Les candidats aux élections présidentielles et législatives sont maintenant connus et l’échéance est prévue pour le 15 septembre 2019. Chacun en est conscient, c’est une échéance capitale pour l’avenir du pays. Mais qui choisir ? That is the question et bien malin celui qui saura y répondre.
Par Rachid Barnat
On est bien obligé de constater que les hommes politiques tunisiens, dans leur majorité, ne sont pas tous sérieux ou patriotes et le nombre des candidatures a de quoi faire rire si cela n’était pas, en même temps, très préoccupant.
Certains ont écrit qu’ils préféraient des centaines de candidatures à une candidature unique. C’est une phrase sans fondement, une facilité, un mot sans réflexion. Car cette multitude de candidatures quantitative s’est faite au détriment du qualitatif
Heureusement que d’une centaine de candidatures, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) n’a retenu que 26 candidats.
Quels sont leurs projets à part l’obtention du poste ?
La plupart des candidats n’ont, pour le moment du moins, aucun programme, aucune ligne politique clairement définie et reconnaissable et pensent que leurs petites personnes a de l’importance. Or une élection de ce type, c’est d’abord l’occasion pour un pays de choisir entre de réelles options différentes, entre des lignes de force et ensuite de s’unir pour réaliser un projet utile pour le pays.
Bien malins ceux qui pourraient nous dire aujourd’hui quels sont les projets des uns et des autres à part l’obtention du poste !
Encore que fort curieusement tous ou presque nous disent aujourd’hui qu’ils demandent un changement de constitution et un changement du régime électoral ! Comme c’est curieux ! Ils ne l’ont jamais fait avant. Ils se rallient donc au projet défendu depuis longtemps par Abir Moussi, candidate du Parti destourien libre (PDL) ? Qui peut les croire ?
Cependant et malgré la tentation forte que l’on en a, après ces candidatures ridicules, l’abstention serait mortelle pour l’avenir car ce sera la porte ouverte en grand à ceux qui ont un projet et une organisation, à savoir les Frères musulmans d’Ennahdha.
S’unir en une forte majorité sur un nom et sur un parti
Il faut donc voter et voter en masse. Mais comment ? Nous proposons ci-dessous un mode d’emploi.
1 – Donner une leçon magistrale aux politiques incompétents :
En ce qui concerne le choix à faire, les Tunisiens, dégoûtés des hommes politiques incompétents et sans patriotisme, devraient leur donner une éclatante leçon. Comment ? Il n’y a pas trente-six mille solutions. Il faut qu’ils réussissent à s’unir en une forte majorité sur un nom et sur un parti.
Ce nom et ce parti, ils ne doivent évidemment pas le choisir au hasard ou le jouer à la roulette ! Ils doivent procéder en posant les bases de ce qu’ils veulent essentiellement et procéder ensuite par élimination.
Ce que veut le peuple tunisien essentiellement c’est, sans conteste, un pouvoir fort, qui ait un projet sérieux pour sortir le pays de la crise que chacun mesure et dans tous les domaines : l’économie, le social, la sécurité, l’éducation…
Les Tunisiens ont maintenant compris dans leur grande majorité que la régression du pays évidente pour tous vient de la constitution et du régime électoral qui rend le pouvoir totalement impuissant en l’émiettant entre tous les partis.
Ils savent aussi que cette régression date de l’arrivée des Frères musulmans et de leur entrisme dans tous les rouages de l’Etat. Ils sont conscients que les partis islamistes instrumentalisent honteusement la religion. Ils savent aussi qu’ils ont ruiné le pays avec l’exigence anormale de leur indemnisation (Ce que les études du FMI ont clairement montré) qu’ils ont incité des jeunes à partir sur les champs de bataille islamistes, qu’ils ont divisé le peuple avec la religion et qu’ils sont à l’origine de cette constitution et de ce régime électoral qui ruine le pays.
2 – Écarter les islamistes et leurs «complices»
Le choix paraît donc plus simple qu’on le pense.
Veut-on continuer grosso modo, comme les années qui viennent de s’écouler depuis le 14 janvier 2011; et alors le choix est très ouvert car tous les politiques peu ou prou, veulent maintenir le système actuel, c’est-à-dire l’émiettement du pouvoir; et tous sont prêts, si cela leur est nécessaire pour être majoritaire, à s’allier avec les islamistes.
Il y a même des projets plus graves encore et certains, pour obtenir la présidence de la république, sont prêts à accepter que les islamistes aient la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et la présidence du gouvernement. Ce qui serait la plus grande des catastrophes.
Tous ceux-là nous disent que les islamistes sont incontournables et qu’il faut faire avec, ce qui est la pire erreur politique.
Dans ce camp du statu quo, on retrouve pratiquement tous les candidats de Youssef Chahed à Mohsen Marzouk, en passant par Nabil Karoui et même Abdelkrim Zbidi, qui a très bien accepté sans jamais dire un mot, la politique dite du consensus imposée par Rached Ghannouchi à Béji Caïd Essebsi.
Pour tout dire, cet engouement soudain sur la toile pour Abdelkarim Zbidi paraît même un peu inquiétant. On ne sait rien de lui. Il n’a jamais exprimé ses idées politiques et même s’il a bien géré l’armée, ce n’est pas un titre suffisant pour qu’il soit un bon président. Il est même probable qu’il partage avec son mentor Béji Caïd Essebsi le consensus avec les Frères musulmans, ennemis de la République !
Il est donc indispensable que les candidats sérieux et notamment le Dr Zbidi disent clairement, sans ambiguïtés, s’ils s’allieront aux islamistes pour garder le pouvoir ou s’ils resteront dans l’opposition s’ils n’ont pas la majorité. Il faut aussi qu’ils disent, et c’est essentiel, s’ils veulent enfin modifier cette Constitution et ce régime électoral désastreux.
Après ces éclaircissements, les Tunisiens auront l’embarras du choix car tous se valent et tous feront la même politique ou plutôt n’auront aucun projet politique sérieux. Et ils laisseront la place aux islamistes comme l’ont fait avant eux Mustapha Ben Jaafar, Moncef Mohamed Marzouki et Béji Caïd Essebsi !
Tous ceux-là, ne proposent qu’aujourd’hui, sans jamais avoir rien dit avant, de modifier la constitution et le régime électoral qui sont la cause du désastre actuel mais qu’ils considéraient il y a peu, comme les meilleurs ! De qui se moquent-ils ?
Bien sûr il y en a de meilleurs sur le plan humain mais ce n’est pas le problème car ils ne veulent pas changer les choses et les mécanismes dont on a vu où ils ont mené le pays.
Si, par contre, les Tunisiens veulent le changement, faire en sorte que le pouvoir reprenne de sa vigueur et mette un réel projet en marche, alors il leur faut choisir ceux qui veulent clairement un changement de constitution et de régime électoral et qui disent clairement qu’ils sont pour une Tunisie qui ne s’allie pas avec les obscurantistes.
3 – Faire de sorte que la Constitution et le régime électoral désastreux changent
Sur ce point, il n’y a pas d’autre choix possible, à notre avis, que celui d’Abir Moussi et du PDL car ils sont les seuls à faire le bon diagnostic et à avoir un projet de changement. Et, ce, depuis longtemps pas à la veille des élections. Sont-ils parfaits ? Bien sûr que non. Mais ceux des Tunisiens qui voudront donner une leçon aux politiques incompétents, souvent corrompus, sans conviction réelle, opportunistes et prêts à tout, sans aucun sens de l’intérêt du pays ; alors ils n’auront pas le choix : ils doivent s’unir sur le nom de Moussi et le PDL ; et là, leur message sera très fort.
On peut ne pas aimer cette dame pour des raisons personnelles mais elle est la seule à vouloir lutter démocratiquement contre les islamistes. Cela seul devrait faire la différence et conduire chacun à s’unir derrière elle.
Elle a raison de se présenter aux présidentielles, ce qu’elle n’aurait pas fait si les législatives s’étaient déroulées avant. Se déroulant après, elle ne pouvait pas laisser la place vide et laisser s’installer à Carthage quelqu’un qui aurait fait alliance avec les islamistes et aurait ainsi créé une dynamique contre laquelle elle aurait eu du mal à agir lors des législatives.
Enfin on entend dire : «Comment Abir Moussi pourra-t-elle reformer la constitution et la loi électorale ?» Cela est vrai. Mais ne faut-il rien tenter parce que ce sera difficile ?
Or beaucoup de personnes disent bien aujourd’hui que ces textes sont mauvais et on peut penser que si elle a une belle majorité, d’autres se joindront à elle par opportunisme, parce que le succès va au succès.
Quant à l’accusation d’avoir été RCD, elle est absurde au plus haut point; puisque cela n’empêche pas les même de soutenir M. Zbidi qui a été lui-même ministre de Ben, Ali ce qui est autrement plus grave !
Les Tunisiens sérieusement désireux d’un réel changement, doivent envoyer en nombre ce message.
Il faut surtout ne pas éparpiller les voix, pour que Abdelfattah Mourou, candidat d’Ennahdha, cet homme dont on connaît les discours et les fréquentations choquantes comme celle d’avec Wajdi Ghanim, ne soit même pas au deuxième tour.
Les Tunisiens ont la possibilité en s’unissant sur un nom, d’envoyer ce message fort.
Maintenant à chacun de réfléchir, de voir quelles sont ses priorités et d’agir en conséquence pour le bien du pays en étant patriote et en ne laissant pas de petites raisons mesquines souvent trahissant un sentimentalisme mal placé, lui dicter son choix.
Donnez votre avis