Mohsen Marzouk clôt une longue période de doutes et de tergiversations à Nidaa Tounes, prouvant ainsi que l’appétit du parti au pouvoir est intact.
Par Yassmine Hédi*
A défaut de décisions fracassantes, le dernier conclave du bureau exécutif du parti, dimanche dernier à Hammamet, aura eu le mérite d’envoyer des signaux positifs à la base et de donner une feuille de route claire pour les mois à venir. Pourvu qu’elle soit respectée !
Un exécutif à quatre roues
La reprise en main des affaires publiques fut poussive. A croire que l’envie de gouverner manquait à Nidaa. Pour expliquer cette pusillanimité, les barons du parti avançaient les exigences de l’intérêt général dans une période de transition politique délicate. C’est qu’il fallait se préserver d’une instabilité politique inscrite en puissance dans la constitution. Une constitution imposée par des islamistes n’imaginant pas perdre le leadership politique d’aussitôt.
Une explication ne manquant pas de pertinence. Il faut presque croire que la «meilleure constitution du monde» a été conçue pour aggraver la situation politique du pays. A cette explication s’ajoute l’ADN de Nidaa. Un parti né dans l’urgence pour répondre à une situation d’urgence. Le résultat au bout d’à peine deux ans d’existence fut quasi-miraculeux. Trois victoires pour trois échéances électorales (législatives, premier et deuxième tour s des présidentielles). Mais un succès dû à l’énergie et à la vision d’une poignée d’homme plutôt qu’à une vraie machine partisane.
Gouverner est une autre paire de manche. Les urnes ont désigné un vainqueur ne dépassant ses adversaires que d’une courte tête. Il fallait donc composer avec l’ennemi d’hier, Ennahdha, qui à vrai dire a perdu de sa morgue, et traumatisé par l’expérience égyptienne a montré un sens du compromis assez inhabituel. Le résultat est un exécutif à quatre roues sans personne pour tenir la barre. Et les velléités réformatrices de Nidaa ont été remises aux calendes grecques.
Réunion du bureau exécutif à Hammamet, le dimanche 2 août.
La rupture dans la continuité
Une situation qui a provoqué un blocage institutionnel et une impossibilité de changer les choses par le haut. Il ne restait plus qu’à manœuvrer en silence et s’armer de patience. Premier acte : apporter du sang frais à la direction du parti. Mohsen Marzouk, l’un des artisans de la victoire de Béji Caïd Essebsi à la dernière présidentielle, et personnage au caractère bien trempé ne cachant pas sa soif insatiable de succès pour le parti et pour lui-même, a été nommé secrétaire général. Energique et pédagogue, M. Marzouk a sillonné les routes et multiplié les interventions médiatiques. Objectif : se rapprocher de sa base, se mettre à son écoute, se faire le porte-voix des militants et arbitrer le dialogue entre les différents clans de sa famille politique.
Mohsen Marzouk s’étant assuré que sa vision des choses est partagée par les militants et cautionnée par la direction, est passé à l’offensive. Nidaa est le champion et n’a pas à se comporter en outsider. C’est le message principal qui ressort du communiqué officiel publié à la fin de la réunion du bureau exécutif, dimanche dernier, à Hammamet. Ennahdha a dominé la «troïka», l’ex-coalition gouvernementale. A Nidaa, muni de sa légitimité populaire, électorale et constitutionnelle d’assumer son leadership et d’imposer son rythme au «quator» responsable de la conduite de la politique nationale.
Mohsen Marzouk est passé à l’offensive.
Rassurer et construire
Nidaa ne se présentera pas aux municipales sur des listes communes avec Ennahdha. Les militants ont exprimé leur refus, la direction du parti a acquiescé. Pour espérer remporter la prochaine échéance électorale (les municipales, peut-être en 2016), Nidaa devra ressouder ses rangs. Son congrès sera donc organisé avant la fin de 2015 et des réunions préparatoires sont prévues. Entretemps le parti devra superviser la gestion des affaires courantes : mobiliser l’opinion publique pour mener à bien la réconciliation nationale, faire en sorte que Nidaa prenne l’initiative de mettre en place son programme économique et de développement, faire respecter ses promesses électorales dont notamment la révision des nominations…
L’ambition du pouvoir, moteur de la vie politique dans une société libre, exige d’être au service de la communauté nationale. Nidaa avec à sa tête Mohsen Marzouk semble l’avoir compris.
* Universitaire.