Avant-hier soir, au festival de Carthage, Charlie Winston a séduit le public par les multiples facettes de son talent artistique.
Par Skander Farza
C’est l’Anglais le plus «Tunisien» au monde. Charlie Winston a débarqué sur la scène du théâtre antique de Carthage dans sa panoplie de gentleman. Coiffé de son éternel chapeau et vêtu d’une veste en tweed, il a charmé le public tunisien par sa voix profonde et chaude, son jeu de scène, ainsi que ses «petites phrases» pertinentes, en anglais mais aussi en français et en arabe.
«Salam», a-t-il lancé à la foule en débarquant sur scène, avec son accent d’outre-manche. Le public fond, et encore plus devant son humour, typiquement anglais, quand il informe de la présence de sa mère «super gorgeous» (super sexy) dans la salle. Un one-man-show à l’intérieur d’un concert déjà très impressionnant.
C’est un enfant de la folk et le prouve accompagné de sa guitare.
De la folk au jazz
Au cours des deux heures de spectacle, l’artiste aura bien étalé sa palette artistique. A sa dégaine, on voit que c’est un enfant de la folk et le prouve accompagné de sa guitare. Des accords secs, abrupts que l’artiste surplombe avec sa voix puissante. Côté vocal justement, le chanteur lâche les rennes. Il se lance dans des vocalises risquées, jonglant entre son suraigu et son grave, en accusant quelques rares chocs audibles, rattrapés aussitôt par une pirouette lyrique. Dans tous les cas ce ne sont pas ses deux instrumentistes qui vont le couvrir et ce, malgré la tonicité du batteur qui, tout au long du spectacle, aura fait rougir grosse caisse et shirley.
Communion entre l’artiste et son public.
Sa guitare, Charlie l’a souvent lâchée pour passer du côté de la pop-rock sucré avec comme instrument sa seule voix et ses talents de beat boxer qui ont bluffé l’audience. Mais l’homme est aussi proche de la planète jazz et il nous y emmène le temps d’une complainte, tranchant avec l’explosivité qui a précédée. «Pourquoi l’amour est-il si difficile à trouver», chante-t-il. Il est seul, derrière le clavier. Ses doigts défilent habilement sur une mélodie assez simple, qu’on pourrait presque siffloter. Là est toute la force de Winston, mêler légèreté et profondeur dans la même chanson. Le public en profite pour en souffler un coup et se laisse bercer par la voix, toujours aussi criante, du pianiste.
La pop-rock sucrée avec comme instrument sa seule voix et ses talents de beat boxer.
Pas de jaloux
Outre ses talents d’instrumentistes, l’homme est un showman d’exception. S’il est de ces artistes qui aiment s’immerger dans la foule, d’autres demandent carrément au public de les rejoindre. Le Britannique fait partie de ces derniers. Quelques chanceux ont pu profiter de l’euphorie générale pour se glisser dans la fosse, tout près de la scène. Quant au reste, ils ont vu leur espoir se briser par les agents de sécurité qui ont tout fait pour reprendre le contrôle de la situation.
Un service de sécurité qui s’est vu remettre à sa place par l’artiste lui-même en déclamant «Relax brothers!» (Détendez-vous mes amis !). Le summum du flegme anglais donc, comme encore avec ce jeune garçon rentré sur scène pour un selfie surprise qui n’aura pas fait tiquer l’artiste d’un cil.
Là où il marque la soirée, c’est lorsqu’il livre son cadeau au public. Quelque chose qui lui a été demandée de très nombreuses fois par cette même assistance. La chanson ‘‘Like a hobo’’ qui l’a fait découvrir à l’internationale était sur toutes les bouches ce soir là.
Charlie enjambe les chaises de la fosse et va chercher son public dans les gradins.
Voulant faire dans l’original, c’est dans une transition hasardeuse que Charlie Winston amorce sa chanson fétiche. Des sifflements bourdonnants on passe à un son plus clair, plus fluide qui, rapidement, dessine les premières notes de la fameuse introduction. Les plus mélomanes s’embrasent dès le début, les autres suivront le rythme pour une fin détonante.
On a souvent tendance à insister sur la traversée du désert de l’artiste après son tube international. Classé pendant longtemps comme «chanteur d’une chanson», Charlie Winston a bien prouvé mardi soir qu’il est très loin d’avoir résumé tout ce qu’il avait dans trois couplets et un refrain.
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