Le siège de Talan, dans la zone industrielle de la Charguia 1, s’est converti, le temps de l’exposition ‘‘Réminiscences’’, en une immense galerie d’art contemporain.
Par Zohra Abid
L’exposition, dont le vernissage a eu lieu jeudi 28 mai 2015 et qui se poursuivra jusqu’au 13 juin courant, vaut bien le détour. Une vingtaine d’artistes ont animé de leurs couleurs ensoleillées les cimaises de l’immense espace d’exposition s’étendant sur 800m2.
Les visiteurs ont eu droit, ce jour-là, à un spectacle de danse contemporaine, intitulé ‘‘Memorum, quand le corps se fait amnésique’’, présenté par le danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi, son complice, le compositeur Ahmed Benjemy, un électron libre du monde techno, et le collectif Dsign Lab.
On a éteint la lumière pendant au moins une demi-heure et cédé la place à un corps seul pour redessiner l’espace et réinventer le mouvement à sa guise. L’univers d’expression digitale et numérique tout en effets lumineux ont épousé à plaisir ce corps tout en mouvement, en vibration, en état d’alerte. «Une belle performance sonore. C’est poétique, c’est sensuel, c’est magnifique. En un mot, c’est fascinant», a chuchoté la galeriste Aïcha Gorgi, commissaire de l’exposition pour la 2e année consécutive.
Elle était heureuse et comblée par tant de beauté en accompagnant ses hôtes d’un carré à un autre et en leur faisant découvrir l’univers de ses amis artistes, avant de poser devant le ‘‘Before’’, oeuvre d’Anna Latreille-Ladoux, une Polonaise qui vit depuis 2 ans à la Marsa. Sa couleur, c’est le bleu d’azur, son monde le balnéaire et son sujet, le corps, toujours le corps qui se lâche et exulte.
A chaque artiste son imaginaire, son univers, sa touche et son petit grain de folie. Ici, on crée, c’est-à-dire qu’on dépasse les habitudes, transgresse les limites et prend des risques. Il ne s’agit pas de plaire, mais de surprendre, d’interpeler, de faire vibrer et de donner à réfléchir. Telle les travaux d’Ali Tnani, des carrés vides ou imprimés, des vides qui se remplissent et des lieux qui se vident dans un éternel exode.
Les amateurs d’art contemporains déambulent entre des univers artistiques si surprenants et si familiers à la fois, différents mais qui se parlent et tissent une trame de désir. Ils se prennent en photos devant les oeuvres, comme pour mieux se fondre dans les mondes imaginaires qu’elles contruisent.
Ici, on pose à côté d’un vélo ou d’un buste sculpté à la manière de Rym Karoui, devant ‘‘La délivrance’’ de Nabil Souabni. Un peu plus loin, un artiste est admiratif face à sa propre oeuvre et tombe en pamoison devant le secret de sa création. Tout le monde est admiratif.
On prend le temps d’apprécier, de comprendre, de sentir… Des œuvres gorgées de couleurs, aux tons chauds ou pastels, et qui dégagent une profonde harmonie, entre contrastes, ombres, lumières, rêves et sensations… Une profonde humanité aussi, comme celle que dégagent les femmes bouboules, mais gracieuses, charmantes et charmeuses, peinte avec amour par Feryel Lakhdhar.
Contrastant avec cet univers féminin, à la fois intime, drôle et théâtral, le grillage présenté par Insaf Saada investit l’espace. C’est un rideau qui tombe, comme un couperet. De la transgression à l’agression. L’art fait parler aussi nos angoisses.
Les Yemen Berhouma, Yesmine Ben Lhelil, Omar Bey, Haythem Zakaria, Farah Khelil, Sadri Khiari, Héla Lamine, Oussema Troudi, Imed Jemaïel, Nidhal Chamekh et Belhassen Chtioui ont pris possession de l’espace, qu’ils ont réarticulé, réaménagé, barboté, réinventé, en y imprimant leurs fantasmes et leurs désirs.
«C’est un zoom, une déclinaison à la fois picturale et photographique de ma dernière exposition ‘‘Fatchata’’ (tronche ou façade, Ndlr)», explique Nadia Jelassi devant ses oeuvres. Son univers est tout en façades, en étalages, fait de bric et de broc, construit de bouts d’histoires sans début ni fin, et de couleurs qui s’entrechoquent : le rouge brique, le blanc, l’ocre, le gris ardoise. Ici, les éléments se côtoient et se renvoient, entre attraction et révulsion, amour et haine…
Parmi les visiteurs, Ikram et Sami, mordus d’art, qui se prennent eux aussi en photos devant des objets rigolos et des tableaux aux couleurs vives. Nous avons saisi l’instant pour les prendre en photo. Photogéniques tous les deux, avec leur sourire sacré.
Mehdi Houas, président de Talan et initiateur de l’Expo Talan (grand amoureux d’art contemporain), a craqué, lui aussi, pour une œuvre. Dommage, il est arrivé tard, car elle a déjà été déjà vendue. «J’ai voulu l’acquérir, dommage!», a-t-il dit, avant de poser devant le tableau qui lui a fait tourner la tête.
Talan et Art, deux en un
Avant le vernissage, une conférence de presse a été donnée en présence des responsables de Talan pour parler de l’entreprise mais, surtout, de son tropisme artistique.
«Organiser une exposition d’art s’inscrit déjà dans l’intérêt de notre société pour l’innovation. Talan est, en effet, engagée dans une vaste dynamique dont l’objectif est de se positionner comme leader de la transformation agile», a lancé Mehdi Houas. La 2e édition de l’Expo Talan est, selon ses termes, «un de ces capteurs d’énergie positive, une des nombreuses sources d’inspiration pour notre grand projet».
Talan c’est une rencontre qui remonte à 15 ans entre des hommes de 7 nationalités et qui ont l’esprit d’équipe et savent travailler ensemble dans le respect. «Ils ont aussi une vie et ont envie de s’amuser, et cette expo artistique n’est pas loin de l’esprit créatif des hommes de Talan», souligne encore le maître des lieux. Il ajoute: «Promouvoir l’art et les artistes est aussi l’une de nos ambitions et nous allons continuer de le faire.»
«Nidhal Chamekh, qui a exposé ici même l’an dernier, est aujourd’hui le premier artiste tunisien à exposer à la Biennale de Venise et il représente fièrement la Tunisie», s’est-il encore félicité.
Entre Talan et les artistes, il y a un vrai partenariat et l’exposition sera un rendez-vous annuel, a souligné, de son côté, Philippe Cassoulat. «Les artistes travailleront chaque année sur un thème précis. Nous avons invité cette année près de 200 personnes de différents pays. Ils viennent de Londres, du Luxembourg, de New York… pour qu’ils admirent ce que se fait de plus beau en Tunisie», a ajouté le Français.
Behjet Boussofara, Philippe Cassoulat, Mehdi Houas et Aicha Gorgi.
«Nous avons décidé de financer une vingtaine d’artistes avant-gardistes et de les accompagner dans leur création. Nous sommes dans une zone industrielle et ramener l’art dans une zone industrielle, ça fait sens aussi», a renchéri Behjet Boussofara, directeur général de Talan Tunisie.
Talan, qui aime investir dans le mécénat artistique, a aujourd’hui un objectif : passer, en 2022, la barre du milliard d’euros de chiffre d’affaires. Avec plus de 10.000 consultants maîtrisant les mutations du monde créatif et innovant des écosystèmes de l’entreprise, le groupe peut regarder l’avenir avec optimisme et ambition.
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