L’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT), cette escroquerie monumentale dont ont profité quelques familles économiques et politiques, n’a d’équivalent dans l’histoire de la Tunisie que les détournements de Mustapha Khaznadar qui ont abouti à l’instauration de la Commission financière internationale en 1869 et l’occupation française de la Tunisie en 1881. Kaïs Saïed, premier avocat de «flous echaab» (argent du peuple), se penchera-t-il sur ce dossier? Vidéo.
Par Imed Bahri
C’est ce qu’écrivait, il y a deux jours, dans un post Facebook, l’ancien ambassadeur, Elyes Kasri, sous le titre «À quand l’ouverture du dossier de la Banque franco-tunisienne qui coûtera au contribuable tunisien plus de 2,5 milliards de dinars tunisiens?», en parlant d’un «hold-up du millénaire» qui serait, selon lui, «l’illustration de la politique de pillage instaurée sous Ben Ali et intensifiée sous les différents gouvernements post-révolution au profit d’une classe de profiteurs rapaces qui ont saigné à blanc la Tunisie.»
«Ghazi Chaouachi du Courant démocratique (ex-ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Ndlr) s’est brûlé les doigts en essayant d’ouvrir ce dossier sulfureux. Espérons que le président Kaïs Saïed ne sera pas la prochaine victime de la pieuvre politico-économico-administrative qui tire les ficelles en Tunisie en la menant à la faillite et à la perte de sa souveraineté et de son indépendance», avertit M. Kasri.
La nomenklatura laisse pourrir l’affaire avec la complicité des politiques
L’affaire, qui remonte à 1982, lorsqu’un jeune investisseur ayant fait fortune en Arabie saoudite, Abdelmajid Bouden, a racheté cette banque, au nom d’un fonds d’investissement basé aux Pays-Bas, ABCI, avant de se voir grugé par la nomenklatura politico-financière de l’époque et d’être, avec l’arrivée de Ben Ali, totalement dépossédé de son bien, dont il avait pourtant payé le prix rubis sur ongle.
Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, un ancien camarade de classe de M. Bouden, Ahmed Kedidi, qui était poche du dossier, raconte comment l’homme a été escroqué par l’Etat tunisien et comment la nomenklatura s’est liguée contre lui, depuis les dernières années du règne de Bourguiba, jusqu’à aujourd’hui, soit une bonne quinzaine de gouvernements successifs qui ont fait durer cette injustice, aujourd’hui examinée par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), instance d’arbitrage liée à la Banque mondiale, et qui avait rendu, en juillet 2017, un verdict soulignant la responsabilité de l’Etat tunisien dans cette affaire.
La nomenclature constituée des partis politiques, des hommes d’affaires et des grands pontes de l’administration continue de faire semblant de ne pas saisir la gravité de l’affaire qui pourrait coûter plusieurs milliards de dinars à l’Etat tunisien, c’est-à-dire aux contribuables tunisiens, c’est-à-dire à vous et à moi, et tout cela pour ne pas faire payer les crédits de la BFT non remboursés par quelques dizaines d’affairistes véreux , qui préfèrent soudoyer les partis et les hommes politiques pour faire pourrir l’affaire au lieu de rendre l’argent qu’ils ont eu et qu’ils n’ont pas remboursé.
Les Tunisiens veulent fermer définitivement le dossier de l’affaire BFT
Le président de la république Kaïs Saïed, toujours prompt à dénoncer les réseaux de la corruption, a là une bonne occasion pour prouver qu’il est capable de passer de la parlote, dont les Tunisiens sont gavés, à l’acte et de prendre cette affaire à bras le corps pour en faire un exemple illustrant son fameux slogan : «Le peuple veut».
Aujourd’hui, le peuple veut faire fermer définitivement le dossier de l’affaire BFT sans devoir payer lui-même pour la voracité d’une camarilla d’affairistes insatiables. Ce sont ceux qui ont causé la faillite de la BFT qui doivent payer l’argent dû à ABCI et à Abdelmajid Bouden, lequel, rappelons-le, avait proposé, dans un geste de patriotisme, depuis les années de la «troïka», d’investir en Tunisie la plus grosse partie de l’argent que l’Etat tunisien devra lui payer sous forme de dommages et intérêts. Mais, à l’époque, le parti islamiste Ennahdha et ses alliés, soudoyés à leur tour par la même clique, ont tout fait, eux aussi, pour laisser pourrir l’affaire, qui va bientôt exploser à la figure de 11 millions de Tunisiens.
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