L’ancien chef de gouvernement et président du parti Tahya Tounes Youssef Chahed, invité mercredi soir, 11 novembre 2020, de l’émission politique de la chaîne Attessia TV, a exprimé son refus catégorique de remettre en cause l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT). En effet, certaines parties politiques veulent supprimer cette indépendance et rendre de nouveau l’Institut d’émission dépendant du gouvernement, avec les conséquences que l’on imagine dans un pays aux prises avec une grave crise des finances publiques.
Par Imed Bahri
Voilà ce qui a l’avantage d’être clair. Sur cette question, l’ancien chef de gouvernement s’est exprimé contre toute tentative de rendre de nouveau la BCT dépendante du gouvernement. Tout le monde sait que cette indépendance est une réalité dans tous les pays qui se respectent, et ce pour mettre leurs politiques monétaires à l’abri des tiraillements de la politique politicienne et de certains choix gouvernementaux populistes ou d courte vue.
La banque centrale n’a pas vocation à servir les desseins politiques
Toutefois les partisans de la remise en cause de l’indépendance de la BCT agitent avec beaucoup de mauvaise foi un faux-débat. L’indépendance vis-à-vis de quoi? L’indépendance est vis-à-vis des gouvernements et non de l’Etat. Une banque centrale n’a pas vocation à être un levier qu’actionnent les gouvernants pour concrétiser leurs desseins politiques. Le gouvernement et la banque centrale peuvent discuter et accorder leur violon afin que la politique économique (du ressort du gouvernement) et la politique monétaire (du ressort de la banque centrale) se complètent et aient des conséquences positives sur l’économie, l’investissement et le pouvoir d’achat des ménages. Cependant la BCT n’a pas à couvrir et à concrétiser la fuite en avant du gouvernement qui, via l’explosion de la dépense publique, veut la financer par la planche à billets ce qui débouchera sur une hausse fulgurante de l’inflation.
Rendre de nouveau la BCT dépendante pour pouvoir actionner la planche à billets est un retour en arrière et un acte irresponsable. De plus, la BCT doit rester indépendante pour endiguer toute fuite en avant gouvernementale susceptible d’entraîner une forte inflation surtout dans un climat de très faible investissement, de croissance négative et d’indicateurs des finances publiques désastreux. De ce fait, la position de l’ancien chef de gouvernement était logique et justifiée.
Sur un autre plan, M. Chahed a répondu aux allégations provenant de ses adversaires habituels qui l’accusent d’avoir falsifié les chiffres. Au député Qalb Tounes et ancien président de la commission des Finances Yadh Elloumi qui a porté à son endroit de telles accusations en séance plénière lors de l’audition du gouverneur de la BCT, la semaine dernière, Youssef Chahed s’est dit étonné qu’un député dont la campagne électorale de son parti est entachée de financement étranger puisse émettre des fatwa (faire le donneur de leçons, Ndlr).
Assainir et moraliser la vie politique
En outre, l’ancien chef de gouvernement a rappelé avoir accompagné le projet de loi de finances pour l’année 2019 par un livre contenant tous les statistiques des déficits des entreprises publiques. «Si je voulais cacher les chiffres, pourquoi aurais-je alors présenté ce livre ?», s’est-il exclamé tout en expliquant qu’on ne peut pas cacher les chiffres aux députés chaque année en présentant le projet de loi de finances, ni aux FMI ni aux autres bailleurs de fonds.
Réagissant au rapport de la Cour des comptes sur le financement des campagnes électorales de 2019, Youssef Chahed a d’abord rappelé qu’il n’a pas utilisé une voiture et deux bus administratifs, comme affirmé par ledit rapport, mais que les véhicules en question ont été loués, en précisant que les factures existent et qu’elles ont été communiquées à la juridiction financière suite à la publication du rapport.
«Le rapport de la Cour des comptes devait être un point de rupture ce qui veut dire qu’à la lumière de ses révélations, un ménage doit être opéré dans la scène politique afin de l’assainir et de la moraliser», a conclu M. Chahed, en invitant la classe politique tunisienne à tirer les leçons du passé pour pouvoir avancer.
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