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Quand Moncef Marzouki fait la manche !

Moncef Marzouki quémande le secours d’un Occident, hier encore vilipendé, en vue de se ménager un impossible retour sur la scène politique tunisienne.

Par Farhat Othman *

Sur les colonnes du ‘‘Monde’’, un journal qui n’est plus celui d’antan, attentif à l’information au plus près de la justesse sinon justice, ainsi que voulu par Beuve-Méry, Moncef Marzouki, ancien président provisoire de la république tunisienne, a publié, le 23 janvier 2017, un billet qui ne fait honneur ni à la Tunisie ni à son peuple et encore moins à leur président non élu.

Certes, du fait de l’absence d’une telle légitimité populaire, la seule qui compte, M. Marzouki n’a pas vraiment représenté le peuple tunisien. Mais bien pis, il ne l’a pas su, ne représentant au mieux que ses anciens amis qui l’ont choisi, ses précédents alliés islamistes.

À l’époque, il croyait même, de la sorte se les avoir attachés en ce qu’il appelait pompeusement alliance stratégique, alors qu’il ne s’est révélé être pour nos fieffés manipulateurs islamistes qu’un faire-valoir, l’alibi qu’on rejette aussi périmée son utilité. Or, en politique politicienne, sans éthique, rien ne dure!

Aussi, le passage, voulu une éternité, à la tête de l’État de celui qui a consacré sa vie à y arriver ne fut que l’illustration de l’adage romain rappelant la proximité de la roche Tarpéienne du sommet en politique.

Il est vrai, à la tête de la Tunisie, il y a bien eu pire que Moncef Marzouki : un dictateur, mais ce fut avant le coup du peuple tunisien qui avait bien le droit d’être enfin plus dignement représenté que ne l’a fait la diva Castafiore que fut Marzouki, parlant et agissant aussi faux que chantait ce célèbre personnage d’Hergé.

Surtout, que Bourguiba laissa un héritage inégalable dans l’exercice du pouvoir avec l’honneur qui est la marque de la Tunisie profonde et de tout Tunisien vrai, cette humilité qui est même une humilitude, l’art de la dignité dans le plus simple appareil.

Le premier président tunisien à avoir ouvert le palais de Carthage aux extrémistes religieux. 

Une tribune qui fait honte aux Tunisiens

Intitulée «L’Occident doit nous aider à parachever le ‘‘printemps arabe’’», la tribune du président non élu de la Tunisie révolutionnaire dénote ce qui a bien caractérisé sa présence à Carthage en illustration nationale d’un roi fainéant : la désinformation au service d’une ambition dévorante du pouvoir. Ce qui fait le plus honte à tout Tunisien, le plus humble soit-il.

Dès l’entame, on y retrouve la hantise bien connue chez Marzouki de retrouver ce qu’il semble considérer être son dû : le gouvernement d’une Tunisie qu’il a pourtant non seulement gouvernée par l’inertie totale, mais aussi mal gouvernée.

Amnésique, ajoutant le pathétique au ridicule, il commence par ce jeu qu’il aime tant et dont raffolent les démagogues consistant à apporter de fausses réponses à de fausses questions n’ayant que l’apparence trompeuse de la vérité. Quelles sont-elles?

D’abord, cette ineptie, même pour le plus ignare en politique, portant sur «le point commun entre l’attentat du 11 septembre 2001 aux États-Unis, celui de Berlin le 19 décembre 2016, et celui de Nice le 14 juillet 2016».

En effet, ses fausses réponses sont, d’une part, «la haine des Occidentaux» et qu’ils auraient été, surtout, «commis par mes compatriotes, par des Tunisiens qui ont frappé aussi en Tunisie». Ah, la belle marzoukiade, trouvaille digne d’un Sherlock Holmes qui n’est toutefois que de pacotille!

Ainsi, on retrouve bien vite l’univers fantasmatique dans lequel s’est enfermé Moncef Marzouki et dans lequel il se meut selon ses propres attentes et issues imaginaires, taillant les réalités à la mesure de ses saugrenues ambitions politiciennes et son imaginaire vermoulu par une irrésistible propension vers le pouvoir, celui qui dénature l’humain, le bestialise même!

Le faux dont on fait vérité

Tout est faux dans ce que dit Moncef Marzouki, de ce faux qui trompe mieux en s’affublant de l’allure du vrai, juste une apparence. Il ne s’agit que de l’écume des fausses apparences dont ne saurait tenir compte le moins sérieux s’il est au fait des arcanes de la politique, et encore moins un militant rompu au combat des droits humanistes en relation étroite avec les réalités du terrain, sans parler de l’intellectuel organique.

M. Marzouki n’en a cure, n’ayant rien de tout cela, au vrai; et je peux en témoigner l’ayant connu en son antre, de près, l’illusion que fut son défunt parti, le Congrès pour la république (CPR), même si cela s’est réduit à quelques mois éphémères, ma déception ayant été immense du décalage entre la vérité et son instrumentalisation, un vrai opéra bouffe.

C’était déjà du temps où il avait le pouvoir? Que dire aujourd’hui, alors qu’il ne vit qu’avec l’envie dévorante de le retrouver, quitte à user de faussetés bien que travaillées patiemment et avec art, jusqu’à non seulement tromper mais aussi le tromper lui-même sur ce qu’il prétend être ses propres valeurs, bien fausses, et pour le moins frelatées.

La première fausseté est ce qu’il veut faire passer pour une évidence qui ne l’est ainsi que pour les personnes aux idées courtes : la supposée haine de l’Occident chez les Arabes. Il n’en est rien dans les masses silencieuses, la majorité des peuples arabes, celle qui compte au vrai, même si elles ne sont nullement écoutées par leurs élites dirigeantes.

C’est bel et bien un mythe cette haine de l’Occident dont se gargarisent les corsaires de la politique, ses démons, y compris dans un Occident en plein obscurantisme, ayant renié ses valeurs, où la démocratie n’est qu’une démoncratie (ou daimoncratie), la chose des démons de la politique politicienne.

J’en ai souvent parlé pour y revenir ici : une telle haine n’est, tout au plus, que du dépit amoureux. Elle n’existe que chez une minorité d’idéologiques et de politiciens qui en font commerce, exploitant la fibre sentimentale et/ou spirituelle chez les Arabes et les damnés de la terre.

L’autre mensonge est, bien évidemment, cette grosse désinformation sur l’implication des Tunisiens dans l’attentat du 11-Septembre; elle est tellement grosse qu’elle ne mériterait que méprise si elle ne sert la machiavélique intention de Moncef Marzouki de médire de certains Tunisiens afin de glorifier d’autres, ceux qui se reconnaîtraient en lui, une minorité de fanatisés, la même qui alimente le jihadisme terroriste contre lequel il prétend mettre en garde l’Occident.

Un billet manichéen

Au vrai, c’est l’intention du billet, son coeur de cible: dénoncer encore et encore, à ne pas s’en lasser, le régime qui a précédé l’épiphanie de ce qui serait, dans la tête de notre président démocratiquement déchu, le paraclet de Carthage.

Ainsi, s’il dit bien que les «attentats n’ont pas cessé depuis 2010», il passe allègrement sous silence ses années de présence à Carthage, surtout sa responsabilité à n’avoir rien fait, avec ses supposés alliés islamistes, à éradiquer le mal qu’il fait mine de dénoncer.

Il feint de la sorte d’ignorer ses responsabilités, osant juste se demander, feignant la naïveté du philosophe, comment un «pays d’à peine 12 millions d’habitants puisse avoir une telle surreprésentation dans le monde du terrorisme international?» Or, il fait mine d’ignorer que la plupart de ses jeunes ont été encouragés à aller sur les champs de batailles y trouver un sens à leur vie, car ils étaient traités en mineurs chez eux.

C’est que les lois de la dictature que M. Marzouki n’a absolument rien fait pour abolir, leur ôtaient tout goût à la vie de tout un chacun. Car la Tunisie est encore sou l’emprise de lois scélérates en violation flagrante de la Constitution. Elle n’a même pas osé exiger, comme on le lui avait, à maintes reprises, demandé bien en vain la libre circulation de nos jeunes sous l’outil sécurisé qu’est le visa biométrique de circulation.

Mais comment pouvait-il le faire lui qui a n’a pas arrêté durant ses années à Carthage de détricoter une à une la toile de faussetés tissée autour de la figure mythique d’un supposé militant des droits de l’homme. De fait, le pouvoir a montré qu’elle était bien plus qu’une peau de chagrin, une véritable tunique de Nessus. Je me limiterais ici à un seul exemple, mortel par excellence.

En effet, celui qui se disait opposé à la peine de mort n’a rien fait pour l’abolir, alors que cela n’a dépendu que d’une seule voix à l’Assemblée nationale constituante (ANC), la moitié de son parti ayant voté pour son maintien. Ne pouvait-il donc pas demander à son parti de voter l’abolition de ce qu’il prétendait être sa conviction profonde? N’est-ce pas la preuve de sa fausseté?

La fausseté de Moncef Marzouki

M. Marzouki aime à rappeler ses états de service formels en tant que militant; or, sa militance n’a été axée que sur sa propre personne en une boulimie du pouvoir. Aussi, une fois arrivé à la tête de l’État, il a montré qu’il ne savait rien de l’art de gouverner, tout comme il ignorait tout de son peuple et de cette société tunisienne dont il ose se demander si elle ne serait pas schizophrène. La question peut légitimement lui être retournée!

Il aurait mieux fait de se la poser sur les élites qui ont gouverné le pays et à laquelle il appartient. Dans sa fausseté, il préfère cogiter sur la contradiction, ne se souciant nullement des siennes, prétendant que ce serait juste un «phénomène profond structurant la vie sociale et politique de tous les pays arabes mais apparaissant en Tunisie sous sa forme la plus extrême.»

Si ce que dit Marzouki est vrai, une telle contradiction ne serait plutôt que sa première caractéristique ayant été le premier des Tunisiens en termes politiques. Pourquoi alors n’avoir pas donné l’exemple pour sortir de cette contradiction ou, pour le moins, indiquer comment? À moins qu’il ne se considère pas ou plus Tunisien, ce qui l’autorise aujourd’hui, d’ailleurs, à médire de la sorte de ses compatriotes, dont le seul tort aurait été de l’avoir fat sortir de ce qu’il pensait être sa demeure à demeure, le palais de Carthage!

Non, en maître de rhétorique d’un temps passé, celui de Platon et de la théâtrocratie, Marzouki dit chercher à revenir «au processus qui a fait naître cette contradiction, à savoir la faillite du système politique.» Et bien évidemment, il se concentre sur un système que le peuple a fait chuter et que lui et ses alliés islamistes se sont évertués à remettre en place. La preuve?

Le maintien à ce jour de la législation liberticide de la dictature qui remonte même, dans certains de ses aspects au Protectorat. Je citerais volontiers l’homophobie dont je lui ai conseillé, ainsi à son allié majeur, Rached Ghannouchi, d’agir pour son éradication, mais bien en vrai!

Si l’islamiste n’a rien fait, pouvant exciper, à tort de l’islam, que Marzouki ne l’a-t-il fait en démocrate qu’il prétend être?

Sur cette question et d’autres essentielles pour le vivre-ensemble démocratique, il ne peut rétorquer ne pas en avoir eu le temps, puisque l’Assemblée constituante, prévue pour un an et juste pour la rédaction de la Constitution, est restée un temps fou tout en s’octroyant des pouvoirs législatifs.

Alors, tout est faux dans les conclusions que se permet de tirer M. Marzouki de ce système qu’il a participé non seulement à maintenir, amis aussi et surtout à le renforcer pour bien en profiter.

Une faillite des élites

Aussi, quand Moncef Marzouki parle bien de faillite, bien patente il est vrai, faut-il préciser qu’elle était et est d’abord celle des élites, dont il était. Et ce fut surtout une faillite morale, une indignité éthique. Par conséquent, ne relèvent que des bêtises, qui ne sont même pas celles de Cambrai, ce qu’il nous ressort sur la supposée «mouvance démocratique dont la Tunisie est si fière aujourd’hui», qui serait issue «de la classe moyenne éduquée et ouverte au monde.»

La malice de M. Marzouki est bien évidente quand il ajoute que «ce courant de pensée» a été «rejoint par les modérés de la mouvance islamiste». C’est tout le contraire qui s’est passé, à savoir que ce sont les supposés modernistes qui ont rejoint les islamistes, nullement modérés du reste, et qui devaient arriver au pouvoir selon les vues du grand capital dans cette alliance — qui a fait enfin faillite — du capitalislamisme sauvage.

Il est donc inutile de s’attarder sur l’ineptie de dire, sous le pompeux et vaseux titre de «contre-révolution» que les «djihadistes, fraction violente de la mouvance islamiste», seraient juste «les franges les plus pauvres de la société, poussées par le désespoir et la colère» (clin d’œil à son ex-allié qui l’a largué ?).

Ces franges de la population n’étaient pas nécessairement pauvres, sauf des vraies valeurs de l’islam, et n’étaient pas poussées seulement par le désespoir et la colère de n’avoir pas les droits et les libertés auxquels ils devaient prétendre, mais aussi et surtout par des démagogues qui leur conseillaient le jihad, pourtant mineur et obsolète, les y aidant même à s’en acquitter, y offrir leur vie.

Inutile de s’attarder également sur le tableau idyllique que M. Marzouki fait du «printemps arabe», ne serait-ce que par ce qu’il n’a déjà pas manqué, par le passé, d’en dénoncer la réalité, rappelant les menées occultes qui l’ont fait, profitant d’un terreau tout prêt du fait de l’absence d’État de droit qu’il n’a rien fait pour aider à son érection en Tunisie. Faut-il juste rappeler ici que le premier prisonnier d’opinion tunisien le fut sous sa présidence et pour blasphème envers la religion!

Aussi est-il vain de dire que «partout les peuples en révolte ne réclamaient que deux choses : la démocratie politique et la justice sociale» quand on n’a rien fait durant son passage au pouvoir pour répondre à de telles exigences légitimes. Il est aussi vain de s’en prendre à l’Occident et à «l’attitude des grands Etats occidentaux» lorsqu’on n’a rien obtenu d’eux au moment où la Tunisie pouvait tout obtenir sans trop forcer son talent et ce juste au nom du magistral coup de son peuple.

Enfin, il n’est guère honnête de parler de l’avortement du «‘‘printemps arabe’’ par la guerre civile en Syrie» quand on y a participé, ne serait-ce qu’indirectement, la Tunisie ayant abrité la toute première réunion des amis des ennemis de la Syrie sous sa présidence.

Il est notamment inutile d’en appeler à l’Occident pour contrer «la mouvance djihadiste qui va pouvoir se nourrir de la haine des dictatures remises en selle et aussi pour le bénéfice de ces dictatures se nourrissant de la haine de la population du terrorisme». Car c’est moins l’Occident qui peut aider à mettre fin au terrorisme jihadiste, que les islamistes.

Je l’ai souvent dit, ils ont l’obligation d’être véridiques et d’oser dire que le jihad mineur, le jihad armé, est obsolète en islam, qu’il est illicite désormais. En islam, religion de paix par essence, il n’y a, après l’édification de son État par son prophète, que le jihad majeur, l’effort sur soi. Cela Moncef Marzouki se garde bien de le dire lui qu’on a si souvent vu mendier les voix des plus intégristes, comme lors de sa campagne électorale, et qui n’a pas manqué de choyer les salafistes durant sa présidence, leur ouvrant grandement le palais de Carthage.

En ami que j’étais et que je reste, car je ne cultive pas le plus mauvais en l’humain, je me permets de lui rapporter ce que j’entends les Tunisiens lui dire à tue-tête? Ce peuple que je fréquente et que je connais si bien, humble mais digne lui dit : vous nous faites honte Moncef Marzouki en pratiquant ainsi la manche, hier en Orient, aujourd’hui à un Occident; or l’un et l’autre ne se nourrissent que des turpitudes de nos élites, dont vous êtes une éminente figure!

* Ancien diplomate et écrivain, auteur de ‘‘L’exception Tunisie’’ (éd. Arabesques, Tunis, 2017).

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