Que les amis de la Tunisie le sachent donc : le baiser est interdit en public sur cette terre qu’on dit accueillante !
Par Farhat Othman *
C’est, malheureusement, l’état de ce pays, aujourd’hui défiguré par ses lois et ses minorités intégristes au pouvoir soutenues par un Occident aveugle aux réalités du pays.
Pourtant, la Tunisie était qualifiée de dictature souriante par les Américains avant qu’ils ne remplacent la dictature de Ben Ali par une autre en vue de mieux servir leurs intérêts géostratégiques.
Et voilà le pays ployant sous une double dictature, et guère plus souriant, étant défiguré !
Bisou interdit, méfait honoré
Aujourd’hui, en Tunisie, on emprisonne pour un baiser public ! Comment ne pas encourager de la sorte toutes les dérives terroristes? Car le terrorisme est d’abord mental.
Le rejet de l’autre qu’est le terrorisme commence avec des lois scélérates qui permettent de nier le moindre droit à la différence, à commencer par une vie privée paisible, dont ce droit naturel d’embrasser. Or, quand le bisou devient un méfait, on ne peut s’étonner que le méfait soit honoré.
Et c’est bien le cas en Tunisie de nos jours. Ne couvre-t-on pas toujours du qualificatif de jihad les menées de nombre de terroristes alors qu’il n’y plus de jihad en islam que majeur, celui contre soi et la haine de son prochain ? On n’ose pourtant pas l’admettre et le dire publiquement afin d’arrêter le lavage des cerveaux des jeunes déboussolés et désaxés !
N’est-ce pas un tel terrorisme mental qui use de la morale pour semer, non seulement l’immoralité, mais les violences et les meurtres aussi, dévastant ce qui reste de bon en Tunisie, ce côté sentimental du Tunisien qu’une matérialisation poussée à outrance défigure à l’abri de lois honnies ?
Une telle oeuvre machiavélique est certes le fait, en premier, des intégristes; mais il se trouve qu’on les encourage, sinon à coups d’aides et de subventions, du moins par une fausse pratique d’un consensus mensonger. Car ils ne sont rien sans un tel soutien précieux.
C’est ce fameux «taouafoq» (consensus) dont la finalité est de ne rien changer aux lois scélérates de la dictature et de la colonisation, un arsenal obsolète nourrissant la haine des uns et des autres dans le pays. Tout cela, bien entendu, a pour finalité de servir une alliance honteuse entre un capitalisme sauvage et un intégrisme islamiste, ce capitalislamisme sauvage au seul bénéfice des seigneurs et/ou saigneur du monde.
Imposer la réforme législative
Il ne faut plus le taire : l’Occident, surtout yankee, est bien derrière ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie, n’ayant mis à bas la dictature qu’en se servant des attentes du peuple en termes de droits et de libertés, les détournant au service de ses seules visées mercantiles, en sus (ou à défaut) d’arriver à ses fins géostratégiquement.
Aussi, il est de la responsabilité de cet Occident autiste à ses propres valeurs d’oser enfin apporter son soutien aux bonnes volontés en Tunisie qui crient au péril; car une Tunisie intégriste est une boîte de Pandore pour tous les pays méditerranéens, et même du monde même.
Il est impératif de clarifier dans le pays la vision politique occidentale — et fatalement tunisienne —, et cela ne peut se faire que par l’abolition des lois injustes immorales et leur remplacement incontinent par des lois justes, véritablement morales.
Cela veut dire, et en premier lieu, l’abolition de toutes les interdictions et prohibitions en matière de droits et de libertés dans tous les domaines privés de la vie citoyenne dont le droit d’embrasser publiquement qui l’on veut.
Or, nos autorités, dont la mentalité est gangrénée ou anesthésiées par le virus intégriste, ne sauraient seules le faire sans l’exhortation pressante de ses plus sûrs partenaires occidentaux. Ces derniers doivent veiller sérieusement à ce que la législation obsolète en Tunisie soit mise au niveau des standards humanistes au plus tôt, ainsi qu’ils veillent au service de leurs intérêts politiques et économiques dans le pays.
C’est cela aussi le libéralisme, le vrai ! Car il ne suffit plus de faire semblant de dénoncer, mais il faut agir concrètement à coups de lois. Il est impératif de cesser de défigurer la Tunisie afin que le sourire revienne sur la face de son peuple désenchanté.
Aussi est-il de la plus haute urgence d’y légaliser le bisou public et toutes les libertés privées consacrées au reste par la Constitution demeurée lettre morte et qu’on se garde de mettre en œuvre pour continuer à défigurer encore plus le pays, en faire une théocratie au service des impérialistes de tous bords, d’Occident et d’Orient.
* Ancien diplomate, écrivain.
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