Cet espace culturel alternatif et dédié aux nouvelles expressions ouvrira ses portes au centre-ville historique de Tunis début du mois de ramadan.
Par Hamadi Abassi
Confrontée aux appétits voraces des nouveaux urbanistes qui la défigurent, la capitale Tunis se transforme inexorablement. Les lieux et les espaces culturels qu’elle abritait sont détournés de leur vocation initiale au profit d’un marketing sauvage, et de course au profit abusive.
Comme une peau de chagrin, les galeries d’art, salles de spectacle et de cinéma, désertent notre espace urbain, plongeant Tunis dans une morne réalité.
Révolu cet âge d’or filmique, où un nombreux public passionné de rêves en celluloïd remplissait les multiples salles de cinéma de la capitale !
L’esprit d’initiative qu’affiche «Les artistes tunisiens associés», un regroupement de passionnés d’art et de culture, se présente comme une belle et intelligente alternative. Ces selfs made man cherchent à réconcilier le public tunisois avec le centre-ville historique, en transformant le cinéma le Mondial en une résidence d’artistes, un lieu vivant, multi disciplinaire, qui vient soutenir et offrir une visibilité à de jeunes artistes en quête d’un public.
Un beau et passionnant projet assumé dans son intégralité, par deux frères : Ramzi, restaurateur, et Ayoub, diplômé en communication et publicité. L’espace de la salle de cinéma est réaménagé pour accueillir différentes disciplines, les projections de films évidemment, les spectacles de l’Ecole de cirque et des représentations théâtrales.
L’originalité du projet se poursuit au deuxième étage de l’immeuble, avec la création du «Café théâtre Le Mondial», un espace culturel intelligent, capable d’accueillir 130 spectateurs. L’accès de la salle s’ouvre sur un «Coin cosi» doté d’une bibliothèque capable de proposer 2000 ouvrages, et de fauteuils «Clubs» anglais, pour une invitation à la lecture.
L’espace du lieu divisé suggère différentes atmosphères : celle théâtrale par une installation artistique composée d’une série de masques neutres blancs, comme emprunté au théâtre No, avec une déstructuration marquée par un masque rouge. La présence de différents appareils de projection cinématographiques «Vintage» (retro) dispatché dans la salle prolongent l’émotion du septième art.
La petite scène à l’esprit rétro, avec son rideau rouge, décorée par une grande enseigne métallique, illuminée par des ampoules, adaptée à la génération «2.0» (Deux points zéro), capte immédiatement l’attention du visiteur. Le micro modèle Memphis esprit 1920, qui se dresse en son milieu, s’impatiente d’offrir ses services aux jeunes artistes en quête de visibilité. La scène multi fonctionnelle comporte deux écrans, le premier réservé aux projections de films et le second pour des animations audio visuelles.
Tout a été réfléchi au «feeling», même le «thinking room» a été conçu comme des loges d’artistes, dotée de «flight cases» (caisses de matériel de cinéma) qui servent de lavabos et de tables de maquillage pour les artistes.
Dans un angle de la salle, un comptoir en marbre noir, l’arrière décoré par une monumentale expression du mime Marcel Marceau, assurera prochainement un service de restauration, où l’on servira une nourriture («fooding»).
Cette proposition à reformuler un espace culturel conformément aux aspirations d’une jeunesse exigeante est un challenge, qui permet aux deux managers, Faouzi et Ayoub, de se confronter à leurs capacités d’entreprises, et leur faculté à imaginer le lieu, où il est agréable de vivre et de se détendre en ce moment à Tunis.
Mais que serait ce lieu, sans une programmation adaptée, qui concilierait les publics qu’ils veulent toucher?
Tout en favorisant une proximité et une interactivité entre le consommateur et l’art, les deux gérants de l’espace proposent une programmation innovante, truffée de pépites. Fdaoui à la verve incomparable, Raja Farhat viendra raconter «Tounes zman» (Tunis d’antan); les amateurs de musique alternative communieront avec plaisir avec le groupe Mizrap, alors que les aficionados de la musique électro et de chant à cappella fêteront dignement cette rencontre avec l’ensemble Donia Okhra. Les passionnés de tango et de danse moderne partageront des moments exaltants, qui feront chavirer les corps et l’esprit. La soirée «Live session» avec la virtuose violoniste Yasmine Azaïez retient l’attention de ses nombreux fans. Aussi des frissons assurés avec les élèves de l’Ecole du cirque du Mondial. Des soirées d’improvisation «Open Mic» (microphone ouvert) offriront une belle opportunité à de jeunes talents de s’essayer devant un public, dans des exercices d’improvisation, de stand up et de one man show.
Une profusion de formules, pour une clientèle avisée, qui refuse de consommer abusivement des clips musicaux passés en boucle.
L’agencement de cette bulle achevée, Ramzi et Ayoub annoncent son ouverture pour le début du mois de ramadan. Le ton est donné, il faut nous y rendre pour juger si le lieu tient toutes ses promesses?
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