la société SpaceX propriété d’Elon Musk, membre de l’administration Trump) pourraient couper l’épine dorsale des communications sur le champ de bataille en Ukraine.
Il existe de nouvelles solutions mais désactiver ces systèmes serait néfaste. Comme l’a déclaré un haut responsable américain: «Si Zelensky peut mobiliser les jeunes de 18 à 20 ans, cela pourrait valoir la peine de se battre. S’il n’est pas en mesure de le faire, il devrait accepter le meilleur accord possible».
Alors que l’Europe bloque l’accord de Trump, la pression est désormais sur Zelensky et sa volonté de se battre.
Même si la perspective est dangereuse pour le président ukrainien, elle n’est rien comparée au véritable cauchemar de voir Trump imposer à Kiev l’intégralité du plan du Kremlin en l’occurrence un cessez-le-feu sans garanties de sécurité efficaces, des élections conduisant à une paralysie politique, une présidence faible, un parlement divisé puis un arrêt de la mobilisation militaire, des migrations massives et un début de désintégration interne.
«Ce scénario est loin d’être impossible», admet un responsable qui ajoute: «N’oubliez pas qu’il y a des millions d’armes dans le pays. On peut même acheter un char de première ligne russe pour 100 000 hryvnias (environ 2 400 dollars)». Un avertissement pour dire que cela peut conduire à la constitution de groupes armés dans le pays qui voudraient faire sécession ce qui in fine conduira à la désintégration du pays. Un scénario cauchemardesque pour l’Ukraine mais qui pourrait ravir Trump lui qui n’a de l’estime ni pour Zelensky ni pour l’Ukraine et qui a dit récemment: «Un jour, l’Ukraine pourra faire partie de nouveau de la Russie». La messe est dite.
Donnez votre avis