Le guet-apens de Doha ne doit pas être lu comme un simple épisode local. C’est un signal : celui d’un monde où les négociations de paix deviennent des pièges mortels, où la diplomatie se transforme en arme de guerre, et où la civilisation elle-même se renie.
Khemaïs Gharbi *

Il y a des instants où l’Histoire révèle sa cruauté dans toute sa nudité. Le récent épisode des négociations de Doha en est un. Le président américain annonçait urbi et orbi qu’Israël avait accepté ses conditions pour un accord sur Gaza: libération des otages, trêve dans la guerre. Dans un ton martial, Donald Trump adressait même un ultimatum au Hamas : «Les Israéliens ont accepté mes conditions. Il est temps pour le Hamas d’accepter également. J’ai averti le Hamas des conséquences en cas de refus. Ceci est mon dernier avertissement, il n’y en aura pas d’autre !»
Un piège américano-israélien
Sous cette pression, les responsables palestiniens se réunissent mardi 9 septembre 2025 à Doha, au Qatar, afin d’examiner les termes de l’accord et de donner leur réponse. Ils étaient donc en train de statuer, d’exercer ce que l’on appelle dans toutes les traditions diplomatiques un devoir de délibération, lorsque l’impensable survient : l’armée israélienne bombarde les lieux mêmes de la réunion, visant à éliminer les dirigeants du Hamas.
Peut-on imaginer scénario plus cynique ? D’un côté, on proclame un accord imminent ; de l’autre, on détruit militairement ceux-là mêmes à qui l’on demande de le ratifier. Ce n’est pas une coïncidence. C’est un guet-apens méthodiquement construit, qui combine la pression publique d’un président américain et l’action létale d’une armée israélienne.
Un tel piège dépasse la simple inconvenance diplomatique : il entre dans le domaine du complot contre la paix. Car qu’est-ce que négocier, sinon accepter de parler avec son adversaire ? Et qu’est-ce que bombarder son interlocuteur, sinon nier la négociation elle-même, la réduire à une mascarade, une mise en scène destinée à tromper l’opinion mondiale ?
Cette duplicité n’est pas un accident de parcours. Elle s’inscrit dans une logique où les États-Unis se présentent en médiateurs tout en soutenant, directement ou indirectement, les opérations israéliennes. Le résultat est sans équivoque : la paix n’est pas recherchée, elle est piégée.
Ci-git le droit international
Au-delà de l’événement lui-même, c’est l’ordre international qui s’effondre. Les institutions censées protéger les peuples et réguler la guerre sont discréditées. La Cour pénale internationale, qui tente d’enquêter sur les crimes de guerre, est sanctionnée, ses juges interdits de visa par Washington. L’autre juridiction humanitaire internationale subit le même sort. Ainsi, non seulement les crimes se multiplient, mais la justice chargée de les juger est elle-même paralysée.
Ce n’est plus seulement la loi du plus fort. C’est l’institutionnalisation du mensonge diplomatique : feindre de tendre la main tout en préparant le coup de grâce. Et lorsque cette duplicité est couverte par la première puissance mondiale, elle devient une menace pour l’équilibre de la planète entière.
Le guet-apens de Doha ne doit pas être lu comme un simple épisode local. C’est un signal : celui d’un monde où les négociations de paix deviennent des pièges mortels, où la diplomatie se transforme en arme de guerre, et où la civilisation elle-même se renie.
À ce rythme, nul ne peut se bercer d’illusions : l’effondrement du droit international entraînera tôt ou tard toutes les nations dans le chaos. Car dans un monde où la paix est piégée, c’est l’humanité entière qui devient l’otage.
Donnez votre avis